Par un jugement n° 1806813 du 17 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1806813 du 17 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation de séjour et de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus d'entrée en France ;
- la décision de refus d'entrée en France n'a pas fait l'objet d'un examen personnalisé et complet de sa situation ;
- la décision de refus d'entrée en France est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et du droit d'être entendu en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'une obligation de quitter le territoire français prise après placement en zone d'attente puis en garde à vue en dehors de la zone d'attente ne peut être prise que sur le fondement de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire aux articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision de refus d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Les parties ont été informées par lettre du 24 juillet 2020, en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la tardiveté de la requête qui a été enregistrée plus d'un mois après le délai d'appel prévu par l'article R. 776-9 du code de justice administrative, qui avait recommencé à courir à compter de la réception par l'intéressée de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.
Une lettre d'observations en réponse au moyen relevé d'office, présentée par Mme B..., a été enregistrée le 3 août 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris en date du 29 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- et les observations de Me Clerc, avocat de Mme B....
Une note en délibéré, présentée par Mme B..., a été enregistrée le 14 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante vietnamienne née le 14 mai 1998, a fait l'objet le 5 août 2018 d'un refus d'entrée en France et d'une décision de maintien en zone d'attente à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle alors qu'elle était en transit entre Saint-Pétersbourg et Ho Chi Minh Ville. L'intéressée a été présentée à trois reprises à l'embarquement d'un vol à destination de Saint-Pétersbourg et a refusé d'embarquer. Par un arrêté en date du 14 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme B... relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2018.
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " En matière civile, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir devant la Cour de cassation ou de former une demande de réexamen devant la Cour de réexamen est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi, de la demande de réexamen ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Ce dernier délai est interrompu lorsque le recours prévu à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 est régulièrement formé par l'intéressé. Il en va de même lorsque la décision déférée rendue sur le seul fondement des articles 4 et 5 de la loi du 10 juillet 1991 est réformée et que le bureau est alors saisi sur renvoi pour apprécier l'existence d'un moyen sérieux de cassation ou de réexamen. / Le délai alors imparti pour le dépôt du pourvoi, de la demande de réexamen ou des mémoires court à compter de la date de la réception par l'intéressé de la notification de la décision prise sur recours confirmant la décision déférée ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où a été formée une demande d'aide juridictionnelle qui a interrompu le délai de recours contentieux contre le jugement rendu en première instance, ce délai recommence à courir à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné et non de la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 du même décret.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 29 mai 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et a désigné Me C... comme son conseil. Cette décision a été notifiée à Mme B... le 15 juin 2019 par lettre recommandée avec accusé de réception. En application de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991, le délai de recours contentieux contre le jugement du 17 octobre 2018 a ainsi recommencé à courir le 15 juin 2019. La requête de Mme B... a été enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le
18 juillet 2019, soit plus d'un mois après le délai d'appel, prévu par l'article R. 776-9 du code de justice administrative. La circonstance que la décision d'aide juridictionnelle n'a été reçue par le service de l'aide juridictionnelle de l'ordre des avocats de Paris que le 18 juin 2019 est sans incidence sur l'expiration du délai de recours dès lors que Me C... avait été désigné dans la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 mai 2019. Par suite, la requête présentée par Mme B... est tardive et irrecevable. Elle doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2020.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02339 2