Procédure devant la Cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 25 juillet 2017, 4 mai 2018,
5 septembre 2018 et 2 mai 2019, la compagnie Allianz Iard, représentée par
MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1500632 du
7 juin 2017 ;
2°) de condamner la commune de Vitry-sur-Seine à lui verser la somme de 284 895,92 euros en réparation de son préjudice subi en raison des fautes commises au titre de la police municipale, assortie des intérêts légaux capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vitry-sur-Seine une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- la requête est recevable dès lors qu'une demande indemnitaire préalable a été introduite le 13 avril 2016 ;
- l'incendie du 27 avril 2013 a pris naissance sur la parcelle abandonnée contigüe à l'immeuble appartenant à la société SCI Genie Pergolese, son assurée, et s'est propagé à cet immeuble en raison de l'absence de mesure prise par la commune pour clôturer cette parcelle ;
- il y a carence fautive de la commune dès lors que le maire n'a pris aucune mesure préventive adéquate à la suite du premier incendie intervenu au même lieu le 28 octobre 2012, en méconnaissance des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales ;
- elle a dû indemniser la SCI Genie Pergolese à hauteur de 284 895,52 euros.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril 2018, 4 juin 2018 et 11 avril 2019, la commune de Vitry-sur-Seine, représentée par son maire en exercice et par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la compagnie Allianz Iard est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas formulé de demande indemnitaire préalable ;
- la cause et l'origine de l'incendie du 27 avril 2013 n'ayant pu être déterminées, il est impossible de retenir une quelconque faute de la commune ;
- aucune faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police n'est caractérisée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me C...substituant MeD... pour la compagnie Allianz Iard,
- et les observations de Me B...substituant Me A...pour la commune de Vitry-sur-Seine.
Considérant ce qui suit :
1. Il est constant qu'un incendie a détruit un bâtiment appartenant à la société SCI Genie Pergolese, situé au 40 rue du Génie à Vitry-sur-Seine, le 27 avril 2013. La compagnie Allianz Iard, assureur du bâtiment détruit, a, après avoir indemnisé le propriétaire à hauteur de 284 895,52 euros, demandé au Tribunal administratif de Melun d'engager la responsabilité de la commune de Vitry-sur-Seine du fait de la police municipale et de la condamner à lui rembourser les sommes versées à la SCI Genie Pergolese. La compagnie Allianz Iard fait appel du jugement du 7 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la requête de première instance, antérieure à la publication du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Cependant aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration. Lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même.
3. Si la compagnie Allianz n'a pas formulé de demande indemnitaire antérieurement à l'introduction, le 27 janvier 2015, de sa requête tendant à la réparation du préjudice subi, et que la commune a opposé, dès son premier mémoire en défense du 9 avril 2016, une fin de
non-recevoir tirée du défaut de décision administrative préalable, la requérante a, le
13 avril 2016, adressé au maire de Vitry-sur-Seine une demande d'indemnisation qui est restée sans réponse. Ainsi, une décision implicite de rejet était née à la date à laquelle le tribunal administratif a statué. La commune de Vitry-sur-Seine n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la demande de première instance n'était pas recevable.
Sur la responsabilité de la commune :
4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, (...) et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". La carence du maire à faire usage des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales n'est fautive, et par suite de nature à engager la responsabilité de la commune, que dans le cas où, en raison de la gravité ou de l'imminence du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publiques, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave ou imminent, méconnaît ses obligations légales.
5. La compagnie Allianz Iard soutient que l'incendie du 27 avril 2013 est dû à la carence du maire de Vitry-sur-Seine dans l'exercice de ses pouvoirs de police dès lors qu'il n'a, à la suite d'un incendie survenu le 28 octobre 2012 dans une maison abandonnée occupée par des squatters, située sur la parcelle voisine de celle où est implanté l'immeuble de la SCI Genie Pergolese, pris aucune mesure susceptible d'en prévenir le renouvellement. Elle fait valoir que des témoignages de voisins recensés dans le procès verbal de gendarmerie et le rapport de " reconnaissance incendie " daté du 10 mai 2013 mentionnent que l'incendie du 27 avril 2013 aurait eu pour origine la maison abandonnée contiguë aux locaux de son assurée. Cependant, ces éléments imprécis ne sont pas corroborés par le rapport du laboratoire central de la préfecture de police daté du 22 août 2013, qui indique de façon beaucoup plus précise que la zone du départ du sinistre n'a pu être localisée avec précision et que le feu a pu prendre naissance au niveau de l'appentis, propriété de la SCI, où étaient stockés des produits inflammables, ou des vestiges du bâtiment déjà affecté par un précédent incendie. Par suite, la compagnie Allianz Iard n'établissant pas avec certitude l'origine du dommage, elle n'est pas fondée à rechercher l'engagement de la responsabilité de la commune de Vitry-sur-Seine sur le fondement de la carence de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune, que la compagnie Allianz Iard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
7. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vitry-sur-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la compagnie Allianz Iard demande au titre des dépens et des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la compagnie Allianz Iard une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vitry-sur-Seine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie Allianz Iard est rejetée.
Article 2 : La compagnie Allianz Iard versera à la commune de Vitry-sur-Seine une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie Allianz Iard et à la commune de
Vitry-sur-Seine.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2019.
Le président-rapporteur,
B. EVEN Le président assesseur,
P. HAMONLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02593