Par un jugement n° 1714430/3-2 du 13 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2019, la compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ou de la décharger du paiement de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision est entachée d'erreur d'appréciation en ce que l'usurpation de passeport n'est pas manifeste et ne ressort pas suffisamment de la comparaison des photographies dont se prévaut l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requérante a présenté un moyen nouveau en appel qui a trait au bien-fondé de l'amende dans son principe alors qu'elle n'avait contesté en première instance que le seul montant de l'amende ; à titre principal, ce moyen nouveau qui procède d'une cause juridique distincte de celle du moyen de première instance constitue une demande nouvelle irrecevable ;
- à titre subsidiaire, le moyen nouveau invoqué par la compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La compagnie nationale Royal Air Maroc relève appel du jugement du 13 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir, le 17 septembre 2016, débarqué sur le territoire français un passager de nationalité congolaise muni d'un titre de séjour belge manifestement usurpé, et à la réduction du montant de l'amende à la somme de 2 500 euros.
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste ".
3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions citées ci-dessus.
4. Par ses écritures non contestées incluses dans son mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2019, le ministre de l'intérieur invoque le fait que l'examen de la planche photographique en couleurs établie par les services de la police aux frontières à Roissy, présentant, d'une part, la photographie apposée sur le titre de séjour belge présenté à l'embarquement par le passager en cause, daté du 10 septembre 2013, et, d'autre part, la photographie de ce passager prise à l'occasion de son débarquement du 17 septembre 2016, laisse apparaître une différence d'âge d'un minimum de dix ans entre la personne photographiée sur le titre de séjour et le passager. Cette différence d'âge résultant de la comparaison des deux photographies, mise en perspective avec la différence d'âge censée résulter de la comparaison entre la date du titre de séjour belge présenté et la date de débarquement du passager, soit une différence de trois ans, constituait un élément d'irrégularité manifeste, fondé sur une dissemblance physionomique tout aussi manifeste, décelable par un examen normalement attentif des agents procédant à l'embarquement des passagers. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres dissemblances physionomiques relevées par le ministre de l'intérieur, c'est sans erreur d'appréciation que ce dernier a considéré que la compagnie nationale Royal Air Maroc avait méconnu les dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a infligé l'amende prévue au titre des manquements énoncés par les dispositions de cet article.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, la compagnie nationale Royal Air Maroc n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin de décharge ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie nationale Royal Air Maroc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
M. A... Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01332