Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 octobre 2020 et 25 février 2021, M. E..., représenté par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le motif de l'arrêté attaqué tiré de ce qu'il aurait dissimulé l'existence de cinq enfants est erroné ;
- le motif de l'arrêté tiré de ce qu'il ne justifie pas d'une intégration professionnelle sur le territoire français est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'ancienneté de son séjour en France ainsi que l'exercice antérieur d'un emploi déclaré constituent des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces mêmes décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa vie personnelle ;
- la circonstance qu'il a fait l'objet d'une condamnation pénale en 2007 pour des infractions relatives à l'entrée ou au séjour irrégulier en France ainsi qu'à la détention et l'usage de faux document administratif ne saurait le faire regarder comme constituant une menace à l'ordre public de nature à justifier un refus de délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me H..., pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant sénégalais né le 7 juillet 1968, entré en France en 2002 selon ses déclarations, a sollicité, le 29 janvier 2019, son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 décembre 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 23 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. E... reprend en appel, à l'identique, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué. Le requérant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 31314, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. M. E... fait valoir qu'il réside en France de manière continue depuis 2002, qu'il n'a pas d'enfants dans son pays d'origine et qu'il exerce une activité professionnelle depuis de nombreuses années. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des avis d'impôt sur le revenu de M. E... au titre des années 2001 à 2006 incluses que celui-ci a déclaré aux services fiscaux deux enfants au titre de ces six années. Au titre des années 2007 et 2008, M. E... n'a déclaré aucun enfant puis a déclaré quatre enfants au titre de 2009. Au titre de 2010, l'intéressé n'a déclaré aucun enfant puis a déclaré sept enfants au titre de 2011 et 2012, avant de se déclarer célibataire sans enfant à compter de 2013, puis de déclarer à nouveau sept enfants au titre de l'année 2016. En outre, la lettre de la direction générale des finances publiques adressée à M. E..., en date du 16 juillet 2012, confirme que ce dernier a déclaré, au titre de 2011, être marié avec Mme A... F... et avoir sept enfants, nés respectivement en 1998, 2000, 2002, 2004, 2006, 2008 et 2010. Dans ces conditions, les allégations de M. E... selon lesquelles il n'aurait pas d'enfant sont sans fondement et le livret de famille produit à cet égard par l'intéressé ne saurait avoir de valeur probante de sa situation familiale à la date de l'arrêté attaqué. En outre, la situation familiale de M. E... telle que susdécrite est de nature à faire regarder ses allégations selon lesquelles il résiderait en France de manière continue depuis 2002 comme non établies, dès lors notamment qu'il n'a jamais soutenu ni même allégué que son épouse résiderait ou aurait résidé sur le territoire français. De plus, les pièces produites par M. E... au titre de l'année 2015, composées essentiellement de quelques ordonnances et de relevés de livrets A de la banque Postale faisant apparaître des mouvements très irréguliers ne permettent pas de faire regarder sa présence en France comme continue au titre de cette année. Ainsi, la présence régulière et continue en France de M. E... ne saurait être établie qu'à compter, au plus tôt, de l'année 2016, soit depuis environ quatre ans à la date de l'arrêté en litige. Enfin, si M. E... se prévaut également de son intégration sociale et professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a déclaré aucune activité dans sa fiche de salle du
29 janvier 2019 et ne justifie d'une activité salariée, par la production de bulletins de paie émanant d'agences de travail temporaire, qu'à compter du mois de juillet 2019, en qualité de terrassier, de manutentionnaire ou de manoeuvre. Ces circonstances, alors même que l'intéressé aurait travaillé ponctuellement à des périodes antérieures, ne sont pas de nature, eu égard à la nature de son expérience et de ses qualifications professionnelles, à justifier d'une intégration professionnelle significative sur le territoire français. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le requérant ne justifie pas de l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police a pu légalement refuser l'admission exceptionnelle au séjour du requérant sur le fondement de ces dispositions.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. Le requérant invoque, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, les dispositions et stipulations qui précèdent. Toutefois, d'une part et ainsi qu'il a été dit au point 6, sa résidence continue en France ne saurait être établie qu'à compter, au plus tôt, de l'année 2016, l'intéressé ayant au demeurant fait l'objet de quatre mesures d'éloignement, antérieures à l'arrêté en litige, en 2006, 2009, 2014 et 2016. En outre, alors que les déclarations de l'intéressé au regard de sa situation familiale font apparaître des contradictions importantes, explicitées au point 5, de nature à faire douter de leur sincérité, celui-ci ne fait état, à la date de l'arrêté en litige, d'aucune vie familiale sur le territoire français. Il n'est d'ailleurs pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment son épouse et sa mère et où il a vécu en tout état de cause jusqu'à l'âge de 48 ans. Enfin, si M. E... soutient que le préfet de police ne pouvait lui opposer sa condamnation à un mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bonneville (Haute-Savoie) en 2007, pour entrée ou séjour irrégulier ainsi qu'usage et détention de faux documents administratifs, il est constant que le préfet n'a pas fondé son refus de délivrance de titre de séjour sur une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article
L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Pour les motifs énoncés au point 7, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoqué au soutien des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que M. E... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2021.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
M. B...
Le greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02967 2