2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2010 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la prescription ; il a omis de répondre, s'agissant du moyen relatif à sa domiciliation fiscale, aux arguments et pièces établissant la réalité du groupe de sociétés qu'il anime et dirige au Liban ; il ne s'est pas non plus prononcé sur le moyen relatif à l'application de l'article 40 de la convention fiscale franco-libanaise ;
- les années 2007 et 2008 étaient prescrites dès lors que l'administration avait connaissance de l'organisation mise en place par M. E... pour la gestion de ses affaires et ne pouvait pas invoquer les dispositions du 3e alinéa de l'article 169 du livre des procédures fiscales ;
- il a fait l'objet d'une double vérification au titre des années 2007 à 2009 en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;
- il n'est plus résident fiscal en France depuis 2006 ;
- le Tribunal ne pouvait faire application de la loi fiscale interne et devait faire primer la convention internationale conclue entre la France et le Liban ;
- le centre de ses intérêts économiques est situé au Liban ;
- la valeur du patrimoine immobilier ne constitue pas un critère de détermination de la résidence fiscale et, en tout état de cause, il y a également lieu de tenir compte des biens immobiliers détenus dans d'autres pays ;
- il est séparée de son épouse depuis 2006, et a quitté la France pour vivre au Liban ;
- il dirige un groupe de sociétés libanaises ; sa carte bancaire professionnelle était également utilisée par des préposés des sociétés de son groupe ; ses passeports justifient de long séjours au Liban ; un juge d'instruction a estimé qu'il n'existait pas de dépenses quotidiennes réelles permettant de justifier de séjours réguliers et prolongés en France de M. E... ;
- ses activités indépendantes ont été effectuées hors de France ;
- il y a lieu de mettre en oeuvre la procédure de l'article 40 de la convention fiscale franco-libanaise ; l'administration a méconnu les stipulations de l'article 40 en ne recherchant pas une solution à l'issue d'une procédure amiable entre les représentants des deux Etats ;
- les salaires versés par la société ICMEG ont été imposés au Liban et ne correspondent pas à une activité exercée en France ;
- il n'a pas réalisé de prestations d'intermédiation pour la société Total mais a cédé des droits d'exploitation gaziers ; dès lors qu'il ne s'agit pas de prestations de service, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne sont pas applicables ; il n'a perçu qu'une somme de 900 000 dollars, le reste des sommes ayant été versé à des intermédiaires libyens ;
- s'agissant des contrats conclus avec les sociétés de droit libanais Como Holding et Tristar Holding, il n'est pas établi que les services ont été rendus par une personne établie en France ; ces sociétés exercent une activité industrielle ou commerciale autre qu'une activité de prestations de services ; en outre, il est intervenu en qualité de mandataire de sociétés de droit libanais, qui ne sont pas soumises à un régime fiscal privilégié ; l'administration ne justifie pas du non assujettissement à l'impôt de ces sociétés au Liban ;
- le juge de l'impôt est tenu par la position prise par le juge judiciaire qui a renoncé à retenir une infraction au titre d'éventuels actes de corruption d'agents publics étrangers ou d'abus de biens sociaux ;
- sur les pénalités, le manque de coopération qui lui est reproché ne lui est que très partiellement imputable, les documents dont il aurait pu faire état étant sois saisis dans le cadre de la procédure judiciaire, soit situés à l'étranger alors qu'il n'était pas autorisé à sortir du territoire ; compte tenu des incertitudes sur sa résidence fiscale, la volonté d'éluder l'impôt n'est pas caractérisée ; le cumul avec les sanctions pénales constitue une violation du principe non bis in idem et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de son protocole n° 7.
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 décembre 2018, 2 mai et 21 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de M. E....
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
II) Par une requête enregistrée le 30 mars 2018 sous le n° 18PA01086, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1603329 du 24 janvier 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une lettre du 10 juillet 2018, M. E..., représenté par Me C..., informe la Cour de son désistement de cette instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention du 24 juillet 1962 entre la France et le Liban en matière d'impôts sur les revenus et d'impôts sur les successions ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel il a été assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009. Il a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur une activité occulte d'intermédiaire et de consultant au terme de laquelle des cotisations d'impôt sur le revenu ont été mises à sa charge au titre des années 2007 à 2010 à raison de l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux tirés de cette activité. Par les deux requêtes susvisées, M. E... fait appel du jugement en date du 24 janvier 2018, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
2. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées, présentées par un même requérant et dirigées contre un même jugement, afin qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
3. Par courrier en date du 10 juillet 2018, le requérant représenté par Me C..., a informé la Cour qu'il se désistait de la requête n° 18PA01086. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Contrairement à ce que soutient M. E..., les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que le droit de reprise de l'administration était prescrit pour les années 2007 et 2008. Ils ont également répondu au moyen relatif à la domiciliation fiscale de M. E... et n'étaient pas tenu de répondre à tous ses arguments, notamment ceux tirés de l'existence d'un groupe de sociétés qu'il anime et dirige au Liban et de la réponse des autorités libanaises à la demande présentée par M. E... sur le fondement de l'article 40 de la convention fiscale franco-libanaise susvisée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'un défaut de réponse à un moyen.
Sur la domiciliation fiscale de M. E... :
5. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision fondant l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : (...) c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ".
7. Il est constant que M. E... exerçait, au cours des années en litige, une activité professionnelle d'intermédiaire auprès de l'Etat français et de sociétés françaises pour la négociation et la conclusion de contrats avec des Etats du Moyen-Orient et d'Afrique en qualité de salarié de la société de droit libanais ICMEG pour les années 2008 et 2009 et de manière indépendante pour les années 2007 à 2010 et qu'il a perçu à ce titre, d'une part, des salaires et, d'autre part, des sommes imposées par l'administration dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le requérant fait valoir que ces activités étaient exercées depuis le Liban où il avait implanté des structures adaptées aux affaires du marché moyen oriental et musulman. Il résulte toutefois de l'instruction que M. E... disposait d'une résidence à Paris et que, s'agissant des salaires perçus de la société ICMEG, ils étaient versés sur des comptes bancaires dont M. E... était titulaire en France, que la société ICMEG avait, jusqu'en novembre 2009, un bureau en France et que le contrat de travail de M. E... prévoyait qu'il devait exercer ses fonctions au Liban ou en tout autre lieu où la direction de la société lui demanderait d'exercer. En outre, si les sommes perçues par M. E... au titre de son activité indépendante d'intermédiaire ont été versées sur des comptes détenus auprès de banques libanaises, l'examen des relevés des deux comptes bancaires ouverts en France par le requérant auprès des sociétés BNP Paribas et Bank Audi Saradar, a mis en évidence la réalisation de nombreuses opérations en France, notamment des retraits d'espèces, des achats par carte bancaires et l'émission de chèques correspondant à des dépenses personnelles et caractérisant au minimum 226 jours de présence en France au cours de l'année 2008 et 198 jours au cours de l'année 2009. Si M. E... fait valoir que ces comptes bancaires étaient utilisés par des tiers et que les mentions figurant sur son passeport attestent de ses séjours au Liban, il ne produit aucune pièce susceptible d'établir le bien-fondé de ses allégations. De même, il ne produit pas l'ordonnance de renvoi des juges d'instruction dont il se prévaut et qui mentionnerait qu'il n'existe pas de dépenses quotidiennes réelles pour M. E... permettant de justifier de séjours réguliers et prolongés en France. Dès lors, les activités professionnelles de M. E..., qui était physiquement présent en France où il disposait d'une résidence la majeure partie de l'année, doivent être regardées comme ayant été exercées en France, quand bien même elles étaient réalisées par le truchement de sociétés de droit libanais, et les revenus qu'il en a tirés constituaient donc des revenus de source française. En outre, si le requérant disposait d'un patrimoine immobilier au Liban, il ne justifie pas que ce patrimoine était productif de revenus. Dans ces conditions, alors que M. E... ne conteste pas que sa situation n'a pas variée au cours des années en litige, il doit être regardé comme ayant eu en France le centre de ses intérêts économiques au sens
du c du 1 de l'article 4 B du code général des impôts. Par suite, sur le terrain de la loi fiscale, c'est à bon droit que le service a considéré que M. E... avait son domicile fiscal en France. Il était, dès lors, passible de l'impôt sur le revenu en France à raison de l'ensemble de ses revenus, à moins qu'il ne puisse se prévaloir de sa qualité de résident libanais au sens des stipulations de la convention fiscale franco-libanaise du 24 juillet 1962 susvisée.
S'agissant de l'application de la convention fiscale franco-libanaise :
8. Aux termes de l'article 2 de la convention franco-libanaise du 24 juillet 1962 susvisée : " 1. Au sens de la présente Convention, on entend par " résident d'un État contractant " toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1 ci-dessus, une personne physique est considérée comme résidente de chacun des États contractants, cette personne est réputée résidente de celui des deux États où se trouve le centre de ses intérêts vitaux c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles et professionnelles sont les plus étroites. / 3. Si l'État contractant où la personne physique a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, cette personne physique est réputée résidente de celui des deux États où elle séjourne le plus longtemps (...) ".
9. M. E..., qui produit une attestation du chef du département de l'impôt sur le revenu à Beyrouth, justifie avoir été assujetti à cet impôt au Liban au titre des années 2007 à 2010. Il peut donc être regardé comme établissant être résident du Liban au sens du premier paragraphe de l'article 2 de la convention franco-libanaise susvisée. Il a donc la qualité de résident " de chacun des Etats contractants " et sa situation doit dès lors être réglée conformément aux stipulations du 2 dudit article.
10. Il ressort des propres écritures de M. E... qu'il vivait, avant leur séparation, avec son épouse et leurs deux enfants dans le logement qu'il possède au 40 avenue Georges Mandel à Paris 16ème. Il résulte de l'instruction, que par une ordonnance de non-conciliation du 5 juin 2007, les époux E... ont été autorisés à résider séparément. Si le requérant fait valoir qu'il a quitté son domicile parisien dès l'automne 2006 pour vivre au Liban, il se borne à produire, pour en justifier, trois attestations établies par un médecin et deux membres de sa famille qui, rédigées en des termes généraux, ne présentent pas un caractère suffisamment probant. L'administration relève au contraire que M. E... a, au cours des années 2007 à 2009, souscrit des déclarations de revenus auprès du centre des finances publiques de Paris 16ème mentionnant qu'il résidait au 40 avenue Georges Mandel à Paris au 1er janvier de chaque année d'imposition en litige, ainsi que des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune faisant état, au 1er janvier des années 2005 à 2010, de sa domiciliation à cette même adresse et qu'il a, au cours des années 2007 et 2009, déclaré des sommes versées pour l'emploi d'un salarié à domicile et complété la case 8TI relative aux revenus étrangers exonérés perçus par les personnes domiciliées en France. Elle justifie également que M. E... a, par un courrier du 24 octobre 2011, indiqué avoir conservé son domicile parisien après le départ de son épouse en Grande-Bretagne. Il ressort en outre de ce qui a été exposé ci-dessus que M. E... disposait en France de comptes bancaires régulièrement utilisés pour des dépenses personnelles et qu'il y exerçait ses activités professionnelles d'intermédiaire salariée et indépendante, alors même que les sociétés qu'il dirigeait étaient des sociétés de droit libanais et qu'il était amené à se déplacer à l'étranger. Il ressort de l'analyse de ces éléments, que c'est avec la France que M. E... entretenait les relations personnelles et professionnelles les plus étroites et qu'il y avait, par suite, le centre de ses intérêts vitaux au sens des stipulations de la convention précitée. En conséquence, M. Een France doit être considéré comme domicilié en France pour l'application de la convention franco-libanaise. Par suite, M. E... était imposable en France sur l'ensemble de ses revenus.
11. Aux termes de l'article 40 de la convention franco-libanaise susvisée : " 1. Lorsqu'un résident d'un État contractant estime que les mesures prises par l'un ou l'autre ou par l'un et l'autre des deux États contractants entraînent ou entraîneront pour lui une imposition qui n'est pas conforme aux dispositions de la présente Convention, il peut, indépendamment des recours prévus par les législations nationales, soumettre son cas à l'autorité compétente de l'État contractant dont il est résident. / 2. Si la réclamation lui paraît fondée, ladite autorité compétente, lorsqu'elle n'est pas elle-même en mesure de parvenir à une solution satisfaisante, s'efforce de résoudre le cas par voie d'accord amiable avec l'autorité compétente de l'autre État contractant, en vue d'éviter l'imposition qui n'est pas conforme aux dispositions de la présente Convention (...) ".
12. M. E... ne justifie pas avoir sollicité le recours à la procédure amiable prévue par les stipulations précitées du 1 de l'article 40 de la convention franco-libanaise. Par suite, le moyen tiré de l'absence de mise en oeuvre par l'État français de cette procédure ne peut qu'être écarté. Au demeurant, il résulte de ces stipulations qu'elles n'ont pas pour effet de permettre au contribuable dans le cas où l'administration saisie d'une demande de recours à la procédure amiable n'y donne pas les suites prévues par la convention, d'obtenir du juge de l'impôt la décharge des impositions qui font l'objet de cette demande. Le moyen tiré d'une méconnaissance de ces stipulations par l'administration ne peut ainsi être utilement invoqué par M. E....
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
13. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. (...) ".
14. L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un membre d'une profession non commerciale lorsque, en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude. La régularité de la vérification de comptabilité suppose, sauf si la loi en dispose autrement, le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, même lorsque les impositions supplémentaires mises à la charge de ce dernier ne sont pas la conséquence d'une procédure de rectification contradictoire conduite sur le fondement des articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales. Il en va ainsi, notamment, du droit de ne pas subir une nouvelle vérification de comptabilité au regard des mêmes impôts ou taxes pour la même période, auquel se réfère l'article L. 51 du même livre.
15. M. E... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2007, 2008 et 2009 et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2010 de son activité occulte d'intermédiaire et de consultant révélée par ce premier contrôle. Contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne précise d'ailleurs pas quels documents comptables auraient été examinés au cours de l'examen de situation fiscale personnelles dont il a fait l'objet, les opérations de contrôle réalisées par le service dans le cadre de cet examen ne peuvent pas être assimilées à une vérification de comptabilité. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 51 du livre des procédures fiscales qui interdisent les doubles vérifications de comptabilité.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription du droit de reprise :
16. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".
17. Il résulte de l'instruction que M. E... n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations de ses bénéfices non commerciaux qu'il était tenu de souscrire au titre de son activité d'intermédiaire et de consultant et n'a pas fait connaître cette activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Par suite, il doit être regardé comme ayant exercé, au cours des années en litige, une activité occulte d'intermédiaire et de consultant au sens des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, alors même que l'administration aurait précédemment eu connaissance de l'organisation mise en place par M. E... pour la gestion de ses affaires. Dès lors, le délai de reprise de 10 ans prévu par les dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales s'appliquait au titre des années 2007 et 2008. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir d'une prescription du droit de reprise de l'administration.
En ce qui concerne les sommes imposées dans la catégorie des traitements et salaires :
18. Aux termes de l'article 19 de la convention franco-libanaise susvisée : " (...) Les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'État contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle génératrice de ces revenus ".
19. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 7 et 11 ci-dessus et alors que M. E... ne justifie pas avoir passé plus que quelques jours au Liban au cours des années en cause, que l'activité salariée de M. E... au cours des années 2008 et 2009 peut être regardée comme ayant été exercée en France. Dès lors, en application des stipulations précitées, les salaires versés par la société ICMEG à M. E... en 2008 et 2009 étaient imposables en France.
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts :
20. Aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : - Soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; - Soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; - Soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. " Aux termes de l'article 238 A de ce code : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ".
21. L'administration a, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, imposé entre les mains de M. E... les sommes totales de 2 567 380 et 1 411 980 euros versées respectivement aux sociétés de droit libanais Como Holding et Tri Star Holding par la société I2e au cours des années 2007 à 2009 ainsi que la somme de 7 725 051 euros versée à la société de droit virginien North Global Oil and Gas Company Ltd (NGOC) au cours de l'année 2010 par le groupe Total au motif qu'il s'agissait de versements rémunérant des prestations de service de consultant et d'intermédiaire réalisées par M. Een France, lequel était domicilié .en France
22. En premier lieu, les pièces obtenues auprès de l'autorité judiciaire et mentionnées dans la proposition de rectification du 12 septembre 2012, notamment des correspondances échangées entre M. E... et ses propres conseils, établissent que les contrats passés par les sociétés I2e et Total avec les sociétés Como Holding, Tri Star Holding et NGOC Ltd étaient rédigés par M. E... et concernaient des prestations de service qu'il a personnellement réalisées. Il en ressort également qu'il a appréhendé les sommes correspondant au paiement des prestations facturées par ces sociétés. Enfin, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que M. E... était établie en France au cours des années en litige. Dans ces conditions, quand bien même le juge judiciaire aurait, dans une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, renoncé à poursuite M. E... pour des faits de corruption d'agents publics étrangers, les sommes en cause peuvent être regardées comme ayant été perçues en rémunération de services rendus par une personne établie en France au sens des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts.
23. En deuxième lieu, le requérant fait valoir que la somme de 7 725 051 versée le 13 mai 2010 à la société NGOC, par le groupe Total rémunérait la cession d'un droit d'option sur l'exploitation de champs gaziers en Libye et n'entrait donc pas dans le champ d'application de l'article 155 A du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des éléments recueillis par l'administration dans le cadre de son droit de communication exercé auprès des autorités judiciaires, notamment des échanges de courriers et des documents confidentiels détenus par M. E..., mentionnés dans la proposition de rectification du 12 septembre 2012, que ce dernier a réalisé des prestations de consultant et d'intermédiaire dans le cadre d'une opération entre la société française Total et la société libyenne National Oil Company, relative à des droits d'exploitation de champs gaziers en Syrie. Il ressort également, notamment d'un courriel du 13 novembre 2008, que la somme en litige avait pour objet de rémunérer les prestations de service réalisées par M. E... mais qu'il avait été tenté de dissimuler sa nature réelle en lui donnant l'apparence d'une opération d'achat d'option. Enfin, si le requérant fait valoir qu'il a reversé une large part de la somme de 7 725 051 euros à des intermédiaires libyens et qu'il n'a conservé que la somme de 900 000 euros, il ne produit aucune pièce de nature à l'établir en se bornant à faire valoir qu'il n'a pas été poursuivi pénalement pour recel d'abus de biens sociaux au détriment du groupe Total. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la somme en cause ne constituait pas la rémunération d'une prestation de service.
24. En troisième lieu, si M. E... soutient que les sociétés Como Holding et Tristar Holding exerceraient de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale, il ne l'établit pas en se bornant à produire des extraits du registre du commerce du département de Beyrouth qui ne justifient en rien de l'activité effective de ces sociétés. Il ne justifie pas plus que la société NGOC exercerait, de manière prépondérante, une telle activité.
25. Au surplus, l'administration fait valoir, sans être utilement contredite, que la société NGOC est établie dans les Îles Vierges Britanniques où elle n'est pas soumise à l'impôt et que les sociétés Como Holding et Tri Star Holding, implantées au Liban, étaient exonérées d'impôt sur les sociétés en raison de leur qualité de société holding. L'administration justifie ainsi que ces sociétés sont installées dans des Etats où elles bénéficient d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts.
26. Compte tenu de ce qui a été exposé aux points précédents et du caractère alternatif des conditions posées à l'article 155 A du code général des impôts, la circonstance que l'administration n'établirait pas que M. E... avait, directement ou indirectement, le contrôle des sociétés ayant perçues la rémunération des services qu'il a rendu est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.
27. Dans ces conditions, les rémunérations en cause entraient dans le champ des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts et ont été, à bon droit, imposées entre les mains de M. E....
Sur les pénalités :
28. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ". Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État (...) ".
29. Il résulte de l'instruction qu'ont été envoyés en lettre recommandée avec accusé de réception, à l'adresse de M. E... au 40 avenue Georges Mandel, à Paris 16ème, un avis de vérification du 21 octobre 2011 ainsi que des lettres de mise en garde les 9 novembre 2011, 5 décembre 2011 et 17 janvier 2012 et que, bien que le requérant ait été avisé de leur mise en instance, tous ces plis ont été retournés au service des impôts faute d'avoir été réclamés par l'intéressé au bureau de poste où ils avaient été mis en instance. Il en résulte également que les envois en recommandé était accompagnés de copie en lettre simple que M. E... ne conteste pas avoir reçu, celui-ci se bornant à faire valoir que le manque de coopération qui lui est reproché ne lui est que très partiellement imputable, les documents dont il aurait pu faire état étant sois saisis dans le cadre d'une procédure judiciaire, soit situés à l'étranger alors qu'il n'était pas autorisé à sortir du territoire. Dans ces conditions, le contrôle fiscal de l'activité non déclarée d'intermédiaire exercée par M. E... doit être regardé comme n'ayant pu avoir lieu du fait du contribuable. Enfin, l'administration ne lui ayant pas infligé la pénalité prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts, le requérant ne peut utilement faire valoir que l'administration ne démontrerait pas l'existence d'un manquement délibéré. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts.
30. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ". Cette règle ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. En tout état de cause, M. E..., qui se borne à faire valoir qu'il fait l'objet de poursuites pénales, ne justifie avoir fait l'objet d'aucune sanction pénale se cumulant avec les pénalités en litige. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe " non bis in idem " et des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoquées par le requérant ne peuvent qu'être écartés.
31. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. E... de la requête n° 18PA01086.
Article 2 : La requête n° 18PA01024 de M. E... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur national des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 18PA01024, 18PA01086