Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars 2019 et 8 janvier 2021, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1704316 du 31 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation sur un poste de gardien de la paix dans les CSP de Caen ou de Roanne, ainsi que les mutations de quatre gardiens de la paix, MM. David Dovergne, Paul Maucourant, Etienne Rose et Mme D... B... sur des postes de la circonscription de sécurité publique de Caen au titre de l'année 2016 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de modifier la liste des fonctionnaires mutés et de lui accorder sa mutation ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge du ministre de l'intérieur la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, car le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré ce que la décision de refus de mutation est illégale comme étant insuffisamment motivée, dès lors que le ministre de l'intérieur ne lui a pas communiqué les motifs de cette décision alors qu'elle en a expressément fait la demande ;
- le refus de mutation est entaché de plusieurs vices de procédure ;
- le refus de mutation est entaché d'erreur de droit car le ministre de l'intérieur s'est cru lié par l'avis de la commission administrative paritaire nationale ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, car l'administration était tenue de prendre en compte le barème - et en particulier l'ancienneté de service respective des candidats à la mutation - et de procéder à un examen particulier de chaque candidature et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle disposait, en application du barème des mutations, d'un meilleur profil que les autres candidats à la mutation alors que l'administration ne pouvait valablement se fonder sur la situation numérique de la CSP de Sèvres.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... est titulaire du grade de gardien de la paix depuis le 1er mars 2003 et est affectée à la circonscription de sécurité publique de Sèvres (Hauts-de-Seine) depuis le 1er février 2008. Dans le cadre du mouvement de l'année 2016, elle a présenté sa candidature à des postes de gardien de la paix aux circonscriptions de sécurité publique de Roanne (Loire) et de Caen (Calvados). Le tableau des mutations, établi à la suite de la réunion de la commission administrative paritaire nationale du 24 juin 2016, ne mentionnant pas son nom, Mme E... a présenté, le 1er août 2016, un recours gracieux auprès du ministre de l'intérieur. Par un jugement n° 1704316 en date du 31 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que des décisions de mutation de MM. Dovergne, Maucourant, Rose et de Mme B... sur des postes de gardien de la paix à la CSP de Caen. Mme E... fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration :
" Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;/6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;/7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou règlementaire. "
3. Mme E... a soulevé, en première instance, le moyen tiré de ce que le refus du ministre de l'intérieur de lui communiquer les motifs de son refus de mutation en dépit de sa demande expresse formulée dans son recours gracieux entacherait d'illégalité pour une insuffisance de motivation la décision de refus de mutation. Toutefois, la décision de refus de mutation opposée par le ministre de l'intérieur ne figure pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le ministre de l'intérieur n'avait donc pas l'obligation de répondre à la demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet du recours gracieux présentée par Mme E... contre la décision de refus de mutation. Par suite, la circonstance que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen inopérant ne constitue pas une omission à statuer de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes, d'une part, de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'État susvisée : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. / Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions. / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (...) aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. (...) / Dans les administrations ou services mentionnés au deuxième alinéa du présent article, l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités figurant au quatrième alinéa du présent article. (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article 34 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives siègent en formation restreinte lorsqu'elles sont saisies de questions résultant de l'application des articles 55, 58, 67, 45, 48, 60, 70, 72 de la loi du 11 janvier 1984 (...) ". Aux termes de l'article 35 du même décret : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer ".
S'agissant de la légalité externe :
5. Selon Mme E..., la procédure de mutation serait viciée en ce que les postes vacants n'auraient pas été publiés en méconnaissance de l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984, la commission administrative paritaire nationale n'aurait pas été composée de représentants du personnel du grade de gardien de la paix et du grade immédiatement supérieur de brigadier de police en méconnaissance de l'article 35 alors en vigueur du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ; enfin, la commission n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de chaque agent en méconnaissance de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.
6. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, en premier lieu, que le ministre de l'intérieur a diffusé une note n° 0334 en date du 13 avril 2016 exposant les modalités de participation au mouvement de l'année 2016 et comportant en annexe la liste des postes vacants ou susceptibles de l'être. La première branche du moyen tiré du défaut de publication des vacances d'emplois de gardien de la paix manque en fait et ne peut qu'être écartée.
7. En deuxième lieu, le procès-verbal de la commission administrative paritaire du 24 juin 2016 mentionnait, en ce qui concerne l'examen des demandes de mutations, que " pour les mutations des gardiens de la paix, seuls les représentants du personnel pour les grades de gardien de la paix et de brigadier de police (...) et les représentants de l'administration (...) ont pris part au délibéré et ont participé au vote ". Par suite, la composition de la commission administrative paritaire n'était pas irrégulière. Cette deuxième branche du moyen manque également en fait et ne peut qu'être écartée.
8. En troisième et dernier lieu, la requérante ne développe aucun argument de nature à établir que la commission administrative paritaire nationale n'aurait pas procédé à un examen individuel de la situation des candidats à la mutation. Cette troisième et dernière branche du moyen doit donc être écartée.
S'agissant de la légalité interne :
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur se soit estimé lié par l'avis défavorable de la commission administrative paritaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. Il résulte des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'État que lorsque, dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre de ce mouvement, l'administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d'une part, de l'intérêt du service et d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Ces dispositions, qui sont applicables aux membres du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, ne subordonnent, toutefois, la légalité des mutations prononcées lors de ces mouvements ni au respect absolu d'un régime de priorité, ni à l'observation d'un barème de mutation, lequel est purement indicatif.
11. Contrairement aux affirmations de la requérante, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, l'administration n'était nullement tenue au respect d'un régime de priorité défini par le barème de mutation. Par suite, quand bien même Mme E... disposerait de davantage de points que MM. Dovergne, Maucourant, Rose et Mme B..., cette circonstance n'est pas de nature à établir que le ministre de l'intérieur aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.
12. Une mutation est prononcée dans l'intérêt du service lorsque l'administration cherche à pourvoir les emplois vacants en veillant à améliorer la répartition du personnel entre ses services. Le motif tiré de l'insuffisance numérique de la circonscription de sécurité publique de Sèvres où est affectée la requérante constitue donc, contrairement aux affirmations de cette dernière, un motif répondant à l'intérêt du service. En outre, Mme E... ne développe aucun argument tiré de sa situation familiale qui serait de nature à la faire regarder comme étant prioritaire par rapport à MM. Dovergne, Maucourant, Rose et Mme B.... Dès lors, eu égard à l'intérêt du service, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans la comparaison des candidatures.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Il résulte de ce qui précède que, pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent donc être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme E..., partie perdante, doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2021.
Le rapporteur,
I. C...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01130