Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 17 juillet 2018, M. et Mme Tran, représentés par MeA..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1514032 du 7 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 en raison de la réintégration dans leurs revenus imposables des primes d'expatriation perçues par M. Tran, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les primes d'expatriation perçues par M. Tran répondent aux conditions prévues par les dispositions du 3 du II de l'article 81 A du code général des impôts ; en particulier, pour l'ensemble de ses déplacements à l'étranger, M. Tran a bénéficié d'ordres de mission fournis par son employeur préalablement à ses séjours à l'étranger ; le prestataire en charge de la paie de la société Zeitgeist Communication n'a pas pris le soin de calculer avec précision le montant de la prime d'expatriation dont il pouvait bénéficier ;
- ils peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-RSA-GEO-10-30-10 du 11 mars 2016 reprenant la doctrine énoncée au BOI n° 63 du 6 avril 2006 ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la doctrine référencée BOI-RSA-GEO-10-30-10 du 11 mars 2016 ne pouvait pas être invoquée dès lors qu'elle était postérieure aux années en cause, alors que l'administration n'a fait que reprendre sa doctrine antérieure de 2006 qui était applicable aux années d'imposition contrôlées ;
- par un arrêt du 10 avril 2015, le Conseil d'Etat a jugé que le plafond d'exonération des suppléments de rémunération était fixé à 40 % du montant global de la rémunération annuelle hors suppléments sans qu'il soit nécessaire de rapporter à ce montant de rémunération annuelle le nombre de jours passés à l'étranger ; le montant de ses primes d'expatriation est proportionné aux séjours à l'étranger qu'il a effectués dès lors notamment qu'il correspond à 12 % du montant global de sa rémunération annuelle ;
- l'administration ne pouvait leur infliger les pénalités pour manquement délibéré, dès lors que les erreurs commises par le cabinet comptable ne peuvent leur être imputables ; ils n'ont pas eu connaissance de ces erreurs et ils n'ont pas eu l'intention de se soustraire à leurs obligations déclaratives.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que la majoration de 10 % prévue par les dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas applicable lorsqu'il est fait application de la majoration de 40 % prévue par le a) de l'article 1729 du même code.
Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour et un mémoire en défense, enregistrés les 6 et 11 juin 2018, le ministre de l'action public et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
- la majoration de 10% prévue par les dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts a été appliquée sur la base des seuls rehaussements afférents aux pensions alimentaires versées par les contribuables pour les années 2011 et 2012.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme Tran ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012, résultant notamment de la réintégration dans leurs revenus imposables des primes d'expatriation perçues par M. Tran d'un montant de 26 123 euros pour chacune des années en cause. M. et Mme Tran font appel du jugement du 7 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 81 A du code général des impôts : " I. - Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. (...) II. - Lorsque les personnes mentionnées au premier alinéa du I ne remplissent pas les conditions définies aux 1° et 2° du même I, les suppléments de rémunération qui leur sont éventuellement versés au titre de leur séjour dans un autre Etat sont exonérés d'impôt sur le revenu en France s'ils réunissent les conditions suivantes : 1° Etre versés en contrepartie de séjours effectués dans l'intérêt direct et exclusif de l'employeur ; 2° Etre justifiés par un déplacement nécessitant une résidence d'une durée effective d'au moins vingt-quatre heures dans un autre Etat ; 3° Etre déterminés dans leur montant préalablement aux séjours dans un autre Etat et en rapport, d'une part, avec le nombre, la durée et le lieu de ces séjours et, d'autre part, avec la rémunération versée aux salariés compte non tenu des suppléments mentionnés au premier alinéa. Le montant des suppléments de rémunération ne peut pas excéder 40 % de celui de la rémunération précédemment définie. ".
3. M. et Mme Tran soutiennent que les primes d'expatriation perçues par M. Tran répondent aux conditions prévues par les dispositions du II de l'article 81 A du code général des impôts, dès lors notamment que pour l'ensemble de ses déplacements à l'étranger, M. Tran a bénéficié d'ordres de mission fournis par son employeur préalablement à ses départs. Il est toutefois constant que le contrat de travail de M. Tran ne prévoyait pas le versement de telles primes. En outre, si les requérants produisent, devant la Cour, des ordres de mission pour les voyages que M. Tran a effectués, ils n'indiquent pas le montant de la prime correspondant à chacun de ces voyages. Au contraire, il résulte de l'instruction et notamment des bulletins de salaires de M. Tran au titre des années en litige, qu'il percevait une prime mensuelle d'un montant forfaitaire brut de 2 593,16 euros, indépendamment du nombre, de la durée et du lieu de ses séjours hors de France. Dans ces conditions, quand bien même cette situation serait imputable à une erreur du prestataire en charge du calcul de la paie de M. Tran, le supplément de rémunération versé à M. Tran n'était pas versé en contrepartie des séjours qu'il effectuait à l'étranger et son montant n'était pas fixé en rapport avec le nombre, la durée et le lieu de ces séjours. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les primes en cause auraient dues être exonérées d'impôt sur le revenu en application du II de l'article 81 A du code général des impôts.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
4. M. et Mme Tran se prévalent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative 5B-15-06 publiée au BOI n° 63 du 6 avril 2006, notamment ses points 82 et 83, selon lesquels : " 82. Les suppléments de rémunération ouvrent droit à exonération à condition de pouvoir justifier que leur montant a été fixé en rapport avec l'importance des déplacements à l'étranger, eu égard à leur nombre, leur durée et leur destination. / 83. Cette règle s'oppose par conséquent à la fixation d'un supplément de rémunération indifférencié. Dans une telle situation, le service des impôts pourrait être fondé à remettre en cause l'exonération en cas de disproportion caractérisée entre le montant du supplément et l'importance des déplacements, eu égard notamment à leur lieu et à leur durée. ". Ces énonciations ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application, dès lors, en particulier, que le point 83 n'exige pas qu'une disproportion caractérisée soit constatée pour que l'exonération soit remise en cause. M. et Mme Tran ne sont ainsi pas fondés à se prévaloir de cette doctrine administrative.
Sur les pénalités :
5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
6. L'administration, qui se prévaut des fonctions de M. Tran, président de la société Zeitgeist Communications, du caractère forfaitaire des primes versées mensuellement et de la circonstance que les contribuables n'avaient pas mentionné les sommes en cause en tant que " revenus exonérés " dans leurs déclarations de revenus, apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée des contribuables de se soustraire à l'impôt et, par suite, du bien-fondé des pénalités de 40 % qui leur ont été infligées sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Tran ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme Tran est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal d'Île-de-France (division du contentieux Est).
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. DORÉ Le président,
S.-L. FORMERY Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA00116 4