Par un jugement nos 1603200 et 1603230 du 23 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2017, la société Vedis, représentée par Me Henry-Stasse, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1603200 et 1603230 du 23 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
3°) de prononcer la décharge des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement des dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les rémunérations versées à son dirigeant ne devaient pas être soumises à la taxe sur les salaires, dès lors qu'elle est la société mère de deux sociétés relevant de l'article 8 du code général des impôts, dont les résultats sont automatiquement réintégrés aux siens et imposés à son nom, qu'en vertu des statuts de ces sociétés, leurs bénéfices sont automatiquement distribués à leurs associés et que, compte tenu de cette organisation, son dirigeant n'exerce aucun contrôle sur le secteur financier ; s'agissant des cotisations établies au titre de l'année 2013, son dirigeant n'était pas salarié au sens des dispositions de l'article 231 du code général des impôts ;
- les activités de la secrétaire de direction relevant uniquement du secteur commercial, la taxe sur les salaires n'était pas due à raison des rémunérations versées à cette salariée ;
- seules les pénalités afférentes aux distributions ont été motivées dans la proposition de rectification, qui ne fait pas référence aux avantages en nature relatifs à l'utilisation personnelle par le dirigeant des véhicules de la société et à la mise à disposition de garages à proximité de sa résidence ; les impositions procédant de la réintégration à ses résultats de ces avantages ne pouvaient dès lors être majorées de la pénalité pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;
- l'administration n'établit pas son intention d'éluder l'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Vedis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de Me Henry-Stasse, avocat de la société Vedis.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Vedis est une société holding animatrice de groupe. Elle détient des participations dans deux sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés Reine 45 et Aquilin Distribution, lesquelles exploitent deux supermarchés à l'enseigne " Super U ", et dans la société civile immobilière (SCI) Aquilin, qui est propriétaire des locaux exploités par la SNC Aquilin Distribution. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, puis d'une vérification de comptabilité, à l'issue desquels le service l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos de 2011 à 2013, et de la période correspondante, assortis des intérêts de retard et des pénalités de 40 % pour manquement délibéré prévues par les dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts. Il a également considéré que les rémunérations allouées au cours des années 2010 à 2013 au président de la société Vedis et à sa secrétaire de direction devaient être soumises à la taxe sur les salaires prévue par l'article 231 du code général des impôts et lui a notifié des rappels de taxe au titre de ces trois années, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 10 % mentionnée au a) du 1 de l'article 1728 de ce code. La société Vedis fait appel du jugement en date du 23 mai 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge pour la première, de la taxe sur les salaires et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre des années 2010 à 2013 et, pour la seconde, des pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur les cotisations de taxe sur les salaires :
2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux cotisations établies au titre des années 2010 à 2012 : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ". Cet article, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, dispose : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...) ".
3. En premier lieu, il résulte des travaux parlementaires relatifs à l'article 13 de la loi
du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article 231. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de ces travaux parlementaires que le législateur aurait entendu réduire le champ d'application de la taxe en en excluant les rémunérations tirées des activités des mandataires sociaux. En vertu des dispositions combinées de cet article et de l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale, sont inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires les revenus d'activité des personnes mentionnées à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale. Ce dernier article mentionne notamment, en ses 11°, 12° et 23°, les gérants minoritaires des sociétés à responsabilité limitée, les présidents du conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées. Ces dirigeants, sans avoir la qualité de salariés au sens du droit du travail, sont au nombre des personnes dont les rémunérations sont soumises à la taxe sur les salaires en vertu de l'article 231 du code général des impôts. Par suite, le moyen de la société Vedis tiré de ce que les rémunérations de son président devaient être exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires, dès lors que les dirigeants de sociétés n'ont pas la qualité de salarié au sens du droit du travail, ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, d'une part, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.
5. D'autre part, les fonctions de président d'une société par action simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de l'entreprise. En vertu du même article, un directeur général peut être nommé afin d'exercer les pouvoirs du président. Il résulte des articles L. 225-51 et L. 222-51-1 du même code, auxquels renvoie l'article L. 227-8 dudit code, que le président et le directeur général d'une société par actions simplifiées sont investis d'une responsabilité générale.
6. S'agissant d'une société holding, les pouvoirs visés au point précédent s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.
7. Il résulte de l'instruction que la société Vedis avait, en tant que société exerçant une activité de holding mixte, deux secteurs d'activité. Le premier, à caractère financier, comprenait la gestion de titres de participations dans un secteur financier non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que la perception d'intérêts financiers et de produits financiers correspondants à sa quote-part dans les résultats des SNC Reine 45 et Aquilin Distribution. Le second, à caractère administratif, avait pour objet la réalisation de prestations de services destinées à ses filiales. La société Vedis était soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires et était, de ce fait, passible de la taxe sur les salaires au titre des années en litige.
8. Il résulte de l'instruction que la société Vedis est dirigée par son président. Ces fonctions lui conféraient les pouvoirs les plus étendus dans la gestion de cette société. Ces pouvoirs s'étendent aux relations, y compris financières, entre la société Vedis et ses deux filiales, les SNC Reine 45 et Aquilin Distribution. La société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que son dirigeant n'avait pas d'attribution dans le secteur financier en se bornant à relever que compte tenu du statut des SNC Reine 45 et Aquilin Distribution, qui sont des sociétés de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, non soumises à l'impôt sur les sociétés, celui-ci n'avait pas vocation à intervenir dans l'imposition des résultats de ces sociétés ni dans la répartition de leurs bénéfices, dont les modalités étaient fixées statutairement, et n'exerçait ainsi aucun contrôle sur le secteur financier de la société Vedis. Par suite, c'est à bon droit que le service a assujetti les rémunérations versées par la société Vedis à son président à la taxe sur les salaires.
9. Par ailleurs, la société requérante fait également valoir que les attributions de MmeA..., qui exerce les fonctions de secrétaire de direction et de comptable de la société Vedis, se rattachent uniquement au secteur commercial des prestations de services fournies par la société à ses filiales. Toutefois, alors qu'elle n'est pas en mesure de présenter le contrat de travail de sa salariée, les pièces qu'elle produit ne permettent pas d'établir que les attributions de MmeA..., qui, en sa qualité d'unique secrétaire du président de la société Vedis, était nécessairement associée à la gestion financière de ses filiales, concerneraient spécifiquement le secteur de la société Vedis soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, Mme A...doit être regardée comme ayant été concurremment affectée aux deux secteurs d'activité de la société Vedis et sa rémunération comme entrant dans le champ de la taxe sur les salaires.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'établissement des pénalités :
10. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
11. Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.
12. La proposition de rectification du 28 avril 2014, adressée à la société Vedis, vise, dans un paragraphe spécifique aux pénalités, l'article 1729 du code général des impôts et indique le taux et le montant des pénalités exigibles. Elle expose de façon précise et détaillée les circonstances de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour caractériser l'intention de la société d'éluder l'impôt. Ainsi, le vérificateur a justifié l'application des pénalités pour manquement délibéré aux suppléments d'impôt procédant de la réintégration aux résultats de la société Vedis d'une part, de dépenses se rapportant à l'achat d'un chariot de golf et d'un appareil photo, au règlement de voyages à l'étranger et à la location de parkings, dont le caractère professionnel n'était pas établi et, d'autre part, de recettes correspondant à la mise à disposition gratuite de son président de deux garages appartenant à la société, en relevant que la contribuable ne pouvait ignorer que la prise en charge des dépenses personnelles du dirigeant n'était pas déductible de ses résultats et qu'elle avait renoncé à des recettes imposables à l'impôt sur les sociétés. Il a également suffisamment motivé les pénalités afférentes au rehaussement relatif à l'utilisation par le dirigeant à des fins personnelles des véhicules de la société en énonçant, dans la lettre du 21 juillet 2014, valant réponse aux observations de la contribuable, que la société Vedis ne pouvait ignorer que ces dépenses engagées pour son dirigeant n'étaient pas déductibles. Enfin, la première page de la proposition de rectification du 28 avril 2014 et de la lettre du 21 juillet 2014 précitée porte également mention du délai de trente jours laissé à la société pour présenter ses observations. Ainsi, les majorations appliquées, qui ont été mises en recouvrement plus de 30 jours après la notification de ces deux documents, sont, contrairement à ce que soutient la société requérante, suffisamment motivées au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
14. En se fondant sur les éléments relevés au point 12, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de la part de la société Vedis d'éluder une partie de l'impôt dû et justifie ainsi du bien-fondé de la majoration de 40 % qu'elle lui a infligée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de compensation présentée par le ministre, que la société Vedis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Vedis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Vedis et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction de contrôle fiscal Île-de-France (division législation et juridique Est).
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02491