Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mai et le 21 décembre 2020, M. D..., représenté par Me Fozing, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1923718 du 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 16 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, dès lors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Par mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant malien né en 1984 a, le 12 septembre 2017, épousé Mme E... B..., de nationalité française. Le 26 août 2019, il a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 16 octobre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. D... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
3. L'arrêté contesté vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. D... ne remplit pas les conditions du 4° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant la délivrance d'un titre de séjour. Le préfet de police précise que, d'une part, l'intéressé ne peut justifier de son entrée régulière sur le territoire français et que, d'autre part, il ne peut justifier de l'ancienneté de sa vie commune avec son épouse française et n'est pas dépourvu d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa sœur, et qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté comporte ainsi un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français, laquelle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par ailleurs, l'arrêté vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique qu'il n'est pas établi que M. D... serait exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Dès lors, la décision fixant le pays de destination est également suffisamment motivée. Il suit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle ... sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes des dispositions alors codifiées au 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 de ce code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la première délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française est en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois. Il en va différemment, dans le cas prévu par les dispositions alors codifiées au 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'étranger justifie d'une entrée régulière en France et d'une durée de séjour en France avec le conjoint de nationalité française supérieure à six mois. Lorsque ces conditions d'entrée régulière et de communauté de vie pendant six mois sont réunis, le dépôt d'une demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de français, sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 211-2-1 du même code.
6. M. D... n'établit pas être entré régulièrement en France, l'intéressé ne produisant, pour justifier de la date de son entrée sur le territoire français, qu'une autorisation provisoire de séjour d'une durée d'un mois, délivrée en 2004, dans l'attente de l'examen de sa demande de titre de séjour. Dès lors le préfet a pu, à bon droit, se fonder sur ce seul motif pour refuser de lui délivrer un visa long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
7. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D... soutient qu'il réside en France depuis 2004, qu'il mène une vie commune avec Mme B... depuis 2016 et qu'il a tissé des liens personnels substantiels en France. Toutefois, le requérant ne démontre pas l'ancienneté de sa résidence en France. En particulier, seule une présence ponctuelle peut être établie pour les années 2005 à 2010, 2012 et 2016. Par ailleurs, M. D... n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec sa compagne avant leur mariage le 12 septembre 2017, soit deux ans à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé ne produisant, en ce sens, qu'une facture EDF. En outre, si le requérant produit neuf attestations tendant à démontrer qu'il a tissé des liens personnels en France, ces déclarations ne sauraient, à elles-seules, permettre d'établir l'intensité de ces liens dès lors que, rédigées en termes généraux, elles ont, tout au moins pour sept d'entre elles, été rédigées par des collègues, amis ou membres de la famille de son épouse. Dans ces conditions, compte-tenu du caractère récent de son mariage et dès lors que M. D... ne prétend pas être démuni d'attaches familiales au Mali où vivent ses parents et sa sœur, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les dispositions alors codifiées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 312-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Aux termes des dispositions alors codifiées au deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
10. Il résulte de ce qui a été dit aux point 6 et 8 que M. D... ne remplissait pas conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 4° ou au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté contesté. D'autre part, la demande de titre de séjour n'ayant pas été présentée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. D... ne justifie pas résider habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans. Il suit que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Villalba, présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2021.
La rapporteure,
I. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01342