Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2021 et régularisée le 27 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Lescs, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003080 du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au Préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle aurait dû être prise après consultation de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité par la voie de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis auquel la requête a été transmise n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une intervention, enregistrée le 1er juillet 2021, et présentée à l'appui de la requête, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen demande à la Cour :
1°) de déclarer recevable son intervention au soutien de la requête présentée par Mme A... ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 15 décembre 2020 ainsi que l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse A..., ressortissante pakistanaise née le 28 mars 1980, est, selon ses déclarations, entrée en France le 27 décembre 2009 afin de rejoindre son époux arrivé sur le territoire français le 2 févier 2019. Elle a déposé, le 24 octobre 2018, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 15 décembre 2020 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 février 2020.
Sur l'intervention de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen :
2. La Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions en annulation du jugement et de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis attaqués présentées par Mme A.... Ainsi son intervention est recevable.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. [...] ".
4. Pour justifier de sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans, Mme A... produit des certificats médicaux, ordonnances médicales, comptes rendus d'examens de biologie médicale et attestations d'admission à l'aide médicale de l'Etat et autres aides sociales de collectivités publiques, pour chacune des années, de la période courant du 29 janvier 2010 au 26 février 2020. En outre, elle établit avoir eu avec son époux, qui réside avec elle, deux enfants nés à Aubervilliers, respectivement les 1er novembre 2010 et 31 décembre 2012, et scolarisés de façon continue depuis, respectivement, le 3 septembre 2013 et le 1er septembre 2015 à l'école primaire publique Anatole France de la Courneuve. Enfin, elle produit des récépissés de demande de titre de séjour l'autorisant à séjourner en France sur la période du 24 octobre 2018 au 17 octobre 2019, des factures de téléphone et des avis de non-imposition sur le revenu au titre des années 2010 à 2018. Ainsi, Mme A... doit être regardée comme justifiant résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, soit le 3 février 2020.
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
6. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Dès lors que Mme A... justifiait résider habituellement depuis plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de Seine-Saint-Denis était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour. En l'absence d'une telle consultation de la commission du titre de séjour, Mme A... a été privée d'une garantie de sorte que l'arrêté litigieux, intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A..., est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant refus de séjour du préfet de police du 3 février 2020.
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision portant refus de séjour est entachée d'illégalité. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une telle illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire et à solliciter son annulation.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français et ne peut donc qu'être annulée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil et de l'arrêté du 3 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
11. Le présent arrêt, par lequel la Cour accueille les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'injonction soit fait au préfet de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de Seine-Saint-Denis de statuer à nouveau sur la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt après avoir saisi la commission du titre de séjour de la situation de l'intéressée. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais relatifs à l'instance :
12. Contrairement à ses allégations, Mme A... n'a pas déposé de dossier de demande d'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant renoncé au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, elle peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A..., de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen est admise.
Article 2 : Le jugement n° 2003080 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 3 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A..., une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2021.
La rapporteure,
I. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00225