Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 31 mars 2021 et 11 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Belrhomari, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1918005 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 du préfet de police ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de procéder aux réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard aux violences conjugales dont elle a été victime ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale au motif de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1961 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Belrhomari, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 17 février 1998, et entrée en France le 19 juin 2017, a sollicité le 2 août 2018 le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 5 août 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloigné passé ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (... ) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux (...) ". Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ". Les stipulations de l'accord régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut, en conséquence, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, ni celles de l'article L. 313-14 du même code, s'agissant des étrangers dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a épousé un ressortissant français le 28 mars 2016 et, entrée en France le 19 juin 2017, a bénéficié d'un certificat de résidence le 10 octobre 2017, valable un an. Elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 2 août 2018 sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, alors qu'elle avait divorcé le 15 novembre 2017. Par suite, elle ne remplissait pas la condition de communauté de vie requise par ces dispositions et ne pouvait se voir renouveler un titre de séjour que le préfet de police était fondé à refuser de lui délivrer. Si l'intéressée fait toutefois valoir que le préfet de police aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation et tenir compte en particulier de sa situation particulière en raison des violences que son conjoint lui a fait subir, la contraignant à mettre fin à la vie commune pour s'y soustraire, ni le certificat médical du 9 mars 2017, peu circonstancié, ni les attestations de membres de sa famille ou de connaissance et le témoignage d'une infirmière de l'hôpital Emirate de M'Sila, en Algérie, qui fait état de violences graves sur la requérante mais qui n'est pas accompagné d'un document permettant d'attester de l'identité et de la qualité de son auteur, qui sont en tout état de cause postérieurs à la décision attaquée, ne suffisent pour établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation à laquelle il s'est livré de la situation personnelle de Mme B....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si Mme B... fait valoir qu'elle est entrée régulièrement en France, qu'elle y dispose d'un domicile fixe et stable, qu'elle est employée dans le cadre d'un contrat de travail, qu'elle suit des cours de langue française et qu'elle ne trouble pas l'ordre public, il est constant que son entrée sur le territoire français est récente. Séparée de son mari, elle ne justifie pas avoir développé des liens personnels particuliers au cours de son séjour en France ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans et où résident ses parents et ses frères et sœurs. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'est pas établie. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à la suite de la décision de refus de séjour serait privée de base légale du fait de l'illégalité de cette dernière.
7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, la mesure d'éloignement n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Les allégations de Mme B... selon lesquelles son époux, resté en Algérie, pourrait s'en prendre à elle en cas de retour dans ce pays, ne sont pas de nature à faire regarder la décision fixant le pays de destination comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et, en tout état de cause, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.
La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01686 2