Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021, Mme D..., représentée par la SELARL Levy Avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007112 du 12 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 30 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à son époux A... le cadre de la procédure de regroupement familial ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 5 septembre 1982, a présenté une demande de regroupement familial au profit de son époux, M. B.... Par une décision du 30 juin 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de Mme D.... Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision attaquée relève que la " demande de Mme D..., " déposée, le 10 décembre 2019, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a fait l'objet d'un examen attentif, en application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et après avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Elle ajoute que " de cet examen, il ressort qu'[elle] ne [justifie] pas de ressources suffisantes pendant la période des douze mois précédant la date du dépôt de [sa] demande : [ses] ressources (812 euros) sont inférieures à la moyenne mensuelle demandée pour trois personnes, qui est de 1 202 euros ", et qu'" en conséquence, les conditions de ressources n'étant pas réunies ", sa demande ne peut être que rejetée. Enfin, la décision contestée précise que " ce refus ne saurait porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale eu égard à [ses] conditions d'existence en France, A... la mesure où [elle est] mariée depuis le 28 juillet 2018, qu'[elle vit] en France depuis 2014 et qu'[elle n'établit] pas l'impossibilité d'aller rejoindre régulièrement [son] époux ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes du premier 1 de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le regroupement familial peut être refusé si " le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ".
5. Si Mme D... produit un contrat de travail signé le 14 décembre 2015 avec une entreprise de grande distribution, elle se borne à produire, pour établir les revenus qu'elle aurait perçus en application de ce contrat, trois bulletins de paie émanant de cette entreprise, comportant, au titre des mois d'avril 2020, mai 2020 et juin 2020, des salaires nets s'élevant respectivement à 1 233,63 euros, 1 671,87 euros et 1 681,77 euros. Ainsi, et en l'absence de précision permettant de justifier l'absence de bulletin de paie au titre des mois précédant cette période, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que les ressources de Mme D... auraient été stables et suffisantes. Par ailleurs, la circonstance que M. B... a bénéficié d'une promesse d'embauche, datée du 12 août 2019, au titre d'une activité de maçon plâtreur, ne permet pas davantage d'établir que les intéressés auraient bénéficié de ressources stables et suffisantes, au sens de l'article 4 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968. Dès lors, c'est sans méconnaître ces stipulations que le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme D... au profit de son époux.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique A... l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, A... une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme D... se prévaut de son mariage avec M. B..., en France, en juillet 2018, et de la circonstance que, de cette union est né un enfant, en France, le 6 février 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce mariage est antérieur de moins de deux ans à la décision attaquée. Par ailleurs, il n'est pas même allégué que Mme D... serait A... l'impossibilité de de rendre visite à son époux en Algérie. A... ces conditions, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle ne méconnaît pas, en tout état de cause, les dispositions du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
8. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " A... toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, A... l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants A... toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Mme D... soutient que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que son exécution ferait obstacle à ce que son fils vive aux côtés de son père. Toutefois, Mme D... n'apporte aucune précision quant aux relations que M. B... entretiendrait avec son fils. A... ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01848 2