Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 février 2021, et un mémoire enregistré le 9 février 2022 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Pigot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2017292 du 27 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours, à compter de la date de notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivé ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, motif pris de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée.
Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 31 janvier 1966 à Bamako (Mali), a demandé l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné passé ce délai. M. A... relève appel du jugement du 27 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
3. M. A... produit de nombreuses pièces attestant de sa présence en France pour la période de 2007 à 2020, notamment des attestations d'affiliation à l'aide médicale d'Etat pour toutes les années considérées, à l'exception des années 2011 et 2012, des documents attestant de la possession d'une mobicarte puis d'un passe Navigo et du bénéfice de la réduction solidarité transport, des relevés bancaires attestant de mouvements réguliers sur un livret A souscrit auprès de la banque postale en janvier 2011, de nombreuses ordonnance médicales émises pour la plupart par deux médecins généralistes dont le cabinet est situé à proximité des adresses que M. A... a successivement occupées chez son frère, M. B... A..., rue de l'Evangile dans le 18ème arrondissement de Paris jusqu'en 2011 puis boulevard Gorki à Villejuif, jusqu'en 2019, ainsi que des feuilles de soins et résultats d'examens médicaux qui sont tous en relations avec les mêmes pathologies et forment un ensemble cohérent, des factures EDF à son nom concernant le logement situé à Villejuif et des avis d'impôt sur le revenu envoyés à cette même adresse puis à la dernière adresse en date, chez Inter-ASAF, rue Mamin dans le 19ème arrondissement de Paris. Au vu du nombre et de la valeur des pièces versées au dossier, la seule circonstance que, pour les années 2011 et 2012, aucune attestation d'affiliation à l'aide médicale d'Etat n'a été produite n'est pas, en l'espèce, de nature à atténuer la valeur probante de l'ensemble de ce dossier qui permet d'établir la présence habituelle de l'intéressé en France, notamment de 2010 à 2020, et donc depuis plus de dix ans. Dès lors, le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. La présente décision implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la situation de M. A... au regard de son droit au séjour, après saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu en conséquence d'enjoindre au préfet de police de procéder à un tel examen, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2017292 du 27 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 17 septembre 2020 du préfet de police est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A..., dans un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01009 2