Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 2011799 du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que Mme B... n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 25 décembre 2001, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juin 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1er à 3, annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Le préfet de police relève appel des articles 1er à 3 de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé [...] ".
3. Le refus de titre opposé par le préfet de police à Mme B... est fondé sur l'avis émis le 17 juin 2020 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel indique que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour annuler cette décision comme méconnaissant les dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont relevé que Mme B..., qui souffre de mains bottes radiales, devait subir de nouvelles opérations chirurgicales destinées à limiter son handicap. Toutefois, si Mme B... a produit plusieurs certificats médicaux datés du 10 avril 2018, du 19 avril 2018, du 4 février 2019 et du 18 octobre 2019, établissant qu'elle souffre de mains bottes radiales, malformation pour laquelle elle a été opérée au Maroc en 2002 et en France en 2001 et 2018, ces certificats, qui se bornent à relater ses antécédents médicaux et à évoquer les nouvelles interventions qui pourraient être réalisées, ne font pas état des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'impliquerait, pour elle, un défaut de prise en charge médicale. Par ailleurs, en l'absence de telles conséquences, la circonstance qu'une opération future portant sur la distraction du cubitus ne pourrait être réalisée au Maroc, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 16 juin 2020 méconnaissait les dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur l'autre moyen soulevé par Mme B... :
5. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
6. En l'espèce, il ressort de la fiche de salle produite en première instance par le préfet de police que Mme B... avait présenté une demande de titre de séjour sur le seul fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, et alors que le préfet de police n'a pas examiné, d'office, sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait dû lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement de ces dispositions.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 16 juin 2020, lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de ce jugement, et le rejet des conclusions de la demande de Mme B... auxquelles le tribunal a fait droit.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement n° 2011799 du tribunal administratif de Paris du 28 janvier 2021 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Copie en sera transmise au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 mars 2022.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01047