Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2021, M. A... demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2104829 du 8 avril 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 22 février 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kwemo de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1.
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté attaqué est incompétent ;
- cet arrêté insuffisamment motivée ;
- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ;
- le contradictoire a été méconnu, en violation de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît l'article 3, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des défaillances systémiques en Italie ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 25 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 16 février 1984 à Kani (Côte d'Ivoire), qui est entré irrégulièrement sur le territoire français, a, le 16 décembre 2020, sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé que M. A... avait présenté une demande d'asile en Italie, le 25 octobre 2017, le préfet de police a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. A... sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ayant tacitement accepté de le reprendre en charge, le 30 janvier 2021, le préfet de police a décidé le transfert de M. A... par un arrêté du 22 février 2021. M. A... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 25 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté en litige :
3. M. A... reprend en appel les moyens, qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente, qu'elle est insuffisamment motivée, qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de celles de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, et en méconnaissance du principe du contradictoire. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté en litige :
4. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les articles L. 571-1 et 573-1, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".
5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
7. M. A... soutient que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités italiennes après un simple entretien et fait état, d'une " grande défaillance dans sa prise en charge et dans le respect de ses droits " en se référant, de façon générale, à un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) sur la situation des demandeurs d'asile en Italie qui aurait été publié en décembre 2019. Toutefois, en l'absence de raisons sérieuses de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il risque d'être soumis en Italie à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3, paragraphe 2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est entré en France qu'en 2020, à l'âge de 36 ans, et que sa compagne fait également l'objet d'un arrêté de transfert en Italie. Le requérant ne fait état d'aucun obstacle à ce que leurs deux enfants, nés respectivement le 29 avril 2018 en Côte d'Ivoire et le 22 juin 2020 en France, les accompagnent dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être rejeté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 mars 2022.
La rapporteure,
C. B...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02681 2