Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 8 mars et
1er juillet 2021, M. C..., représenté par Me Langlois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002071 du 5 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler pendant la durée du réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges, qui n'ont pas statué sur le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ont entaché leur jugement d'une omission à statuer.
S'agissant de la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée, qui est entachée d'un vice de procédure, méconnaît les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 et les dispositions de l'article 1367 du code civil dès lors que d'une part, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne se prononce pas sur l'importance de la continuité du lien thérapeutique et d'autre part, l'apposition sur cet avis de fac-similés numérisés des signatures ainsi que l'absence d'horodatage de l'avis ne respectent pas le référentiel général de sécurité et ne permettent pas de vérifier la régularité des signatures des médecins et de s'assurer de l'authenticité de cet avis ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas établi ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- les premiers juges, en considérant que l'erreur de fait tenant à sa vie privée et familiale, n'avait aucune incidence sur la légalité de la décision contestée ont entaché leur jugement d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'avait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas établi ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est cru à tort, en situation de compétence liée ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de renouvellement de son titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de renouvellement de son titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour du territoire français :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et du droit d'asile ne sont pas applicables à sa situation, privant la décision de base légale ;
- elle méconnait le principe du droit d'être entendu issu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les dispositions de l'alinéa 8 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 3 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juillet 2021 à 12 h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien né le 9 avril 1980, est entré en France selon ses déclarations le 18 août 1999 muni d'un visa court séjour, a bénéficié de plusieurs titres de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Saisi d'une demande de renouvellement, le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté du
6 janvier 2020, a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux années. M. C... relève appel du jugement du 5 février 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui soutient être arrivé en France le 18 août 1999 muni d'un visa Schengen C, à l'âge de 19 ans pour rejoindre son père, et dont la présence sur le territoire français est établie ponctuellement entre 1999 et 2010, justifie résider de manière continue sur le territoire français depuis 2011, soit depuis près de neuf années à la date de l'arrêté en litige dont les quatre dernières sous couvert d'un titre de séjour délivré le 2 juin 2016 en qualité d'étranger malade et régulièrement renouvelé depuis cette date. En outre, M. C... établit vivre en concubinage depuis au moins le début de l'année 2017 avec une ressortissante nigériane avec laquelle il a eu un enfant, E..., né le 1er septembre 2016 à Aubervilliers et qu'il participe à son entretien et son éducation depuis sa naissance. De même, la mère de l'enfant de M. C..., Mme A... D..., est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 1er septembre 2019 au 31 août 2021 et est également la mère d'une enfant mineure issue d'une précédente union, Faith Olugu, née à Paris le 18 février 2011, scolarisée en classe de CE2 à la date de la décision en litige et dont il ressort des pièces du dossier que M. C... participe à son entretien et son éducation. Au surplus, M. C... et Mme D... justifient tous deux, à la date de la décision en litige, d'un emploi en contrat à durée indéterminée. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il n'est pas contesté que la cellule familiale ne pourrait se reconstruire hors de France, du fait des nationalités différentes de M. C..., de Mme D... et de leurs enfants, le préfet de la Seine-Saint-Denis a porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a, par suite, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, qui sont, par suite, dépourvues de base légale.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête liés au bien-fondé du jugement contesté, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. C... un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. C... dans le système d'information Schengen. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance que M. C... a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002071 du 5 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 janvier 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cette période une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. C... dans le système d'information Schengen.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
La rapporteure,
A. COLLETLe président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01193