Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2018, MmeA..., représentée par M. B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703749 du 8 mars 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 13 avril 2017 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation de séjour valant autorisation de travail dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet du Val-de-Marne n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas tenu compte des constatations de la commission du titre de séjour dans son avis du 21 février 2017 ;
- le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;
- il a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et 1' administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poupineau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante chinoise, entrée en France selon ses déclarations le 9 mai 2005, a sollicité la régularisation de sa situation administrative auprès des services de la préfecture du Val-de-Marne dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 avril 2017, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduit à la frontière. Mme A...fait appel du jugement en date du 8 mars 2018, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'arrêté contesté, le préfet du Val-de-Marne a visé les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du même code. Il a également indiqué les raisons pour lesquelles, en dépit de l'avis favorable du 21 février 2017 de la commission du titre de séjour, il a considéré que Mme A...ne remplissait pas les conditions pour obtenir le titre de séjour qu'elle sollicitait en relevant que l'intéressée, célibataire et sans charge de famille, ne disposait pas d'attaches personnelles et familiales en France et qu'elle ne justifiait pas d'une expérience professionnelle et d'une intégration suffisante. Ainsi, le préfet du Val-de-Marne a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour. La circonstance alléguée qu'il a également mentionné que Mme A...avait sollicité le statut de réfugié le 1er juin 2005 et que sa demande avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile est sans incidence sur l'appréciation de la régularité formelle de la motivation de cette décision, qui est suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la motivation de la décision de refus de titre de séjour contestée, que le préfet du Val-de-Marne a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de MmeA....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2.(...) ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, en principe, comme attestant, par là même, des motifs exceptionnels exigés par la loi.
6. Pour contester la décision de refus de titre de séjour du préfet du Val-de-Marne, Mme A... se prévaut de la durée de sa présence en France, de son expérience professionnelle, ainsi que de son intégration, en faisant valoir, notamment, qu'elle dispose de revenus réguliers depuis 2011, qu'elle a une bonne connaissance de la langue française et que la société Vogue Shop souhaite l'embaucher sur la base d'un contrat à durée indéterminée comme vendeuse. Toutefois, la requérante, âgée de près de 32 ans à la date de la décision de refus de titre de séjour en litige, était, selon ses propres déclarations, célibataire et sans charge de famille. Il ressort des pièces du dossier qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidaient ses parents et sa fratrie. Elle n'établit pas la réalité de son expérience professionnelle en se bornant à produire un seul bulletin de salaire et des relevés bancaires qui ne comportent pas de précision sur l'origine et l'objet des remises de chèques ou des virements crédités. Enfin, la circonstance qu'elle ait obtenu le 30 septembre 2014 le diplôme initial de langue française niveau A1.1 et suivi des cours de français entre le 4 avril 2013 et le 28 janvier 2016, ne permet pas de la regarder comme justifiant d'une intégration suffisante. Dans ces conditions, en estimant que la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme A...ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas davantage au regard de motifs exceptionnels, la durée du séjour ne constituant pas de tels motifs, le préfet du Val-de-Marne, qui n'était pas lié par l'avis favorable émis le 21 février 2017 par la commission du titre de séjour sur la situation de MmeA..., n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. Mme A...soutient qu'entrée en France le 9 mai 2005, elle y réside depuis plus de dix ans, que son premier enfant y est né le 30 avril 2017, et qu'elle est enceinte du second, qu'elle y a ainsi fixé le centre de ses intérêts personnels, familiaux et matériels, qu'elle dispose de revenus réguliers et que titulaire d'une promesse d'embauche en qualité de vendeuse à plein temps au sein de la société Vogue Shop, elle justifie d'une bonne intégration favorisée par sa maîtrise de la langue française. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que depuis le 20 avril 2006, date à laquelle le préfet de police lui a notifié son refus de lui délivrer un titre de séjour à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile, Mme A...s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français et s'est soustraite à l'exécution de la mesure consécutive d'éloignement prononcée le 1er août 2006 à son encontre. Par ailleurs, à la date de l'arrêté contesté, elle était célibataire et sans charge de famille. Elle n'établit pas la réalité des liens personnels qu'elle aurait noués en France. En revanche, elle dispose d'attaches personnelles en Chine où résident ses parents et sa fratrie. Elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, d'une expérience professionnelle ni d'une intégration particulières alors même qu'elle a obtenu, le 30 septembre 2014, le diplôme initial de langue française niveau A1.1 et qu'elle a suivi des cours de français délivrés par la Croix Rouge du 4 avril 2013 au 28 janvier 2016. Ainsi, dans ces circonstances, eu égard en particulier à l'absence d'attaches personnelles et familiales de Mme A...à la date de l'arrêté contesté, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, Mme A...n'établissant pas que la décision portant refus de titre de séjour serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
10. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est opérant qu'à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, n'est pas assorti des précisions nécessaires permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Doit être écarté pour le même motif le moyen tiré de la violation du " principe de la liberté individuelle d'établissement dans un autre pays que le sien avec ou sans les membres de sa cellule familiale ".
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
N. ADOUANELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01221