2°) de condamner l'État à leur verser une somme de 4 874 350 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait, dès lors qu'ils justifient des carences, de l'inaction et de la complicité de la consule générale de France, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit ;
- l'inaction de l'autorité consulaire d'Agadir à leur assurer une protection, alors qu'ils étaient menacés de racket et les agissements inadéquats de l'ambassadeur de France au Maroc constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'État ;
- l'État a méconnu les stipulations de l'article 5 de la convention de Vienne qui encadrent la protection consulaire, en raison des défaillances à leur endroit des autorités consulaires françaises à Agadir ;
- ils justifient des préjudices invoqués et du montant de la somme qu'ils réclament au titre de leur réparation.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la faute de service ne saurait être recherchée devant les juridictions administratives françaises que si les agissements allégués sont rattachables à une activité administrative française, et que les autres moyens soulevés par M. B... et M. G... ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. B... et M. G... a été enregistré le 1er août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention sur les relations consulaires, conclue à Vienne le 24 avril 1963 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et M. G... relèvent appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État à réparer les préjudices qu'ils imputent à l'inaction de l'autorité consulaire d'Agadir à leur assurer une protection, et aux agissements de l'ambassadeur de France.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les critiques tenant à l'erreur de fait, l'erreur d'appréciation et l'erreur de droit dont serait entaché le jugement du tribunal se rapportent à son bien-fondé et n'ont aucune incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 5 de la convention sur les relations consulaires, conclue à Vienne le 24 avril 1963, ratifiée par la France en vertu de la loi n° 69-1039 du 20 novembre 1969 et publiée par le décret n° 71-288 du 29 mars 1971 : " Les fonctions consulaires consistent à : / a. Protéger dans l'État de résidence les intérêts de l'État d'envoi et de ses ressortissants, personnes physiques et morales, dans les limites admises par le droit international ; (...) / e. Prêter secours et assistance aux ressortissants, personnes physiques et morales, de l'État d'envoi ; (...) / i. Sous réserve des pratiques et procédures en vigueur dans l'État de résidence, représenter les ressortissants de l'État d'envoi ou prendre des dispositions afin d'assurer leur représentation appropriée devant les tribunaux ou les autres autorités de l'État de résidence pour demander, conformément aux lois et règlements de l'État de résidence, l'adoption de mesures provisoires en vue de la sauvegarde des droits et intérêts de ces ressortissants lorsque, en raison de leur absence ou pour toute autre cause, ils ne peuvent défendre en temps utile leurs droits et intérêts ; / j. Transmettre des actes judiciaires et extrajudiciaires ou exécuter des commissions rogatoires conformément aux accords internationaux en vigueur ou, à défaut de tels accords, de toute manière compatible avec les lois et règlements de l'État de résidence ; (...) / M. D... toutes autres fonctions confiées à un poste consulaire par l'État d'envoi que n'interdisent pas les lois et règlements de l'État de résidence ou auxquelles l'État de résidence ne s'oppose pas ou qui sont mentionnées dans les accords internationaux en vigueur entre l'État d'envoi et l'État de résidence ".
4. Les stipulations précitées de l'article 5 de la convention conclue le 24 avril 1963 qui définissent les fonctions des consuls, lesquelles consistent en particulier à protéger les intérêts des ressortissants de l'État d'envoi, à leur prêter secours et assistance et à les représenter devant les juridictions de l'État de résidence, produisent des effets directs à l'égard des nationaux des États contractants.
5. Il résulte de l'instruction que M. B... et M. G... ont acquis un terrain pour y édifier trois maisons d'habitation pour le compte de clients français. N'ayant pu obtenir les autorisations de construire dont la délivrance a été refusée par les autorités locales, leurs clients, s'estimant lésés, ont engagé à l'encontre des requérants une procédure devant les autorités judiciaires marocaines qui a, dans un premier temps, abouti à une garde à vue des intéressés le 18 décembre 2011, avant leur mise en examen le 20 décembre suivant et leur placement sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le Maroc. Après avoir été condamnés par le Tribunal de première instance d'Agadir le 19 avril 2013 au versement de plusieurs sommes et à une peine d'emprisonnement de deux mois et demi, ils ont quitté le Maroc, à la suite de la levée des mesures de contrôle judiciaire prises à leur encontre, sans assister à l'audience de la Cour d'appel du 14 juillet 2014 qui a confirmé le jugement rendu en première instance, en assortissant d'un sursis la peine de prison de deux mois et demi.
6. M. B... et M. G... se plaignent de l'inaction des services consulaires d'Agadir à préserver leurs personnes et leurs biens, alors qu'ils ont, dès leur mise en examen, pris l'attache de la consule de France à Agadir. Il ne résulte, toutefois, pas de l'instruction que ces services n'auraient pas accompli les diligences nécessaires pour assurer la préservation de leurs intérêts, dès lors qu'ils ont été reçus le 6 février 2013 par le consul adjoint d'Agadir, Mme E..., préalablement à l'audience du 13 avril 2013 du Tribunal de première instance d'Agadir, à laquelle assistait, en leur absence, un agent du consulat général d'Agadir. De même, alors que les stipulations précitées de la convention sur les relations consulaires n'ont pas pour effet d'obliger l'État à représenter en justice son ressortissant, un agent des services consulaires était également présent à l'audience de la Cour d'appel du 14 juillet 2014. Par ailleurs, il n'entrait ni dans la compétence, ni dans la possibilité des autorités consulaires françaises au Maroc de récupérer leur passeport avant la levée de l'interdiction de quitter le territoire marocain prononcée par la Cour d'appel le 15 août 2013, et il n'est pas contesté que les requérants ont reçu une aide financière du consulat, même si celle-ci était limitée. Ainsi, et contrairement à ce que les requérants allèguent, l'aide apportée par les services consulaires d'Agadir doit être regardée comme suffisante pour le respect des stipulations précitées. Enfin, les requérants ne sauraient se prévaloir d'un jugement du 19 mai 2015 par lequel le Tribunal de grande instance de Lyon, statuant en matière correctionnelle, a rejeté les poursuites pour diffamation publique engagées par Mme E... à l'encontre de M. B..., dès lors que le tribunal, sans se prononcer sur le bien fondé de ces poursuites, a simplement constaté la nullité de la citation directe, les formalités d'ordre public prescrites par l'article 559 du code de procédure pénale n'ayant pas été respectées.
7. M. B... et M. G... reprochent également à l'ambassadeur de France des agissements inadéquats à leur situation, notamment en leur interdisant l'accès à l'ambassade, cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait révéler une quelconque faute, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les services de l'ambassade sont intervenus à plusieurs reprises dès la mise en examen et le renvoi des requérants devant le tribunal d'Agadir, pour obtenir la fixation rapide d'une date d'audience, trouver une solution amiable à cette affaire afin de dédommager les plaignants et éviter la comparution des requérants devant ce tribunal. En outre, et dès le 24 juillet 2012, l'ambassadeur de France, accompagné du père de M. B..., rencontrait les ministres de l'intérieur et de la justice du Maroc, avant que le magistrat de liaison de l'ambassade de France ait une entrevue avec le gouverneur de la région en présence de M. B... au mois d'août, ce même magistrat étant reçu au mois d'octobre avec le premier collaborateur de l'ambassadeur de France au Maroc et l'attaché de sécurité intérieure, par le chef de cabinet du ministre de l'intérieur marocain. Enfin, si les requérants estiment que les autorités locales marocaines ont bénéficié du soutien des services de l'État français au Maroc, l'ambassadeur de France, informé de leurs difficultés avec les autorités locales, notamment du refus du commissaire de police de Taroudant de leur régler les sommes dues pour la réalisation de travaux effectués pour son compte, a saisi par un courrier en date du 27 mai 2013 le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur du Maroc pour lui indiquer qu'il serait utile de contraindre ce commissaire de police à régler sa dette afin de leur permettre d'indemniser le dernier plaignant français.
8. Il résulte de ce qui précède aux points 6 et 7 qu'aucune faute ne peut, sur le fondement des stipulations précitées, être imputée aux services de l'État français au Maroc. Par suite, M. B... et M. G... ne sont pas fondés à demander la condamnation de l'État français à leur verser la somme de 4 874 350 euros qu'ils réclament en indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et M. G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à M. C... G... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 septembre 2019.
Le rapporteur,
C. F...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00983