Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2020 et le 12 février 2021, Mme A..., représentée par le cabinet SOLEGAL AARPI, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1820438 du 3 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des intérêts de retard et pénalité correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'expose pas la motivation qui le conduit à conclure à l'application de l'article 109-1, 1° du code général des impôts ;
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été informée du contrôle mené par les services fiscaux concernant la société Convergence Consulting et n'a pas reçu la proposition de rectification ;
- c'est à tort que l'administration fiscale l'a désignée comme étant le seul maître de l'affaire au titre de la période en litige et qu'elle a exclu M. C... lequel assurait, de fait, la gérance de la société, alors qu'elle-même exerçait les fonctions de juriste au sein d'un cabinet d'avocat et qu'elle a rejoint la profession le 1er juillet 2015 après avoir obtenu un diplôme de master délivré par l'université de Paris II.
Par un mémoire en défense enregistrés le 22 décembre 2020, et un dernier mémoire non communiqué enregistré le 26 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cabrita, représentant Mme A....
Une note en délibéré, enregistrée le 7 janvier 2021, a été présentée par Me Cabrita pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SASU Convergence Consulting, dont elle était, jusqu'au 1er juillet 2015, la présidente et unique associée, Mme A... a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 à 2014. Par un jugement du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence des dégrèvements en droit et pénalités prononcés en cours d'instance, pour un montant de 8 492 euros, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A.... Mme A... doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la requête, ont suffisamment exposé, au point 6 du jugement, les motifs sur lesquels ils se sont fondés pour juger que l'administration était fondée à regarder Mme A... comme le seul maître de l'affaire et, par suite, à imposer entre ses mains la totalité des revenus présumés distribués par la société Convergence Consulting. Ils ont à ce titre relevé qu'au cours des années 2013 et 2014, Mme A..., alors unique associée, exerçait la direction statutaire et disposait de la signature sur le compte bancaire ouvert au nom de la société, et qu'elle avait signé tous les contrats conclus par la société et, en particulier, le contrat de travail de M. C..., le 10 mars 2014, ou encore le contrat de service avec l'unique client de la société Convergence. Ils ont par ailleurs, indiqué que l'exercice par Mme A... de son activité professionnelle de juriste et le suivi de cours de droit des affaires à l'université Paris II au titre de l'année universitaire 2012-2014, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle soit reconnue comme seule maître de l'affaire. Si la requérante soutient que le tribunal aurait également dû justifier pourquoi il ne retenait pas la qualification de maître de l'affaire pour M. D... C..., compagnon de Mme A... et dont celle-ci soutient qu'il exerçait, de fait, la gérance de la société, une telle critique, qui tend à contester la façon dont le tribunal a appliqué les critères permettant de déterminer si une personne peut être regardée comme seul maître de l'affaire et être, de ce fait, présumée avoir appréhendé les revenus réputés distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, relève du bien-fondé du jugement et reste, en tout état de cause, sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 49 du livre des procédures fiscales dans sa version alors en vigueur : " Quand elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou à une vérification de comptabilité, l'administration des impôts doit en porter les résultats à la connaissance du contribuable, même en l'absence de rectification ". Aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
5. Mme A... soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été informée de la procédure de vérification de comptabilité de la société Convergence Consulting et qu'en outre la proposition de rectification du 4 juillet 2016 la concernant ne lui a pas été notifiée.
6. Toutefois, d'une part, compte-tenu de l'indépendance des procédures d'imposition, l'irrégularité de la procédure de vérification de la comptabilité menée à l'égard de la SASU Convergence Consulting, à la supposer même établie, serait sans incidence sur l'imposition personnelle de Mme A.... En tout état de cause, et alors qu'il n'en avait nullement l'obligation dès lors que sur la période au cours de laquelle a eu lieu la vérification de la comptabilité de la société Convergence Consulting Mme A... n'en était plus associée ni présidente, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a informé la requérante, en sa qualité de présidente et unique associée de la société au cours de la période vérifiée, des opérations de contrôle en cours, par un courrier adressé à son domicile le 13 janvier 2016 auquel était joint l'avis de vérification du 11 décembre 2015, déjà envoyé au siège de la société, ainsi qu'une lettre de mise en garde adressée à la société le 13 janvier 2016. Le service verse également au débat la copie d'un courrier notifié le 22 avril 2016, par lequel le vérificateur proposait de s'entretenir avec Mme A..., dans le cadre du débat oral et contradictoire, le 9 mai 2016 à partir à 9H30. L'intéressée a répondu par un courriel du 25 avril 2016 qu'elle était dans l'impossibilité d'honorer ce rendez-vous. Le service a encore proposé à Mme A..., par un courrier du 18 mai 2016, un entretien le 6 juin à l'adresse du siège social de la société, en précisant que les opérations de contrôle sur place seraient clôturées à cette date. Ce courrier a été régulièrement notifié à la requérante le 24 mai 2016, mais a été retourné au service avec la mention " pli avisé et non réclamé ".
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 4 juillet 2016 a été régulièrement notifiée à Mme A... le 8 juillet 2016, le pli contenant la proposition ayant été retourné au service avec la mention " avisé non réclamé ". Le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
8. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que Mme A... n'a apporté aucune réponse à la proposition de rectification du 4 juillet 2016 qui, ainsi qu'il a été dit au point 7, lui a été régulièrement notifiée le 8 juillet 2016. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant tacitement accepté ladite proposition. Dès lors, elle supporte, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige.
En ce qui concerne la preuve de l'appréhension des revenus distribués :
10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. Est qualifié de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds.
11. Les impositions demeurant en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus taxables entre les mains de Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la société Convergence Consulting au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l'intéressée, que l'administration a considérée comme l'unique maître de l'affaire.
12. D'une part, Mme A..., qui n'allègue à aucun moment que les revenus qui ont été regardés comme distribués par le service, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, auraient en réalité été investis ou gardés en réserve, ne conteste ni l'existence ni le montant de ces revenus, ni la date à laquelle ces revenus ont pu être regardés comme distribués.
13. D'autre part, pour retenir que Mme A... était le seul maître de l'affaire, le service s'est fondé, dans la proposition de rectification du 4 juillet 2016, sur les circonstances qu'au cours des années 2013 et 2014 celle-ci était l'unique associée et la présidente statutaire de la société Convergence Consulting, qu'elle exerçait seule la direction de l'entreprise et disposait, seule, de la signature sur le compte bancaire ouvert au nom de la société. Le service a également relevé, d'une part, que Mme A... disposait, seule, du pouvoir d'engager la société et a, à ce titre, signé tous les contrats conclus par la société et, en particulier, le contrat de travail de M. C..., le 10 mars 2014, et le contrat de service avec l'unique client de la société Convergence, d'autre part, que le nom de Mme A... figurait sur de nombreuses factures et autres pièces produites lors de la vérification de comptabilité de la société Convergence Consulting, qui a en outre pris en charge des dépenses personnelles de l'intéressée.
14. Pour combattre ce faisceau d'indices probants et concordants, Mme A... soutient qu'elle a créé la société Convergence Consulting pour permettre à son compagnon,
M. D... C..., alors interdit bancaire à la suite de la liquidation judiciaire, en 2012, de la société Eden Pro, de continuer son activité professionnelle dans le domaine de l'informatique. Elle ajoute que celui-ci disposait de la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société, alors qu'elle-même exerçait, en 2013 et 2014, une activité professionnelle de juriste à temps plein et suivait des cours de droit des affaires à l'université de Paris II. A l'appui de ces allégations, Mme A... produit une attestation sur l'honneur signée par M. C... le 23 novembre 2017, postérieurement aux opérations de contrôle, selon laquelle il lui aurait demandé d'effectuer les formalités de constitution de la société Convergence Consulting en lui laissant le contrôle de la société, des factures adressées à la société mentionnant l'adresse électronique de M. C..., la copie de son diplôme de Master II en droit des entreprises commerciales obtenu au titre de l'année universitaire 2012-2013, le contrat de travail qu'elle a signé le 20 février 2008 avec un cabinet d'avocats, la copie d'un bulletin de salaire pour la période de mai 2015, postérieure aux années d'imposition en cause, mentionnant un salaire net de 4 500 euros, et une copie d'écran attestant de son inscription au barreau en juillet 2015 dans la spécialité du droit des affaires.
15. Cependant, d'une part, les éléments produits par Mme A... ne permettent pas de démontrer qu'au cours de la période en cause elle n'aurait pas eu la disponibilité nécessaire pour assurer les actes de gestion administrative et financière de la société Convergence Consulting, dont elle ne précise d'ailleurs pas la charge de travail qu'ils représentaient. D'autre part, la mention sur les factures adressées à la société de l'adresse électronique de M. C..., qui était salarié de la société, ne permettent pas de démontrer qu'il était le gérant de fait de la société ni même qu'il l'aurait cogérée. De plus, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de l'attestation sur l'honneur signée par M. C..., que celui-ci ne bénéficiait pas d'une procuration ou d'une carte bancaire à son nom et devait donc nécessairement, pour procéder à des opérations bancaires, avoir l'accord de Mme A... pour pouvoir accéder au compte bancaire en ligne ou utiliser la carte bancaire de celle-ci, et que seule Mme A... signait les chèques au nom de la société. Ainsi, contrairement à Mme A..., M. C... n'était pas en mesure de bénéficier sans contrôle des fonds de la société comme de ses biens propres. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a regardé Mme A... comme le seul maître de l'affaire et, par suite, comme la bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société Convergence Consulting, sans qu'elle ait été tenue de mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code général des impôts dès lors qu'elle avait mentionné dans la proposition de rectification des éléments permettant d'identifier sans ambiguïté le bénéficiaire de la distribution.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y incluses les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2022.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02103 2