Par un arrêt n° 16PA02333 du 7 juillet 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. C...-A... contre ce jugement.
Par une décision n° 414136 du 30 janvier 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 20 juillet 2016, 2 juin 2017 et 2 avril 2019, M. C...-A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1510028 du 20 mai 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en faisant peser la charge de la preuve sur le contribuable ;
- il ressort du protocole d'accord transactionnel qu'il a subi un déclassement professionnel et a été affecté à des postes ne correspondant pas à ses compétences et à son niveau de responsabilité et que ce n'est qu'en raison d'une " contestation sérieuse " que son employeur a transigé ;
- dès lors, la somme de 160 000 euros qu'il a perçue de son employeur aux termes du protocole d'accord du 30 juin 2011 correspond exclusivement à des dommages et intérêts indemnisant un licenciement abusif, lesquels sont exonérés d'impôt sur le revenu conformément au 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, il a subi un préjudice matériel de 32 270,55 euros pour les années 2012 à 2014 et seule cette somme est susceptible d'être imposée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 décembre 2016 et 5 avril 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... -A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... -A..., cadre informatique de la société Crédit agricole CIB a fait l'objet d'un licenciement notifié par courrier du 8 juin 2011, alors qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 7 juin 2010 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, assortie d'une demande d'indemnisation, au motif que son employeur ne l'avait pas affecté à un poste correspondant à ses qualifications. Le 30 juin 2011, il a conclu avec son employeur un protocole d'accord transactionnel de rupture du contrat de travail qui a notamment prévu le versement d'une indemnité transactionnelle de 160 000 euros en contrepartie du désistement de l'action qu'il avait engagée en vue de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de toute autre action visant à contester son licenciement. A la suite d'un contrôle sur pièces, le service a notamment réintégré une partie de cette indemnité en estimant, sur le fondement du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, que la fraction imposable était égale à 131 714,55 euros, montant correspondant à la moitié du total perçu par l'intéressé. Par un arrêt du 7 juillet 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. C... -A... contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 mai 2016 rejetant sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de ce chef de redressement. Par une décision du 30 janvier 2019, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de M. C... -A..., annulé l'arrêt du 7 juillet 2017 et renvoyé l'affaire devant la Cour.
2. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux sommes perçues en 2011 : " I. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2 et L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; / (...) 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail qui n'excède pas : / a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail ; ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités,/ b) soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ". L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires de six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ". L'article L. 1235-1 du même code dispose qu'" en cas de litige, le juge a qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
3. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.
4. Il résulte de l'instruction que M. C...-A... a été recruté en 1972 par la société Crédit Lyonnais, devenue la société Crédit Agricole CIB et qu'il a exercé les fonctions de responsable de l'équipe en charge des outils de migration WINGS/ISBA jusqu'en 2005, puis a assuré la responsabilité opérationnelle de l'équipe " support, change coordination et ISBA (SCI) " jusqu'au 1er juillet 2008, date à laquelle il a été affecté aux effectifs de l'équipe de support ISIS avant d'accepter, à compter du 1er mars 2009, un poste de chargé de projet et mission auprès de APS/WGS et APS/DES au sein des équipes de production en charge des projets transverses. M. C...-A... a alors saisi la juridiction prud'homale le 7 juin 2010 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail assortie d'une demande d'indemnisation, au motif que son employeur ne l'avait pas affecté à un poste correspondant à ses qualifications. M. C...-A... a toutefois été licencié pour insuffisance professionnelle par courrier du 8 juin 2011 au motif qu'il adoptait " un comportement délibérément négatif d'opposition systématique " rendant impossible son maintien dans son poste de travail. M. C... -A... a contesté son licenciement et une transaction est intervenue entre les parties.
5. Il ressort du protocole d'accord transactionnel du 30 juin 2011 que " les compétences professionnelles de M. C...A...[étaient] parfaitement en adéquation " avec sa nouvelle affectation à compter du 1er juillet 2008, et qu'il a souhaité quitter ce poste car il " ne s'est pas inscrit dans cette organisation ". Il en ressort également qu'il a abandonné ses démarches de mobilité externe entreprises en décembre 2008 et qu'il a accepté le poste de chargé de mission qui lui a été confié à compter du 1er mars 2009. Dans ces conditions, si les parties au protocole ont indiqué que la décision de licenciement faisait l'objet d'une " contestation sérieuse ", il ne résulte pas de l'instruction que M. C...-A... aurait subi un déclassement professionnel. En particulier, la circonstance qu'il ait été affecté à un poste de " chargé de projet et de mission " ne saurait suffire à établir qu'il a été relégué dans des fonctions qui ne correspondaient pas à son niveau de qualification et de responsabilité, alors notamment qu'il a, ainsi qu'il a été dit, accepté ce poste. D'ailleurs, il ressort de la partie du protocole d'accord relative aux " règles de traitement social et fiscal " des indemnités allouées que le montant des indemnités soumis à l'impôt sur le revenu est de 131 714,55 euros, soit la moitié de la totalité des indemnités versées.
6. Dans ces conditions, compte tenu des termes du protocole d'accord et de l'absence de tout élément au dossier de nature à justifier le déclassement professionnel invoqué par M. C... -A..., le licenciement dont il a fait l'objet ne peut être regardé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. La somme de 160 000 euros qu'il a reçue ne constituait dès lors pas une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnée à l'article L. 1235-3 du code du travail, exonérée en application des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts. C'est dès lors à bon droit que l'administration a regardé la somme en cause comme imposable, en application du 3° dudit article, à hauteur de 131 714,55 euros.
7. Par ailleurs, si M. C...-A... soutient, à titre subsidiaire, que l'indemnité versée n'était pas imposable à concurrence de la somme de 32 270,55 euros correspondant au préjudice financier qu'il a subi au cours des années 2012 à 2014 en raison d'une perte de salaire, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que l'indemnité en cause avait pour objet de réparer un tel préjudice.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C...-A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...-A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...-A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris - pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA00788