Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 juin, 25 juin et 30 octobre 2018, la société Wingate, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1712293 du 17 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, assorties des intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a insuffisamment répondu à son moyen tiré de ce que les indemnités kilométriques versées à son gérant sont déductibles en omettant de se prononcer sur l'application de l'arrêt du Conseil d'Etat Vidalinc ;
- l'intérêt de poursuivre la location d'une partie du domicile privé de son dirigeant après sa nouvelle domiciliation à Paris est démontré dès lors qu'ils lui permettent d'assurer et de préserver la confidentialité de ses clients ; lors d'un précédent contrôle, le service avait admis la location de ces mêmes locaux entre 2006 et 2011 dans lequel elle avait établi son siège social, le déplacement de son siège social avenue Marceau à Paris n'ayant rien changé à cette situation ;
- les frais kilométriques remboursés à son dirigeant sont justifiés par les pièces produites ;
- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine publiée au BOI-BIC-CHG-10-20-20-20140519, n° 50 qui prévoit que l'absence partielle de justificatifs n'est pas un motif de rectification en application du paragraphe 50 de cette instruction ;
- les distributions ne sont pas fondées.
Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés les 11 septembre et 27 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Wingate ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lescaut,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la société requérante.
Une note en délibéré, enregistrée le 10 mai 2019, a été présentée pour la société Wingate.
Considérant ce qui suit :
1. La société Wingate, anciennement Stephan A...et Associés, a une activité d'expertise comptable et de commissariat aux comptes. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014 au terme de laquelle par une proposition de rectification du 17 décembre 2015, elle a été assujettie, suivant une procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014, assortis d'intérêts de retard et d'une majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. La société Wingate relève appel du jugement en date du 17 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la société Wingate, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment exposé au point 5 les motifs qui les ont conduits à rejeter les frais kilométriques en litige en se fondant sur l'absence de justificatifs produits tels que, notamment, des tickets de péage ou de carburant. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement du Tribunal administratif de Paris n'est pas suffisamment motivé sur ce point doit être écarté.
Sur le bien fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (à l'adresse de son gérant jusqu'en 2011) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (à l'adresse de son gérant jusqu'en 2011) Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".
4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
5. En premier lieu, la société Wingate a porté en charges des exercices clos les 30 juin 2013 et 2014 les loyers versés à M. et Mme D...A...pour la location de locaux situés au sein de leur domicile sis avenue Henri Martin à Paris, pour des montants de 60 000 euros au titre de chacun de ces exercices, dont le service a refusé la déduction au motif que ces dépenses n'étaient pas engagées dans l'intérêt de la société. Il a en conséquence, procédé à la réintégration de ces deux montants dans le résultat de la société requérante au titre de chacun de ces deux exercices.
6. Pour justifier l'utilisation d'une partie du domicile de son gérant, M.A..., la société requérante produit un contrat de location mentionnant la mise à disposition de deux locaux d'archives, d'une salle de réunion, d'une surface totale de 68 m², et de deux places de parkings, dont elle soutient qu'ils sont nécessaires à son activité d'expert comptable, dès lors qu'ils lui permettent d'assurer la confidentialité de ses clients. Mais en se bornant à verser au dossier des attestations de certains de ceux-ci indiquant qu'ils sont attachés au secret des affaires, la société Wingate ne démontre pas l'intérêt pour elle de recevoir ces clients au domicile de son gérant, alors qu'elle dispose de bureaux à son siège social situé rue de Monceau, à Paris, et en l'absence d'éléments précis et circonstanciés établissant l'existence et la fréquence de réunions de la société dans les locaux situés avenue Henri Martin. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes litigieuses ne constituaient pas des charges déductibles des exercices 2013 et 2014, en application de l'article 39-1 du code général des impôts précité.
7. Si la société Wingate relève que le service n'a pas remis en cause les charges déduites au titre de la location des locaux situés au domicile de son gérant lors des opérations de contrôle d'une vérification de comptabilité portant sur des exercices antérieurs, il est constant que la société était domiciliée.à l'adresse de son gérant jusqu'en 2011 Elle n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de l'absence de redressement opéré par l'administration au titre de la charge locative comptabilisée à la clôture d'exercices précédents, qui ne peut être regardée comme une prise de position formelle sur sa situation de fait au regard de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
8. En second lieu, l'administration a refusé d'admettre des remboursements de frais kilométriques versés à son gérant pour des montants de 36 000 euros, au titre de chacun des exercices clos les 30 juin 2013 et 30 juin 2014, en tant que charges déductibles des bénéfices imposables de la société Wingate au motif qu'elles étaient insuffisamment justifiées.
9. La société requérante soutient que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité de ces remboursements de frais, faisant valoir qu'ils correspondent à des déplacements effectués par son gérant auprès de ses clients. A l'appui de sa requête d'appel, elle produit un tableau Excel illisible, et des extraits de ses grands-livres clients des exercices 2013 et 2014 versés au dossier qui concernent des facturations d'honoraires globales et qui ne permettent pas de faire ressortir le montant des frais de déplacement facturés à ses clients. Dans ces conditions, la société Wingate n'est pas fondée à contester la réintégration de ces dépenses à son résultat imposable des exercices 2013 et 2014 en litige.
10. La société n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine publiée au BOI-BIC-CHG-10-20-20-20140519, n° 50, postérieure aux exercices 2012 et 2013, et qui ne fait pas d'interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
11. La société requérante ne peut, enfin, utilement contester la qualification des revenus distribués à son gérant procédant de ces rehaussements, dès lors qu'ils ne concernent que le bénéficiaire de ces revenus.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Wingate n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Wingate est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Wingate et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction de contrôle fiscal d'Île-de-France (division juridique Ouest).
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01998