Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2018, la société Brasserie de l'Athénée, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1618432 du 6 décembre 2017 en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes et, à défaut, d'ordonner une expertise afin d'apprécier la validité de sa comptabilité ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rejet de sa comptabilité n'est pas justifié, dès lors qu'elle a respecté ses obligations légales et que sa comptabilité n'est entachée d'aucune irrégularité, notamment en ce qui concerne son activité de restauration ;
- l'administration n'a pas établi le caractère permissif des caisses utilisées et l'absence de valeur probante de sa comptabilisation des recettes ;
- la charge de la preuve pèse sur l'administration ;
- la méthode de reconstitution des recettes est inexacte et imprécise car elle repose sur un échantillon très étroit et ne tient aucun compte de l'effet des saisons sur la consommation de bière ;
- la méthode est radicalement viciée dans son principe et aboutit à une taxation excessive.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société Brasserie de l'Athénée.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Brasserie de l'Athénée exploite un bar-restaurant situé 28 rue de Caumartin, à Paris IXe. Elle a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012 et 2013, dans le cadre de laquelle le service a écarté la comptabilité comme non probante et a procédé à la reconstitution des recettes de la période vérifiée. A l'issue de ce contrôle, l'administration l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, assortis de pénalités pour manquement délibéré. La société Brasserie de l'Athénée s'est en outre vu infliger des amendes fiscales sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des revenus distribués en 2012 et en 2013. Par un jugement du 6 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a constaté une erreur dans la reconstitution de recettes réalisée par l'administration au cours de l'année 2012 et a en conséquence réduit les bases d'imposition assignées à la société Brasserie de l'Athénée au titre de l'exercice 2012, prononcé une décharge partielle des impositions, des pénalités et des amendes fiscales correspondantes et a rejeté le surplus de ses conclusions. La société requérante fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
Sur le rejet de la comptabilité :
3. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) "
4. Il résulte de la proposition de rectification que, lors des opérations de contrôle sur place, le vérificateur a relevé que la société Brasserie de l'Athénée utilisait deux caisses enregistreuses indépendantes, l'une pour son activité de restaurant et l'autre pour son activité de bar. S'agissant de la caisse enregistreuse du restaurant, la société requérante a conservé en comptabilité les bandes de caisse journalières ou tickets Z et la bande de contrôle. En revanche, s'agissant de son activité de bar, elle n'a conservé que les tickets Z, qui globalisaient les recettes de la journée. D'une part, il ressort de la proposition de rectification que les données issues des tickets Z ne sont pas cohérentes avec les inscriptions comptables et les recettes déclarées par la société requérante, son comptable ayant rectifié le montant du chiffre d'affaires résultant de la somme des tickets Z à partir des encaissements bancaires qui étaient supérieurs. Il n'existe, en conséquence de ces corrections comptables, aucune pièce justificative pour environ 22 % des recettes comptabilisées au titre de l'exercice 2012 et 12 % de celles comptabilisées au titre de l'exercice 2013. D'autre part, s'agissant du surplus, la société requérante n'a présenté que les tickets Z. Or, si les tickets Z sont édités par la caisse à partir des données enregistrées au cours de la journée, il résulte de l'instruction qu'ils ne mentionnent les ventes intervenues que de manière générale, ne distinguant les recettes qu'en fonction de grandes familles de produits vendus, du taux de taxe sur valeur ajoutée et du mode de règlement. Ces tickets ne permettent donc pas, en l'absence d'autres documents tels que des doubles de notes numérotées ou des bandes de caisse enregistreuse détaillant les ventes par facture, de justifier de la nature et de la quantité des produits vendus. Dans ces conditions, compte tenu de la comptabilisation globale des recettes journalières du bar et de l'absence de pièces justifiant du détail des recettes, l'administration pouvait, alors même qu'elle n'a pas établi le caractère permissif de la caisse enregistreuse, estimer que la comptabilité de la société Brasserie de l'Athénée, s'agissant de son activité de bar, était entachée de graves irrégularités et dépourvue de valeur probante et procéder à la reconstitution de ses bases d'imposition à l'aide d'une méthode extra comptable.
5. L'administration n'ayant procédé qu'à la remise en cause de la comptabilité de l'activité de bar et à la reconstitution des recettes de cette activité, la société requérante ne peut utilement faire valoir qu'aucune remarque n'a été faite concernant la comptabilité de son activité de restaurant.
Sur la reconstitution de recettes :
6. Il est constant que les impositions contestées, établies dans le cadre de la procédure contradictoire, ont été fixées conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 15 décembre 2015. Conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales précité, la société requérante ne peut obtenir la décharge des impositions contestées que si elle établit que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, ou si elle propose une autre méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration.
7. Le service a reconstitué les recettes et résultats imposables de l'activité de bar de la société requérante à partir des achats revendus de bières pression. Cette méthode a consisté tout d'abord à déterminer les achats de bières pression réalisés au cours de chacun des deux exercices contrôlés en exploitant les factures obtenues auprès des fournisseurs au moyen du droit de communication et à déterminer le nombre de bières susceptibles d'être servies. Les ventes réalisées au niveau du restaurant, déterminées à partir d'un dépouillement exhaustif des tickets du restaurant, ont été déduites de ce nombre. Le service a ensuite multiplié le nombre obtenu par les prix de vente des bières pression et admis un taux d'offert de 5 %. Le vérificateur a, ainsi, déterminé que le chiffre d'affaires résultant des bières vendues au bar s'élevait à 70 002,38 euros pour l'exercice clos en 2012, et à 54 264,40 euros pour l'exercice clos en 2013. Ensuite, à partir des tickets de caisse des ventes du bar sur la période du 19 février au 25 mars 2015, le vérificateur a estimé que la part des ventes de bières pression dans le chiffre d'affaires total réalisé par la société Brasserie de l'Athénée était de 20 % et a estimé à 28 % du chiffre d'affaires la proportion des boissons alcoolisées soumises au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée et à 72 % la proportion des aliments et boissons non alcoolisées soumis au taux réduit. Le vérificateur a ainsi fixé le chiffre d'affaires total du bar à 350 011,88 euros au titre de l'exercice clos en 2012, au lieu des 157 157,95 euros déclarés, et à 271 321,98 euros au titre de l'exercice clos en 2013, au lieu des 142 843,42 euros déclarés. Le montant relatif à l'exercice clos en 2012 a été réduit pour tenir compte de la réduction de la base d'imposition prononcée par les premiers juges.
8. En premier lieu, la société Brasserie de l'Athénée soutient que cette méthode de reconstitution est viciée, dès lors que la période de référence utilisée par le vérificateur est trop brève et qu'il n'est pas tenu compte des variations saisonnières en matière de consommation de bière. Toutefois, la reconstitution s'appuie, ainsi qu'il vient d'être dit, sur les conditions d'exploitation de l'établissement pendant une période significative, du 19 février au 25 mars 2015 et la société requérante ne justifie pas que cette période ne reflèterait pas les conditions réelles d'exploitation. En particulier, elle ne justifie pas de l'augmentation au printemps et en été de la consommation de bière qu'elle allègue en se bornant à se référer aux annexes 3 et 4 de la proposition de rectification relatives aux consommations de bière au restaurant, dès lors notamment que les variations constatées ne sont pas similaires en 2012 et 2013 et que des consommations importantes sont également constatées en fin d'année. En outre, faute de justifier que ces variations concernent spécifiquement la consommation de bière et non l'ensemble de son activité, la société Brasserie de l'Athénée n'établit pas que le pourcentage de 20 % fixé par l'administration ne correspond pas effectivement à la part moyenne de consommation de bière pression dans les recettes annuelles du bar. Par ailleurs, s'il existe une baisse de plus de 22,50 % entre les recettes reconstituées au titre des exercices 2012 et 2013, alors que l'administration a considéré que les conditions d'exploitation étaient constantes, la comptabilité de la société faisait déjà état d'une baisse d'environ 10 %. Dans ces conditions, malgré cet écart, la société requérante n'établit pas que la méthode de reconstitution mise en oeuvre serait excessivement sommaire ou viciée dans son principe.
9. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la reconstitution est entachée d'erreurs et d'insuffisances. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a, pour tenir compte des pertes en fût et au moment du service, évalué à 30 ou 33 cl, selon les types de bières, la quantité de bière en fût utilisée pour verser un demi de 25 cl. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 3, la comptabilité de la société comprenait, pour le restaurant, non seulement les tickets Z, mais également les bandes de contrôle. Par suite, la société requérante, pour soutenir que le nombre de bières vendues au restaurant serait inexact, ne peut utilement faire valoir que les seuls tickets Z ne permettaient pas de déterminer ce nombre. Dès lors, eu égard à ce qui précède, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition reconstituées.
10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise de sa comptabilité, que la société Brasserie de l'Athénée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Brasserie de l'Athénée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Brasserie de l'Athénée et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée au directeur du contrôle fiscal d'Île-de-France (division du contentieux Est).
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00246