Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, M.A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600035 en date du 11 octobre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de condamner l'Etat (ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation) à lui verser la somme totale de 63 544,60 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices financier et moral subis du fait du retrait fautif de primes qui lui étaient attribuées ;
3°) d'enjoindre à l'Etat (ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation) de lui verser cette somme dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire ; il s'ensuit que la décision créatrice de droit de lui accorder la prime de rendement et l'indemnité de sujétions spéciales ne pouvait pas être retirée au-delà du délai de quatre mois ;
- l'administration a commis une faute en lui versant pendant dix mois des primes auxquelles il n'avait plus droit et c'est à tort que le tribunal a retenu les circonstances tenant à la complexité des règles relatives à la rémunération et à la courte période pendant laquelle l'erreur a été commise pour écarter la négligence ou la carence fautive de l'administration ;
- le tribunal a commis des erreurs de droit et de fait en retenant implicitement sa mauvaise foi et en estimant qu'il devait avoir connaissance des règles statutaires pour limiter la responsabilité de l'administration ; aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que le montant de sa rémunération annoncée par l'administration lors de sa prise de fonctions comprenait le montant des primes en cause ;
- il a subi un préjudice moral et un préjudice financier du fait du retrait fautif de ces primes et de la faute commise par l'administration dans la gestion de sa rémunération en lui versant pendant dix mois une somme indue ; le lien entre la faute de l'administration et les préjudices qu'il a subis est incontestable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2018, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que par un arrêté en date du 19 juillet 2012, M.A..., inspecteur en chef de la santé publique vétérinaire au sein du ministère de l'agriculture, a été placé en position de détachement auprès du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour exercer les fonctions de chargé de mission pour la recherche et la technologie auprès du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 1er septembre 2012 au 31 août 2014 ; que par un courriel en date du 27 juin 2013, le vice-recteur de la Polynésie française a informé M. A...qu'il avait perçu à tort la prime de rendement et l'indemnité de sujétions spéciales liées à son grade au ministère de l'agriculture pour la période comprise entre le 1er septembre 2012 et le 31 mai 2013 ; qu'un ordre de reversement du 16 septembre 2014 d'un montant de 17 864,27 euros lui a été notifié pour le recouvrement du trop perçu en cause compensé partiellement avec une indemnité liée à ses nouvelles fonctions de chargé de mission pour la recherche et la technologie auprès du haut-commissaire de la République en Polynésie française ; que la demande indemnitaire en date du 5 novembre 2015 présentée par M. A...a été rejetée par une décision du 9 décembre 2015 du vice-recteur de la Polynésie française ; que M. A...fait appel du jugement du 11 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 63 544,60 euros en réparation des préjudices subis du fait du retrait fautif de primes qui lui étaient attribuées ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, à l'exception des dispositions des articles L. 1234-9, L. 1243-1 à L. 1243-4 et L. 1243-6 du code du travail ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière. (..) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ; que le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; qu'il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a versé à M. A...la prime de rendement et l'indemnité de sujétions spéciales liées à ses anciennes fonctions exercées au sein du ministère de l'agriculture du 1er septembre 2012 au 31 mai 2013 ; que le maintien de ce versement a constitué une erreur de liquidation ; qu'il appartenait à l'administration de corriger cette erreur et de demander à l'intéressé le recouvrement des sommes indûment payées ; qu'il s'ensuit que l'ordre de reversement du 16 septembre 2014 d'un montant de 17 864,27 euros notifié à l'intéressé pour le recouvrement du trop perçu de la prime et de l'indemnité susmentionnées n'a pas eu pour effet de retirer illégalement une décision créatrice de droit ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les sommes indûment versées ont été réclamées au requérant ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...soutient que le versement indu de la prime de rendement et de l'indemnité de sujétions spéciales liées à ses anciennes fonctions exercées au sein du ministère de l'agriculture qui s'est prolongé du 1er septembre 2012 au 31 mai 2013 révèle une faute de l'administration dont il est fondé à demander réparation ; qu'en ne vérifiant pas si M. A...pouvait bénéficier de la prime de rendement et de l'indemnité de sujétions spéciales liées à ses anciennes fonctions exercées au sein du ministère de l'agriculture, alors qu'il était placé en détachement auprès du haut-commissaire de la République en Polynésie française, et en lui versant ces prime et indemnité, l'administration a commis une négligence constitutive d'une faute ; que, toutefois, eu égard à la durée relativement courte de neuf mois pendant laquelle les versements se sont poursuivis, la négligence de l'administration ne saurait ouvrir droit à une indemnisation en faveur de l'intéressé qui, au demeurant, ne justifie pas avoir subi de préjudices financier et moral, l'ordre de reversement étant notamment intervenu le 16 septembre 2014 après que l'intéressé a été informé de ce trop-perçu le 27 juin 2013 ;
6. Considérant, enfin, que si M. A...évoque la circonstance qu'il ne perçoit pas la rémunération qui lui avait été annoncée lors de sa prise de fonctions en qualité de chargé de mission auprès du haut-commissaire de la République en Polynésie française, le seul courriel en date du 11 mars 2014, qui au demeurant ne lui est pas personnellement adressé, ne permet pas d'établir le montant de la rémunération qui aurait été convenu entre le requérant et son ministère de détachement ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
V. LARSONNIER Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03653