Par un arrêt n° 17PA00424 en date du 29 décembre 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du préfet du Val-de-Marne et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Lepeu, avocat de M.B..., en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lepeu renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Le 5 décembre 2017, la présidente du Tribunal administratif de Melun a transmis à la Cour la demande de M. B...tendant, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative, à l'exécution du jugement visé ci-dessus, s'agissant de l'injonction donnée au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par des lettres enregistrées les 23 janvier, 6 mars, 23 avril et 4 septembre 2018, le préfet du Val-de-Marne a fait part à la Cour de ses difficultés pour procéder à l'exécution du jugement, en l'absence d'établissement d'état civil de M.B....
Par des lettres enregistrées les 13 février, 30 mars, 7 mai et 29 novembre 2018, M. B... a informé la Cour que le jugement du Tribunal administratif de Melun n'était toujours pas exécuté, malgré la justification de son identité auprès de l'autorité préfectorale.
Par une ordonnance du 10 décembre 2018, le Président de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2019, M.B..., représenté par Me Lepeu, demande à la Cour :
1°) de le désigner provisoirement à l'aide juridictionnelle au titre des dispositions des articles 20 de la loi du 10 juillet 1991 et 62 du décret du 19 décembre 1991 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à titre principal sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il est possible de justifier de son identité par tout moyen, qu'il a produit ses passeports successifs, que la désorganisation de l'état civil de son pays d'origine ne saurait lui porter préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2019, le préfet du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que M. A...se disant B...ne justifie toujours pas de son état civil.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 12 février 2019, M. B...maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que le mémoire en défense est irrecevable car il n'est pas présenté par le préfet du Val-de-Marne mais par le sous-préfet de Nogent sur Marne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. (...) ". L'article R. 921-6 de ce même code dispose : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet ".
2. Par un jugement en date du 18 janvier 2017, le Tribunal administratif de Melun a, notamment annulé l'arrêté du 15 février 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et a enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 29 décembre 2017, devenu définitif, la Cour a rejeté la requête du préfet du Val-de-Marne tendant à l'annulation de ce jugement. M. B...a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande, transmise à la Cour, tendant à l'exécution de ce jugement en ce qui concerne l'injonction de délivrance d'un titre de séjour.
Sur la désignation provisoire de Me Lepeu au titre de l'aide juridictionnelle :
3. Eu égard à la nature des procédures d'exécution, qui doivent être traitées de façon urgente, et dans la mesure où aucune circonstance n'y fait obstacle, il y a lieu de désigner provisoirement Me Lepeu au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 20 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus et 62 du décret du 19 décembre 1991 visé ci-dessus.
Sur la demande d'exécution et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du mémoire en défense :
4. Si le préfet du Val-de-Marne soutient qu'il lui est matériellement impossible d'exécuter l'injonction de délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé dans la mesure où ce dernier ne justifie toujours pas d'un état civil authentique, le doute existant sur la filiation de M. D... B...n'exempte pas le préfet du Val-de-Marne, contrairement à ce qu'il soutient, de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à ce dernier en exécution du jugement du Tribunal administratif de Melun du 18 janvier 2017. Dès lors, il y a lieu de prononcer une astreinte de 50 euros par jour de retard si le préfet du Val-de-Marne ne justifie pas, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, avoir délivré un titre de séjour " Vie privée et familiale " à M.B....
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me Lepeu une somme de 1 000 euros, en application des articles mentionnés ci-dessus, sous la double réserve de son renoncement à la part contributive de l'Etat et que M. B...soit admis définitivement à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Me Lepeu est désigné provisoirement au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et 62 du décret 91-1266 du 19 décembre 1991.
Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat (préfecture du Val de Marne) s'il ne justifie pas avoir, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, exécuté le jugement n° 1605880 en date du 18 janvier 2017 du Tribunal administratif de Melun en délivrant un titre de séjour " Vie privée et familiale " à M. D...B..., et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le préfet du Val-de-Marne communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le jugement mentionné à l'article 2.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Lepeu sous la double réserve, d'une part, de son renoncement à la part contributive de l'Etat, d'autre part, que M. D...B...soit définitivement admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03884