Par un jugement n° 2018535/2-1 du 16 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a pour partie fait droit à la demande de Mme B... en annulant l'arrêté du préfet de police du
7 octobre 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, en enjoignant au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme B... et en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, alors que la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme B... par un ressortissant français a été faite dans le but de faciliter l'obtention par fraude d'un titre de séjour, et alors qu'aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que son enfant la suive lors de son retour dans son pays ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 28 juin et le 16 septembre 2021,
Mme B..., représentée par Me Ndiaye, demande à la Cour :
1°) de constater un non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête du préfet de police est dépourvue d'objet, le jugement attaqué n'ayant prononcé qu'une injonction de réexamen de sa situation ; elle a d'ailleurs été convoquée à la préfecture de police pour ce réexamen le 26 juin 2021 ;
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- elle doit, en cas de retrait de son titre de séjour, être admise au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré a été présentée pour Mme B... le 21 septembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 20 novembre 1986 à
Denisekro-Tiassale (Côte d'Ivoire), entrée en France le 23 janvier 2012 selon ses déclarations, a été titulaire de plusieurs titres de séjour temporaires valables du 10 juillet 2012 au 13 avril 2015, puis d'une carte de résident obtenue sur le fondement du 2°) de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, en tant que mère d'un enfant français. Par un arrêté du 7 octobre 2020, le préfet de police lui a retiré ses titres de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en se fondant sur le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de son enfant par un ressortissant français. Le préfet de police fait appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif a pour partie fait droit à la demande de Mme B... en annulant son arrêté du 7 octobre 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions de Mme B... à fin de non-lieu à statuer :
2. Contrairement à ce que soutient Mme B..., ni la circonstance que le jugement attaqué n'a prononcé qu'une injonction de réexamen de sa situation, ni le fait qu'elle a, le
26 juin 2021, été convoquée à la préfecture de police pour ce réexamen, ne privent d'objet l'appel du préfet de police.
Sur la requête du préfet de police :
3. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, de autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Pour contester le jugement par lequel le tribunal administratif a annulé la mesure d'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet de police fait valoir à bon droit que les circonstances que le fils de A... B... serait né en France en octobre 2011, qu'il avait atteint l'âge de neuf ans à la date de cette mesure, qu'il était régulièrement scolarisé, en classe de CM1, et qu'il avait " établi l'ensemble de ses repères (et) de ses attaches " en France, ne font pas obstacle à ce que cet enfant suive sa mère lors de son retour dans son pays. Ainsi, la mesure litigieuse n'a pas pour effet de le séparer de sa mère. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé cette mesure comme prise en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus.
5. Mme B... n'est par ailleurs, pour les motifs exposés au point 5 du jugement attaqué, pas fondée à soutenir que la mesure d'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance du 6°) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur.
6. Mme B... ne saurait enfin et en tout état de cause invoquer utilement les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issues de l'ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020 et de la loi n ° 2021-1109 du
24 août 2021, entrées en vigueur le 26 août 2021.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a pour partie annulé son arrêté du 7 octobre 2020.
Sur les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2018535/2-1 du Tribunal administratif de Paris du 16 mars 2021 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Célérier, président de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01981