Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 février 2017, le préfet du Val-de-Marne, représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 18 janvier 2017 en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français et le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions portant interdiction de retour et signalement au système d'information Schengen ; que les critères énumérés à l'article L. 511-1 III 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas cumulatifs ; que la mesure était justifiée eu égard aux éléments qu'il a pris en compte.
La requête a été communiquée à M.C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., de nationalité nigériane, né le 14 novembre 1979 à Lagos, est, selon ses déclarations, entré en France le 6 octobre 2009 ; qu'il a une première fois sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, suite au rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 8 avril 2010, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mai 2011, le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour par un arrêté du 4 octobre 2011 ; que M. C...a de nouveau sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 14 juin 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour et a fixé le pays de destination ; que le préfet du Val-de-Marne relève appel du jugement du 18 janvier 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé les décisions prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Melun :
2. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
3. Considérant que si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 précité, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie ; que le préfet du Val-de-Marne, qui ne s'est pas fondé sur les précédentes mesures d'éloignement dont M. C...aurait fait l'objet, ni sur la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, n'était pas tenu de mentionner expressément ces éléments qu'il n'a pas pris en compte dans son arrêté ; que, dès lors, cet arrêté n'est pas entaché
d'erreur de droit ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 14 juin 2016 en tant qu'il prononçait une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et signalait M. C...aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun contre ces décisions;
Sur les autres moyens soulevés par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun :
5. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, que le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de mentionner expressément les différents critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, la décision attaquée énonce les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. C...soutient qu'il a conclu, le 3 mars 2011, un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, et que leur vie commune n'a jamais cessé depuis cette date ; que toutefois, même s'il verse au dossier des factures et relevés bancaires mentionnant une adresse commune, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une enquête de police du 17 février 2016, que M. C...ne réside pas au domicile de sa partenaire ; qu'en outre, elle a affirmé vivre seule et voir rarement M.C... ; qu'ainsi, la communauté de vie ne peut être regardée comme effective ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris sa décision;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision contenue dans son arrêté du 14 juin 2016 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français ainsi que par voie de conséquence, celle signalant M. C...aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1605958 du 18 janvier 2017 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B...D...C....
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00651