2°) à la décharge de l'obligation de payer la somme de 225 161 910 F CFP résultant de ce titre exécutoire, outre une demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500610 du 20 décembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, a annulé le titre exécutoire et la décision susvisés en tant que la somme mise à la charge de la société Electricité de Tahiti est supérieure à 89 498 050F CFP, a déchargé la société requérante de l'obligation de payer la somme de 135 663 860F CFP, a mis à la charge de la Polynésie Française la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour:
Par une requête, enregistrée le 8 mars 2017, la société Electricité de Tahiti, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler le titre exécutoire et la décision implicite susvisés ;
3°) à titre principal, de la décharger de l'obligation de payer la somme totale restant à sa charge et résultant de ce titre exécutoire ;
4°) à titre subsidiaire, de la décharger de l'obligation de payer la somme restant à sa charge et résultant de ce titre exécutoire correspondant à la période antérieure au 22 août 2009 ;
5°) à titre plus subsidiaire, de la décharger de l'obligation de payer la somme restant à sa charge et résultant de ce titre exécutoire correspondant à la période antérieure au 1er janvier 2006 ;
6°) à titre encore plus subsidiaire, de la décharger de l'obligation de payer la somme restant à sa charge et résultant de ce titre exécutoire correspondant à la période antérieure au 19 février 2004 ;
7°) en tout état de cause, de réduire la somme mise à sa charge du fait de l'estimation à la baisse du volume d'eau pompé dans la nappe phréatique de la Punaruu ;
8°) de mettre à la charge de la Polynésie Française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en l'absence de procédure répressive de contravention de grande voirie, le titre exécutoire ne pouvait être fondé sur les dispositions de l'article 14 de la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004, mais seulement sur les dispositions de l'article 11 de la même délibération ;
- le titre exécutoire contesté méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs car il a été émis le 22 août 2014 sur le fondement de la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 pour réclamer des redevances remontant à l'année 1986 ;
- le titre exécutoire méconnaît l'avenant n° 7 à la convention du 27 septembre 1960 dont l'article 7 l'autorise à occuper gratuitement le domaine public ; en autorisant la construction des centrales, la Polynésie française a nécessairement autorisé la réalisation des forages pour le pompage de l'eau souterraine ; ainsi, la Polynésie française a méconnu ses engagements en lui réclamant l'indemnité contestée ;
- la prescription quinquennale lui était acquise, d'une part, car l'arrêté du 25 octobre 2011, dans la version qui lui a été notifiée, prévoyait expressément cette prescription, d'autre part, car, en tout état cause, l'article 2277 du code civil est bien applicable dans la mesure où, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la somme en cause est une créance payable par année ou terme périodique plus court ;
- par conséquent, les sommes antérieures au 22 août 2009 sont prescrites puisqu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription avant l'émission du titre litigieux le 22 août 2014 ; en tout état de cause, sont prescrites les sommes antérieures au 1er janvier 2006 ;
- il ressort de l'arrêté n° 1456 CM du 30 décembre 1992 que la société Brasserie de Tahiti est autorisée à exploiter des forages d'eau souterraine sans être soumise au paiement d'une redevance, de sorte que le titre exécutoire méconnaît le principe d'égalité ;
- l'administration l'a autorisée à exploiter les forages sans exiger d'autorisation d'occupation du domaine public ni de redevance, lui a accordé l'autorisation plus de 3 ans après le dépôt de la demande, lui a notifié un arrêté plus favorable que celui qui a été publié au journal officiel de la Polynésie française, comportements constitutifs de fautes ; si c'est à juste titre que le tribunal a retenu ces faits fautifs, c'est à tort qu'il a estimé que ces faits ne l'exonéraient de sa responsabilité qu'à hauteur d'un tiers ;
- le calcul retenu par l'administration est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte du développement très progressif de la centrale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2017, la Polynésie Française, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Electricité de Tahiti au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Electricité de Tahiti ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 ;
- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 ;
- l'arrêté n° 393 PR du 17 mai 2013 ;
- l'arrêté n° 3956 VP du 21 mai 2013 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que, par un arrêté du 25 octobre 2011, le président de la Polynésie française a autorisé la société Electricité de Tahiti (EDT), à titre de régularisation, à implanter sur le domaine public deux forages réalisés en 1986 et 1988, utilisés pour prélever l'eau de la nappe phréatique de la rivière Punaruu, afin d'assurer le refroidissement des groupes électrogènes de la centrale électrique E. Martin, moyennant une redevance forfaitaire de 15 F CFP par m3 d'eau utilisé ; que, par le titre exécutoire contesté du 22 août 2014, le ministre chargé des affaires foncières a mis à la charge de la société EDT une indemnité de 225 161 910 F CFP correspondant à la totalité des redevances dues en raison des volumes d'eau pompés de l'année 1986 à l'année 2011 ; que la société EDT a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant, dune part, à l'annulation de ce titre exécutoire du 22 août 2014, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 225 161 910 F CFP résultant de ce titre exécutoire, outre une demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par un jugement du 20 décembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, a annulé le titre exécutoire et la décision susvisés en tant que la somme mise à la charge de la société EDT est supérieure à 89 498 050F CFP, a déchargé la société requérante de l'obligation de payer la somme de 135 663 860F CFP, a mis à la charge de la Polynésie Française la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande ; que la société EDT relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation du titre exécutoire et de décharge de l'obligation de payer :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la délibération du 12 février 2004 susvisée portant composition et administration du domaine public en Polynésie française dans sa rédaction alors applicable : " (...) les occupations ou utilisations sans titre ni autorisation d'une dépendance du domaine public donnent lieu à recouvrement d'une indemnité dont le montant correspond à la totalité des redevances dont la Polynésie française a été frustrée, le tout sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie. " ; qu'il résulte de cette disposition qu'une indemnité peut être mise à la charge de l'occupant sans titre du domaine public indépendamment de la procédure de répression des contraventions de grande voirie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette procédure n'a pas été mise en oeuvre est inopérant ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'une personne publique est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ; que, par suite, alors même que le titre exécutoire contesté met à la charge de la société EDT une indemnité pour la période courant notamment de l'année 1986 au 12 février 2004, date de la délibération mentionnée ci-dessus, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que l'occupation du domaine public fluvial était antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions précitées de l'article 14 de ladite délibération du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
4. Considérant, en troisième lieu, que l'article 7 de l'avenant n° 7 à la convention de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti conclue entre la Polynésie française et la SA EDT, selon lequel " l'autorité concédante s'engage à laisser gratuitement à la disposition du concessionnaire les terrains sur lesquels sont établis les ouvrages déjà existants de la concession ", ne peut être interprété comme autorisant la SA EDT à prélever gratuitement l'eau du domaine public fluvial ; que la circonstance que la Polynésie française a autorisé l'exploitation de la centrale sans exiger de la SA EDT qu'elle dépose une demande d'autorisation d'occupation du domaine public et acquitte une redevance, est sans incidence sur le bien-fondé de l'indemnité réclamée par le titre exécutoire attaqué ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer même que la Polynésie française ait autorisé un tiers à prélever l'eau du domaine public fluvial de la Punaruu pour les besoins de son activité commerciale sans demander le paiement d'une redevance, un tel avantage illégalement consenti ne serait pas de nature à ouvrir droit, sur le fondement du principe d'égalité, à une occupation sans contrepartie de ce même domaine par la SA EDT, comme l'ont jugé à juste titre les premiers juges ;
6. Considérant, en cinquième lieu, que comme il a été jugé par l'arrêt de la Cour N° 15PA03105 en date du 23 mai 2016 et opposant les mêmes parties, le Gouvernement de la Polynésie française a décidé, par l'arrêté du 25 octobre 2011, de n'imposer le paiement d'une indemnité d'occupation du domaine public qu'à compter du 1er janvier 2006 ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'applicabilité des règles de prescription en la matière, la société EDT est fondée à demander la décharge des sommes mises à sa charge afférentes aux indemnités d'occupation du domaine public pour la période antérieure au 1er janvier 2006 ; qu'en revanche l'arrêté du 25 octobre 2011 étant lui-même un acte interruptif de prescription, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu avant le 22 août 2014 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander la décharge des indemnités dues à partir du 1er janvier 2006 ;
7. Considérant, en sixième lieu, que pour déterminer l'indemnité qu'elle entend réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public au titre de la période d'occupation irrégulière, la personne publique concernée doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public ; qu'en l'espèce, d'une part, il y a lieu de retenir le tarif de 15 F CFP par m3 d'eau utilisé fixé par l'arrêté de régularisation du 25 octobre 2011mentionné au point 1, tarif qui n'est d'ailleurs plus contesté par la société requérante ; que, d'autre part, s'agissant du volume d'eau prélevée, il y a lieu de se référer à une étude réalisée en août 2006 par la société polynésienne de l'eau, de l'électricité et des déchets (SPEED) à la demande de la SA EDT ; que sur la base de cette étude et en tenant compte de la mise en service ultérieure, en 2008, de deux groupes électrogènes supplémentaires, le volume total consommé doit être estimé à 572 906 m3 pour 2006, à 601 607 m3 en 2007, à 679 745 m3 en 2008, à 704 811 m3 en 2009, 729 877 m3 en 2010 et 754 943 m3 en 2011, soit au total pour ces six années un volume de 4 043 889 m3 ; que le montant de l'indemnité due pour cette période s'élève ainsi à 60 658 335 F CFP ;
8. Considérant, en dernier lieu, que le retard du Gouvernement de la Polynésie Française à régulariser la situation de la société EDT n'est pas de nature à l'exonérer même partiellement de sa responsabilité dans la mesure où, si la situation de la société EDT avait été régularisée plus tôt, elle aurait dû s'acquitter d'une redevance du même montant ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EDT est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie Française a rejeté le surplus de sa demande en tant qu'elle excédait la somme de 60 658 335 F CFP ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société EDT, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante à titre principal, une somme au titre des frais exposés par la Polynésie Française et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la Polynésie Française en application de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le titre exécutoire n° 2401 MLA du 22 août 2014, ensemble la décision implicite du rejet du recours gracieux de la SA EDT, sont annulés en tant que la somme mise à la charge de la SA EDT est supérieure à 60 658 335 F CFP.
Article 2 : La SA EDT est déchargée de l'obligation de payer la somme de 164 503 575 F CFP.
Article 3 : La Polynésie française versera à la SA EDT une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le jugement n° 1500610 du 20 décembre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la Polynésie Française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA EDT et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie Française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17PA00838