Par un jugement n° 2021553/3-2 du 29 mars 2021, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur son cas dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 29 mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif a fait droit au moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant afghan né le 1er mai 1990 à Kunduz (Afghanistan), entré en France le 19 juin 2018 selon ses déclarations, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 mars 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 30 novembre 2020, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police fait appel du jugement du 29 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Sur la requête du préfet de police :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article R. 723-19 de ce code : " I. - La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent (...) au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire (...) ".
3. Pour contester le jugement par lequel le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif a annulé son arrêté du 3 décembre 2020, le préfet de police se réfère aux mentions de la fiche " TELEMOFPRA " issue du système d'information de l'OFPRA, dont il ressort que le recours de M. D... n'a pas été rejeté par une ordonnance, mais par une décision de la CNDA lue en audience publique le 30 novembre 2020, à la suite d'une séance tenue le
23 novembre précédent. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que cette décision a, dès sa lecture en audience publique, mis fin au droit de M. D... de se maintenir sur le territoire français, et que le premier juge ne pouvait se fonder sur la circonstance que la même fiche " TELEMOFPRA " indique aussi que la notification de cette décision est " en attente ", pour estimer que l'arrêté en litige avait été pris en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. D...:
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté en litige :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-01003 du 23 novembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour et au bulletin officiel de la ville de Paris du 27 novembre 2020, le préfet de police a donné délégation à M. B... C..., attaché d'administration de l'État, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles la police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté.
6. En second lieu, si M. D... invoque son droit à être entendu, il ne nie pas l'avoir été dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile avant la décision du directeur général de l'OFPRA du 9 mars 2020 et avant la décision de la CNDA du 30 novembre 2020, mentionnées ci-dessus. Le moyen qu'il tire de violations de ce droit et de l'article 41, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut donc en tout état de cause qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté en litige :
7. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. D... n'aurait pas donné lieu à un examen complet de la part du préfet de police.
8. En deuxième lieu, si M. D... a entendu contester l'arrêté en litige en ce qu'il prescrirait son renvoi vers l'Italie, il ressort des termes de cet arrêté qu'il prévoit seulement qu'il pourra être " reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ". Ainsi, le moyen manque en fait.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. D... entend contester l'arrêté du préfet de police en ce qu'il prescrit son renvoi en Afghanistan, en faisant état de la situation générale dans ce pays, il n'établit y avoir été personnellement exposé à des risques de traitement contraire à ces stipulations, à la date de l'arrêté en litige. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a, au demeurant, été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Les moyens tirés d'une violation de ces stipulations ainsi que d'une erreur de fait et d'une erreur de droit doivent donc être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 décembre 2020, et à demander l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2021553/3-2 du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 29 mars 2021 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... E... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2021.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02104