Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2021, M. E..., représenté par Me Missolo, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 23 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour dénaturation des faits ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'incompétence; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle est illégale dès lors qu'elle n'a pas été précédée de son audition ; elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... sont infondés.
Par une décision du 26 février 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. E....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant arménien né le 16 octobre 1980, est entré en France le
27 juillet 2018 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 11 septembre 2019. Par un arrêté du 23 janvier 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de destination. M. E... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 11 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. E... soutient que le jugement attaqué est irrégulier car les premiers juges ont procédé à une dénaturation des faits qui leur étaient soumis. Toutefois, ce moyen relève du contrôle du juge de cassation, et non de celui du juge d'appel, et ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, par arrêté n°2019-00999 du 31 décembre 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris n°75-2019-452, le préfet de police a donné délégation à M. F... C... pour signer, tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables, dans la limite de ses attributions, dont relèvent les décisions de refus de titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté.
4 En deuxième lieu, la décision de refus de titre de séjour attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. [...] ".
6. Par un avis du 19 décembre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie et peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. E... souffre d'une maladie neurologique chronique. Il en ressort également qu'il nécessite un traitement médicamenteux quotidien et un suivi médical régulier en neurologie. Par une ordonnance en date du 15 octobre 2019, antérieure à la décision attaquée, il lui a été notamment prescrit du Levetiratecam 500mg et 250mg, du Quetiapine 50mg, de l'Agomelatine 25mg et du Bromazepam 6mg. Pour contester la disponibilité des soins rendus nécessaires par ses pathologies en Arménie, le requérant se prévaut d'un courrier daté du 15 janvier 2020 du " centre scientifique d'expertise en médicaments et en technologie médicale après académicien Emil Gabrielyan ", structure dont il ne précise pas la qualité. Par ailleurs, ce courrier indique seulement que ne sont pas importées en Arménie depuis le 1er janvier 2016 les spécialités suivantes : le Levetiratecam 750mg, le Quetiapine 50mg et 100mg, l'Agomelatine 250mg et le Bromazepam 6mg. Ainsi, il ne permet pas d'établir que ne seraient pas disponibles en Arménie, à la date de la décision attaquée, le Levetiratecam 500mg et 250mg et l'Agomelatine 25mg. En ce qui concerne les spécialités Quetiapine et Bromazepamn, ce courrier n'indique pas l'indisponibilité de ces médicaments sous une posologie différente, non plus que l'indisponibilité de médicaments contenant les mêmes principes actifs mais commercialisés par des laboratoires différents. Si le requérant se prévaut de certificats médicaux établis par les praticiens hospitaliers en charge de son suivi en France, les certificats, établis en 2019 et 2020, n'apportent aucune précision sur l'indisponibilité des soins nécessaires à son état de santé en Arménie. Ceux établis en 2018 mentionnent comme pays d'origine du requérant la République tchèque et non l'Arménie et sont donc dépourvus de toute valeur probante. Le nouveau certificat du docteur B... produit en appel en date du 20 janvier 2021 est postérieur à l'arrêté attaqué ; en tout état de cause, il se borne à reprendre l'information du " centre scientifique d'expertise en médicaments et en technologie médicale après académicien Emil Gabrielyan ", structure dont la qualité n'est toujours pas précisée. Il résulte de l'ensemble ce qui précède qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Arménie. M. E... n'est par suite pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander au tribunal l'annulation de la décision du préfet de police portant refus de titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sous 30 jours :
8. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ". En application de ces dispositions, la décision l'obligeant à quitter le territoire français dont est assortie la décision en date du 23 janvier 2020 portant refus de délivrer un titre de séjour à M. E..., dûment motivée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique.
9. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. En l'espèce, M. E... n'est présent en France que depuis juillet 2018, soit seulement un an et demi à la date de la décision attaquée. S'il se prévaut de la présence en France de son épouse, et de ses deux enfants mineurs, tous sont de nationalité arménienne et le requérant ne démontre, ni même n'allègue, que son épouse serait en situation régulière en France. En outre, le requérant ne démontre, ni même n'allègue, avoir tissé des liens d'une particulière intensité en France, a vécu jusqu'à ses 38 ans en Arménie et ne démontre pas être dénué de tout lien avec son pays d'origine. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision attaquée l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas méconnu son droit à mener une vie privée et familiale normale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander au tribunal l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité du requérant et précise que M. E... n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
14. Si M. E... soutient que le préfet aurait dû procéder à son audition au titre de l'article L. 513-2 précité, il ne ressort pas des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile non plus que d'aucun autre texte ou principe que le préfet était tenu de procéder à une telle audition préalablement à l'édiction de la décision fixant son pays de destination, laquelle a été édictée à la suite de la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé.
15. En troisième et dernier lieu, M. E... soutient qu'il encourt des risques de traitements cruels, inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie du fait de l'indisponibilité du traitement médical qui lui est nécessaire. Comme il a été dit au point 6, ce traitement est disponible en Arménie Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander au tribunal l'annulation de la décision du préfet de police fixant son pays de destination.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01851