Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2018, sous le N° 18PA03859, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 27 décembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 7 novembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que M. B... ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie ;
- il se réfère s'agissant des autres moyens soulevés devant le tribunal administratif, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2019, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale ", dans un délai de cinq jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et à ce que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, sous le N° 18PA04055, le préfet de police conclut aux mêmes fins que dans sa requête N° 18PA03859 par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est entré en France le 22 mars 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Sa demande a été rejetée le 14 décembre 2015. Ce refus a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 juillet 2016, qui a également ordonné le réexamen de sa demande. Saisi pour avis, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, le 29 janvier 2018, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé algérien, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le préfet de police a, par un arrêté du 16 avril 2018, de nouveau refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par M. B... sur le fondement du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Il fait appel du jugement du 7 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur la requête enregistrée sous le n° 18PA04055 :
2. La requête enregistrée sous le n° 18PA04055 constitue en réalité un double de la requête enregistrée sous le n° 18PA03859. Elle doit être rayée du registre du greffe de la Cour et jointe à la requête n° 18PA03859, sur laquelle il est statué par le présent arrêt.
Sur la requête n° 18PA03859 :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
4. Pour annuler l'arrêté du préfet de police du 16 avril 2018 comme intervenu en méconnaissance de ces stipulations, le tribunal administratif a relevé que M. B... est suivi et soigné en France pour des troubles psychiatriques et une épilepsie sévères depuis 2014, qu'il y suit un traitement composé de " Risperdal ", " Xanax ", " Effexor " et " Noctamide ", ponctuellement complété par du " Xanax " et d'autres médicaments, et que ce traitement est stabilisé depuis l'automne 2016. Le tribunal a également estimé que M. B... prouvait, par trois attestations, rédigées par un médecin et deux pharmaciens algériens, que le Noctamide n'est pas distribué en Algérie. Le tribunal a enfin relevé que, si le préfet de police soutenait qu'il existe en Algérie d'autres médicaments hypnotisants équivalents au Noctamide, en produisant un extrait de la liste des médicaments essentiels en Algérie publié au journal officiel de la République algérienne, M. B... faisait valoir, d'une part, qu'aucun de ces médicaments n'est composé de lormétazépam, principe actif du Noctamide, et, d'autre part, que son traitement est composé de quatre médicaments combinés et non de quatre médicaments séparés.
5. Contrairement à ce que le préfet de police soutient devant la Cour, les ordonnances de soins produites par M. B... mentionnent précisément les produits désignés dans le jugement du tribunal administratif, notamment le Noctamide. Il ne ressort pas de ces ordonnances et des autres pièces médicales produites par M. B... que le Noctamide ne s'intégrerait pas à un traitement combinant ce médicament et les autres produits désignés dans le jugement du tribunal. Si le préfet de police qui ne conteste pas l'indisponibilité du Noctamide en Algérie, persiste à soutenir qu'il pourrait être remplacé par des médicaments équivalents, il ne cite en exemple que le " Zopiclone " qui a cessé d'être prescrit à M. B....
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 avril 2018 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale.
Sur les conclusions de M. B... à fin d'injonction :
7. Les conclusions mentionnées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées, le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution.
Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A..., avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 18PA04055 seront rayées du registre du greffe de la Cour pour être jointes à la requête n° 18PA03859.
Article 2 : La requête n° 18PA03859 du préfet de police est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... B... et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. D..., président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.
Le rapporteur,
J-C. D...
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03859-18PA04055