Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 4 août 2017 par laquelle le directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a rejeté son recours gracieux contre la décision du 13 juin 2016 portant refus de lui accorder une bourse scolaire au bénéfice de six de ses enfants ;
3°) d'enjoindre au directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger de procéder au réexamen de son dossier de demande de bourse pour ses enfants ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, à verser à Me D..., sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le tribunal a, à tort, écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée alors qu'un refus de bourse entre dans le champ d'application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et que tant la décision du 4 août 2017 rejetant son recours gracieux que la décision du 13 juin 2016 ne sont pas suffisamment motivées ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a justifié de ses ressources par la production de ses feuilles d'impôt, qu'il a des revenus modestes, que la production de comptes d'exploitation ou de bilans de résultats n'est imposée par aucun texte et qu'il s'agit en l'espèce d'une formalité impossible dès lors qu'il tient lui-même sa comptabilité et ne dispose pas de tels documents.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, représenté par la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée est inopérant dès lors d'une part qu'il s'agit seulement d'une décision de rejet de son recours gracieux, et d'autre part que les décisions de refus de bourse n'ont pas à être motivées ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour l'AEFE.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 4 août 2017, le directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a rejeté le recours gracieux formé par M. A... à l'encontre de la décision du 13 juin 2016 opposant un refus à sa demande de bourse présentée au bénéfice de ses six enfants mineurs, scolarisés au lycée français Théodore Monod de Nouakchott au titre de l'année scolaire 2016-2017. M. A... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cette décision du 4 août 2017, mais les premiers juges ont rejeté sa demande par un jugement du 10 octobre 2018 dont il interjette appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 452-2 du code de l'éducation, l'AEFE " a pour objet : (...) / 5° D'accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d'enseignement français à l'étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération ". Aux termes de l'article D. 531-45 du même code : " Les bourses accordées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger en application des dispositions du 5° de l'article L. 452-2 sont proposées par des commissions locales instituées auprès des postes diplomatiques ou consulaires et attribuées après avis d'une commission nationale instituée auprès du directeur de l'agence ". Aux termes de l'article D. 531-46 de ce code : " Pour bénéficier des bourses scolaires à l'étranger, les élèves doivent : / 1° Être de nationalité française et inscrits ou en cours d'inscription au registre des Français établis hors de France de la circonscription consulaire dans laquelle ils ont leur résidence ; / 2° Fréquenter un des établissements figurant sur la liste arrêtée chaque année par le ministre chargé de l'éducation, le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de la coopération en application du 5° de l'article L. 452-2 ; / 3° Résider avec leur famille dans le pays où est situé l'établissement scolaire fréquenté ". L'article D. 531-48 de ce code précise : " Les commissions locales examinent et présentent à la commission nationale les demandes de bourses scolaires dont peuvent bénéficier les élèves français établis hors de France dans les conditions définies aux articles D. 531-45 et D. 531-46. Elles répartissent entre les bénéficiaires les crédits délégués par l'agence, dans le respect des critères généraux définis par des instructions spécifiques ". Enfin, aux termes de l'article D. 531-49 de ce code : " La commission locale peut demander à l'agence d'écarter un dossier de demande ou de suspendre le bénéfice d'une bourse en présence d'une déclaration inexacte de ressources des parents ou d'une fréquentation scolaire irrégulière injustifiée ".
3. Il résulte de ces dispositions que la loi n'a pas prévu de droit aux bourses scolaires pour les enfants français scolarisés à l'étranger qui rempliraient certaines conditions. Par ailleurs, sur le fondement des dispositions de l'article D. 531-48, la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger a adopté une instruction, en date du 14 décembre 2011, qui énonce les critères d'obtention des bourses scolaires par les familles des enfants mentionnés au 5° de l'article L. 452-2 du code de l'éducation et remplissant les conditions énoncées à l'article D. 531-46 du même code. Ce faisant, cette autorité, qu'aucun texte de nature législative ou réglementaire n'avait habilitée à adopter un acte réglementaire ayant un tel objet, a fixé des lignes directrices auxquelles il appartient aux commissions locales de l'agence de se référer, tout en pouvant y déroger lors de l'examen individuel de chaque demande si des considérations d'intérêt général ou les circonstances propres à chaque situation particulière le justifient. Dans ces conditions, l'instruction en cause a énoncé, à l'intention des commissions locales, des lignes directrices, sans fixer de norme à caractère général qui se serait imposée de manière impérative à ces commissions.
4. En vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent notamment être motivées les décisions administratives individuelles qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. Toutefois, ni l'article L. 452-2 du code de l'éducation, ni les articles D. 531-45 et suivants du même code, ni l'instruction prise par l'agence, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ne présente pas de caractère réglementaire, n'ont créé un droit aux bourses scolaires pour les enfants français scolarisés à l'étranger qui rempliraient certaines conditions. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. A..., l'AEFE n'était pas tenue de motiver les décisions refusant l'attribution de telles bourses. Par suite, M. A... ne peut utilement invoquer l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, alors surtout qu'il s'agit, en tout état de cause, d'une décision de rejet du recours gracieux formé contre la décision initiale du 13 juin 2016.
5. Par ailleurs, si l'instruction de la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, en date du 14 décembre 2011, énonce les critères d'obtention des bourses scolaires par les familles des enfants mentionnés au 5° de l'article L. 452-2 du code de l'éducation et remplissant les conditions énoncées à l'article D. 531-46 du même code, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que cette instruction, qui n'a pas de caractère règlementaire, s'est bornée à énoncer, à l'intention des commissions locales, des lignes directrices, auxquelles il peut être dérogé lors de l'examen individuel de chaque demande si des considérations d'intérêt général ou les circonstances propres à chaque situation particulière le justifient. De plus, le point 4.5.1 de cette instruction prévoit expressément que la commission est fondée " à exiger tout autre document qu'elle estimerait nécessaire à l'instruction spécifique d'un dossier " et son point 4.6.3.1dispose que : " Doivent conduire à une proposition de rejet : (...) - les déclarations inexactes ou incohérentes des familles ; - les dossiers incomplets (justificatifs) ". Dès lors, compte tenu de la liberté d'appréciation dont disposent ainsi les commissions, pour apprécier si les documents produits sont ou non suffisants pour leur permettre de calculer le revenu de l'auteur de la demande de bourse, M. A... ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait privée de base légale en ce qu'elle se fonderait sur l'absence dans son dossier de comptes d'exploitation ou de bilan comptable de son commerce, alors qu'aucune norme applicable n'imposerait la production de tels documents.
6. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'attribution des bourses sollicitées a été refusée à M. A... en raison du caractère insuffisant des justificatifs présentés à l'appui de ses demandes, permettant d'établir sa situation financière. Or, il est constant qu'il n'a fourni ni les comptes d'exploitation, ni le bilan de son entreprise visés par un comptable agréé, comme cela lui avait été expressément demandé dans le courrier du 11 mars 2016 en réponse à sa demande de bourse du 7 mars 2016. S'il fait valoir qu'il tient seul sa comptabilité et ne dispose pas de tels documents comptables, et que la production de ceux-ci aurait dès lors le caractère d'une formalité impossible, il lui appartenait du moins de produire tous éléments comptables autres, de nature à établir le montant de ses revenus, ce qu'il n'a pas fait. Par suite, l'AEFE a pu à bon droit et sans erreur manifeste d'appréciation estimer incomplètes les déclarations présentées dans les demandes de bourses litigieuses, et, pour ce seul motif, quelques soient les difficultés personnelles, notamment de santé, dont il fait état, légalement refuser d'accorder ces bourses, comme l'ont estimé à juste raison les premiers juges.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.
Le rapporteur,
M-I. E...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03967