Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée
+ le 10 juin 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 mai 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'état de santé de M. B...lui permet de voyager sans risque par transport aérien vers son pays d'origine ;
- il existe un traitement médical approprié en Mauritanie ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2017, M.B..., représenté par MeC..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre principal, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un carte de séjour d'un an dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) à ce que le versement de la somme de 1 800 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 2 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les observations de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me Atger, avocat de M.B....
1. Considérant que M. A...B..., ressortissant mauritanien, né le 31 décembre 1984 à Baidjam (Mauritanie), entré sur le territoire français le 10 août 2009, a été placé en garde à vue le 22 août 2015 pour usage de faux document administratif et tentative d'escroquerie ; que, par un arrêté du 23 août 2015 le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination au motif qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour et qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français ; qu'il fait appel du jugement du 17 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en lui enjoignant de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai de deux mois ;
2. Considérant que pour annuler l'arrêté du préfet de police, le tribunal administratif a relevé que l'état de santé de M. B...nécessitait un suivi médical dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une grande gravité et que le préfet de police n'apportait aucun élément tendant à remettre en cause la nécessité pour lui de se faire soigner en France ; qu'il a alors estimé que le préfet de police avait, dans ces conditions, méconnu l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre d'hypertension traitée par Aprovel et Cardensiel ; qu'en appel le préfet de police fait état de la présence, dans la liste des médicaments essentiels en Mauritanie, d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, le Captoril, dont les effets sont dans une large mesure comparables à ceux des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II dont fait partie l'Aprovel ; que si M. B...soutient souffrir aussi de problèmes rénaux, le préfet de police produit une documentation concernant les services d'urologie disponibles en Mauritanie ; qu'au demeurant, il ressort de deux comptes rendus de consultation de praticiens de l'APHP établis en décembre 2014 et mars 2015 que le bilan clinique de M. B...est normal tant au niveau artériel que rénal ; que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, consulté sur la demande de titre de séjour présentée par M.B..., a considéré dans son avis du 23 septembre 2014 que, si l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait néanmoins bénéficier d'un traitement approprié pour sa prise en charge médicale dans son pays d'origine, son état de santé s'étant stabilisé et lui permettant de voyager sans risque par transport aérien en Mauritanie ; que les certificats médicaux que M. B...produit sont trop imprécis et peu circonstanciés pour établir que l'appréciation portée par l'autorité administrative sur son état de santé serait erronée ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 23 août 2015 ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B...;
Sur les autres moyens de M.B... :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige a été signé par M. Philippe Tireloque, commissaire divisionnaire, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature régulièrement consentie par un arrêté du 20 juillet 2015 du préfet de police, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 juillet 2015 ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 23 août 2015 en litige vise les textes dont il est fait application, notamment l'article L. 511-1-I, 1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est notamment motivé par la circonstance que M. B...est dépourvu de passeport ou de titre de séjour en cours de validité et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ; qu'en outre, le préfet de police n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de la situation de M. B...; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de l'audition établi le 22 août 2015 par les services de police, que M.B..., qui se maintenait en toute connaissance de cause irrégulièrement en France et n'était pas sans savoir qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, a été entendu dans le cadre de sa garde à vue, et a été invité à faire valoir toutes les informations utiles concernant sa situation personnelle ; que, dans ces conditions, M.B..., qui ne soutient pas ne pas avoir été informé de la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre et qui n'a pas fait état devant les premiers juges de circonstances de droit ou de fait qui, si elles avaient été communiquées au préfet avant la signature de l'arrêté, auraient pu conduire ce dernier à retenir une appréciation différente des faits de l'espèce, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été effectivement privé de son droit d'être entendu avant l'adoption d'une décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que, si le préfet de police a retenu à tort que M. B... était dépourvu de document transfrontalier, il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision si M. B...avait présenté lors de son audition par les services de police son passeport non revêtu du visa requis par les dispositions des articles L. 211-1 et L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige, rappelée ci-dessus, que le préfet de police se serait estimé en situation de compétence liée ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
12. Considérant que, si M. B...soutient avoir fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France depuis son arrivée en août 2009, à l'âge de 25 ans, auprès de sa mère, titulaire d'un carte de résident en qualité de réfugiée, et de ses quatre demi-frères et soeurs, il ressort des pièces du dossier que sa mère est arrivée en France en 1990, qu'il a vécu éloigné de sa famille pendant près de vingt ans et qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que la décision en litige n'a donc pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ;
13. Considérant, en septième lieu, que la convocation adressée à la grand-mère de M. B..., l'avis de recherche le concernant dont l'authenticité est sujette à caution, et les éléments relatifs à son engagement politique lors des élections présidentielles de 2009, qu'il produit, sont insuffisants pour établir le caractère réel, personnel et actuel des craintes dont il fait état en cas de retour en Mauritanie ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ; que ses demandes tendant à bénéficier du statut de réfugié ont d'ailleurs été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ;
14. Considérant, enfin, qu'aucune des circonstances invoquées par M. B...ne permet de regarder la décision portant obligation de quitter le territoire français comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant, que les moyens dirigés contre la décision d'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception tirée de l'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions de M. B...dirigées contre la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être également écartée ;
16. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 à 13 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à raison des risques que M. B... encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, ne peuvent qu'être écartés ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 23 août 2015 ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 août 2015 ;
Sur les conclusions de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1520622/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 17 mai 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA01896 7