Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet 2014 et
4 mars 2015, la SARL "L'Autreagence la création est un état d'esprit", représentée par Me Cloris, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1211125 du 27 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'ordonner la restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts à son profit, au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts ;
- elle a réalisé de nouveaux produits ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête par des moyens contraires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la réclamation préalable ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Cloris, avocat de la société "L'Autreagence la création est un état d'esprit".
1. Considérant que la société "L'Autreagence la création est un état d'esprit" relève appel du jugement en date du 27 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2007 : " Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2008, 2009 et 2010 : " Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus (...) " ; qu'aux termes du III du même article : " Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas des dispositions précitées que les activités de prestation de service et celles conduisant à la production de biens meubles incorporels soient exclues du bénéfice du dispositif qu'elles instaurent ; que la finalité de l'activité n'est pas non plus un critère d'éligibilité prévu par le texte qui conditionne le bénéfice du crédit d'impôt uniquement à la nature de l'activité exercée ; qu'ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a retenu la circonstance tirée de ce que l'activité exercée consiste en la production de biens incorporels qui relève des prestations de service, ainsi que celle tirée de ce que la finalité de l'activité de conception de supports ne relève pas des arts graphiques dès lors que la société est une agence de publicité, pour retenir que son activité l'excluait du bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et plus précisément des exemples de produits réalisés par la société requérante, qu'elle conçoit des illustrations graphiques qui procèdent d'une recherche sur les couleurs, les matières, les formes et la typographie en vue de la réalisation de produits singuliers et originaux ; que l'activité de la société recouvre le métier de graphiste qui figure, en tant que métier lié aux arts graphiques, sur la liste des métiers de l'artisanat d'art fixée par l'arrêté du 12 décembre 2003 auquel renvoient les dispositions précitées du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que ces dernières dispositions, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 renvoient expressément à l'arrêté susvisé du 12 décembre 2003 qui, parmi les métiers de l'artisanat d'art qu'il énumère, mentionne, dans le domaine des arts graphiques, des activités réalisées par des prestataires ; que les compositions graphiques sont le produit, pour chacune d'entre elles, d'un travail de création original, nonobstant l'utilisation de techniques existantes ; qu'il résulte encore de l'instruction, que les salariés ont pour mission, pour la réalisation des produits publicitaires, de créer des produits totalement originaux, distincts des produits déjà existants sur le marché et distincts, pour l'essentiel, des créations antérieurement réalisées ; qu'ainsi, les produits graphiques réalisés, qui par leur apparence, caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs et forme, se distinguent de réalisations graphiques existantes doivent être regardés comme des nouveaux produits au sens des dispositions du 1° du I de l'article 244 quater O du code général des impôts et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code, interprétées à la lumière des dispositions de l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle ; que par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a retenu que son activité n'était pas éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au motif qu'elle ne réaliserait pas de nouveaux produits ;
5. Considérant, enfin, que la société requérante a produit les justificatifs nécessaires au calcul du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts ; que l'administration fiscale n'a pas contesté que les charges de personnel afférentes à l'activité d'infographie représentent au moins 30 % de la masse salariale totale tel que prévu au 1° du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que la condition prévue par le texte est ainsi suffisamment établie ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société "L'Autreagence la création est un état d'esprit" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le
Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société "L'Autreagence la création est un état d'esprit" et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 27 mai 2014 est annulé.
Article 2 : Les sommes de 40 763 euros au titre de l'année 2008, 35 428 euros au titre de l'année 2009 et 43 056 euros au titre de l'année 2010 sont restituées à la société " L'Autreagence la création est un état d'esprit ".
Article 3 : L'Etat versera à la société " l'Autreagence la création est un état d'esprit " une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société "l'Autreagence la création est un état d'esprit" et au ministre des finances et des comptes publics
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 mars 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA02993