Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2020 et le 3 juin 2021, M. B..., représenté par Me Qnia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 209842 du 30 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 17 septembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement de son signalement au fin de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience ;
- il est également irrégulier faute de prise en compte de sa note en délibéré ;
- les arrêtés contestés ont été signés par un signataire incompétent ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les objectifs de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les observations de Me Qnia, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 1er mars 1989, a été interpellé le 16 septembre 2020 et placé en garde-à-vue. Par deux arrêtés du 17 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. M. B... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B..., né le 1er mars 1989, justifie par la production d'un certificat de scolarité daté du 24 septembre 2020 être arrivé en France et y avoir été scolarisé à partir de 2003, avant d'être confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de quinze ans. Il a par ailleurs été titulaire d'une carte de résident valable du 6 février 2007 au 5 février 2017, et établit donc avoir résidé régulièrement sur le territoire français entre 2003 et 2017, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il est initialement entré en France dans le cadre d'un regroupement familial. Dès lors, M. B..., compte tenu de son jeune âge lors de son arrivée en France et de la durée de sa résidence régulière sur le territoire, est fondé à soutenir, en dépit des signalements de police dont il a fait l'objet, que l'arrêté du préfet du 17 septembre 2020, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, contraire aux stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de cette décision entraîne par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de destination ainsi que de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans et de celle portant assignation à résidence, qui en procèdent.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 septembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Eu égard à l'annulation prononcée par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. B... dans le système d'information Schengen.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 209842 du 30 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil et les arrêtés du 17 septembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission de M. B... dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03772