Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2018 et le 11 octobre 2019, M. F..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1621101/5-1 du 17 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2016 du ministre de l'intérieur ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du Tribunal est irrégulier ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- il devait être informé en temps utile de la circonstance qu'une procédure disciplinaire était ouverte à son encontre afin de pouvoir consulter son dossier et présenter des observations ;
- les félicitations qui lui ont été adressées ainsi que ses évaluations ne figuraient pas dans son dossier ;
- il n'est pas établi que le conseil de discipline était composé uniquement de représentants de son grade ou du grade immédiatement supérieur ;
- il n'est pas établi que le conseil de discipline comportait un nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel ;
- il n'est pas établi que les membres de ce conseil, qui doivent se prononcer de manière impartiale, ont été régulièrement nommés ;
- il n'est pas établi que la participation des membres suppléants était régulière ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- l'administration s'est estimée liée, à tort, par l'avis du conseil de discipline ;
- il n'a pas commis de faute passible de sanction ;
- les faits qui lui sont reprochés s'expliquent par son état psychologique ;
- la sanction est disproportionnée eu égard aux faits en cause et à son état psychologique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. F... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982,
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004,
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005,
- l'arrêté du ministre de l'intérieur du 12 août 2013 relatif aux missions et à l'organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale,
- l'arrêté du ministre de l'intérieur du 23 septembre 2014 instituant les commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale,
- l'arrêté du ministre de l'intérieur du 15 janvier 2016 portant dispositions relatives à la mise en place du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur de la zone de défense et de sécurité de Paris,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 27 septembre 2016, le ministre de l'intérieur a prononcé à l'encontre de M. F..., gardien de la paix affecté à la compagnie d'intervention de Seine-Saint-Denis, la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de quinze jours avec sursis. M. F... relève appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée aux moyens que M. F... avait fait valoir devant le Tribunal administratif de Paris est sans incidence sur la régularité du jugement. Il s'ensuit que M. F... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 27 septembre 2016 :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre [...] et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs [...] ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 12 août 2013 : " La sous-direction de l'administration des ressources humaines comprend : / [...] - le bureau des gradés et gardiens de la paix ; / [...] / Avec les services déconcentrés, elle assure la gestion administrative des personnels, la procédure disciplinaire, la répartition des agents dans les services et l'organisation et la gestion de la réserve civile de la police nationale ".
4. M. C... D..., signataire de l'arrêté contesté, nommé sous-directeur de l'administration des ressources humaines au sein de la direction des ressources et des compétences de la police nationale à l'administration centrale du ministère de l'intérieur par un arrêté du 1er septembre 2014, régulièrement publié au Journal officiel de la République française le 3 septembre 2014, bénéficie, en cette qualité, de la délégation accordée aux sous-directeurs d'administration centrale par les dispositions du 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, pour signer, au nom du ministre dont ils relèvent, l'ensemble des actes relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. Or, il résulte des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 12 août 2013 que la sous-direction de l'administration des ressources humaines du ministère de l'intérieur assure notamment la gestion administrative des personnels ainsi que la procédure disciplinaire. Il en résulte que M. D... avait compétence pour signer l'arrêté du 27 septembre 2016 infligeant une sanction disciplinaire à M. F.... Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " [...] Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ". Aux termes de l'article 19 de cette loi : " [...] Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier [...] ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., après avoir été destinataire d'un courrier daté du 10 mai 2016 l'informant qu'il était susceptible de faire l'objet de l'une des sanctions prévues à l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984, le convoquant devant le conseil de discipline le 15 juin 2016, et lui notifiant ses droits dans le cadre de la procédure disciplinaire, parmi lesquels celui d'obtenir la communication de son dossier, a consulté ce dossier le 31 mai 2016, comme en atteste le formulaire signé par ses soins. Ainsi, M. F..., qui a été mis à même de consulter son dossier en temps utile, ne saurait soutenir que les droits de la défense ont été méconnus. Par ailleurs, la seule circonstance que des lettres de félicitations et des évaluations de M. F... ne figuraient pas parmi les pièces de son dossier est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que ces documents sont sans relation avec les griefs reprochés à l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires, comprenant, en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. [...] / Ces commissions sont consultées sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent ". Aux termes de l'article 67 de la même loi : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline [...] ". Aux termes de l'article 5 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants ". Aux termes de l'article 35 du même décret : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer ". Aux termes de l'article 34 de ce décret, les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte lorsqu'elles sont saisies de questions résultant de l'application, notamment, de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984.
8. Il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, le 15 juin 2016, que sept brigadiers de police ainsi que six gardiens de la paix ont siégé, au titre des représentants du personnel, avec voix délibérative. Ainsi, et conformément aux dispositions précitées de l'article 35 du décret du 28 mai 1982, les représentants du personnel ayant délibéré sur le cas de M. F... appartenaient soit à son grade, à savoir celui de gardien de la paix, soit à un grade immédiatement supérieur, à savoir, en vertu de l'article 3 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, le grade de brigadier de police. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de la commission administrative paritaire qu'elle comprenait autant de représentants du personnel que de représentants de l'administration. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la participation des membres suppléants aurait été irrégulière, le moyen tiré de la composition irrégulière du conseil de discipline doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 23 septembre 2014 : " Il est institué auprès du préfet de police : / - une commission administrative paritaire interdépartementale compétente à l'égard des personnels du corps d'encadrement et d'application de la police nationale affectés dans les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ; / - une commission administrative paritaire interdépartementale compétente à l'égard des personnels du corps d'encadrement et d'application de la police nationale affectés dans les départements de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne, du Val-d'Oise et au sein des services de la police aux frontières des directions des aérodromes de Roissy, du Bourget et d'Orly ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 15 janvier 2016 : " Les commissions administratives paritaires interdépartementales instituées par l'article 3 de l'arrêté du 23 septembre 2014 susvisé demeurent compétentes, dans la limite de leurs attributions, jusqu'au renouvellement général suivant. Le mandat des membres de ces instances est maintenu pour la même période ". Aux termes de l'article 2 de ce même arrêté : " Durant cette période, les instances mentionnées à l'article 1er du présent arrêté siègent en formation conjointe sous la présidence du préfet de police ".
10. Si M. F... soutient que les membres du conseil de discipline n'auraient pas été régulièrement nommés, il ressort d'arrêtés du préfet de police en date du 4 mai 2016, du 10 mai 2016 et du 8 juin 2016, que l'ensemble des agents, titulaires comme suppléants, ayant délibéré sur son cas - sans entacher leur appréciation de partialité - avaient été régulièrement nommés, soit en qualité de représentants de l'administration, soit en qualité de représentants du personnel, pour siéger dans l'une des deux commissions administratives paritaires interdépartementales compétente à l'égard des personnels du corps d'encadrement et de la police nationale de la préfecture de police, lesquelles commissions interdépartementales siégeaient, à la date du conseil de discipline, en formation conjointe, en application de l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 15 janvier 2016. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. En premier lieu, l'arrêté contesté relève que " le 18 avril 2015, hors service, M. F... essayait un tee-shirt dans un magasin de sport à Croissy-Beaucourg [...] et franchissait les caisses sans en acquitter le prix ", qu'il " était interpellé par les vigiles du magasin qui faisaient appel aux services de police ", que " lors de ses auditions au commissariat, M. F... ne mentionnait pas sa qualité de policier aux enquêteurs et ne reconnaissait que difficilement et confusément les faits reprochés ", et que " la matérialité des faits fautifs a été établie par l'autorité judiciaire ". L'arrêté attaqué indique également que " par son comportement malhonnête, M. F... a manqué à ses obligations statutaires et déontologiques, notamment d'exemplarité et de probité " et qu' " il a porté atteinte au crédit et au renom de la police nationale ". Ces faits, dont M. F... ne conteste pas la matérialité, constituent des manquements aux obligations incombant à l'intéressé en sa qualité de gardien de la paix. Si M. F... soutient que les faits qui lui sont reprochés ne pouvaient faire l'objet d'une sanction eu égard à son état psychologique, en se prévalant, notamment, du rapport de l'expert mandaté par le Tribunal de grande instance de Meaux dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre, lequel indique que " le sujet doit être considéré comme étant atteint, au moment des faits, d'un trouble neuropsychique qui a très sévèrement altéré son discernement ", il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes mêmes de ce rapport, que ces difficultés psychologiques auraient été de nature à priver M. F... de tout discernement et à le faire regarder comme irresponsable, alors d'ailleurs que l'intéressé a été reconnu coupable des faits de vol, en cause dans l'arrêté contesté, par un jugement du Tribunal correctionnel de Meaux en date du 5 janvier 2016, comme l'indique l'extrait de décision pénale produit par l'intéressé. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'intérieur lui a infligé une sanction pour des faits dont il n'aurait pas été responsable.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire [...] ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours [...] ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
13. Eu égard aux faits reprochés à M. F... et aux manquements ainsi commis aux obligations lui incombant en sa qualité de gardien de la paix, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant d'exclure l'intéressé quinze jours avec sursis alors même que ce dernier faisait état de son état psychologique ainsi que d'une carrière marquée par de bons états de service.
14. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur, qui a procédé à un examen approfondi de la situation de M. F..., se serait estimé lié par l'avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
Le rapporteur,
K. E... Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA02288 2