Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2019 et le 3 septembre 2019, Mme C... E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800111 du 27 novembre 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2018 la titularisant dans le cadre d'emplois des ingénieurs à la direction de l'équipement, en tant qu'il la classe au 2ème échelon du grade avec une ancienneté conservée de 3 mois ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française de procéder à son reclassement à un échelon supérieur ou égal au 4ème échelon d'ingénieur subdivisionnaire avec une ancienneté conservée de 20 mois à la date du 2 janvier 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 000 FCP par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à la Polynésie française de procéder à la reconstitution de sa carrière et de procéder aux rappels de rémunération en découlant ;
5°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 200 000 FCP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 11 janvier 2017 la nommant stagiaire n'a procédé à aucun classement et a seulement fixé sa rémunération au 1er échelon du grade de recrutement de son cadre d'emploi, par application de l'article 10 de la délibération n° 98-188 APF du 19 novembre 1998 ;
- seul l'arrêté de titularisation du 19 janvier 2018 a procédé à son classement ;
- cet arrêté méconnaît l'article 9 de la délibération n° 95-230 AT du 14 décembre 1995, en déterminant son classement et sa reprise d'ancienneté non pas à la date de sa nomination comme stagiaire, mais à la date de sa titularisation ;
- elle était donc recevable à contester ce classement arrêté seulement le 19 janvier 2018 ;
- l'article 13 de la délibération n° 95-230 AT du 14 décembre 1995 et l'article 2 de l'arrêté n° 887 CM du 7 juillet 2016 dont il a été fait application pour calculer sa reprise d'ancienneté instaurent une rupture d'égalité illégale entre les agents qui ont eu une activité d'architecte libérale et ceux qui l'ont exercée en tant que salariés ;
- la discrimination entre salariés et libéraux est sans rapport avec l'objet du texte sur la reprise d'ancienneté qui l'a établie ;
- l'arrêté n° 887 CM du 7 juillet 2016 a illégalement ajouté une condition de salariat non prévue par la délibération n° 95-230 pour la reprise d'ancienneté ;
- elle a droit à la prise en compte, pour son reclassement, de 12 ans et 4 mois d'activité d'architecte et à être reclassée, par suite, au moins au 4ème échelon d'ingénieur subdivisionnaire avec une ancienneté conservée de 20 mois à la date du 2 janvier 2018.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 avril 2019 et 10 mars 2020, la Polynésie française, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de Mme C... E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à un rappel de rémunération sont irrecevables faute de demande préalable liant le contentieux ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-230 AT du 14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- la délibération n° 2016-24 APF du 24 mars 2016 portant modification des règles relatives à la reprise d'ancienneté des attachés d'administration, des ingénieurs et des techniciens de la fonction publique de la Polynésie française ;
- l'arrêté n° 887 CM du 7 juillet 2016 fixant la liste des professions prises en compte pour la reprise d'ancienneté dans les cadres d'emplois des attachés d'administration, des ingénieurs et des techniciens de la fonction publique de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E... ayant été admise en 2016 au concours externe d'ingénieur de la Polynésie française, elle a été nommée stagiaire par arrêté du 11 janvier 2017 et titularisée dans ce corps par arrêté du 19 janvier 2018. Elle a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2018, en tant que son article 2 ne tient pas compte, pour son reclassement, de ses années d'activité exercées en qualité d'architecte libérale entre 2004 et 2016. Elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal a rejeté sa requête comme étant irrecevable.
Sur la régularité du jugement :
2. La requête présentée par Mme C... E..., qui tendait à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 19 janvier 2018 la reclassant au 2ème échelon du grade d'ingénieur subdivisionnaire avec une ancienneté conservée de trois mois, a été enregistrée le 29 mars 2018, dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêté intervenue, en mains propres, le 30 janvier 2018. La tardiveté d'une requête s'appréciant au regard de ses conclusions, le Tribunal ne pouvait la rejeter comme étant tardive au motif que la critique des modalités de son reclassement qu'elle comportait aurait dû être dirigée contre l'arrêté du 11 janvier 2017 la nommant stagiaire. Mme C... E... est dès lors fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande comme étant tardive, les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'irrégularité, et à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme C... E....
Sur la légalité de la décision attaquée :
4. Aux termes de l'article 13 de la délibération n° 95-230 du 14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs de la fonction publique du territoire de la Polynésie française : " Les personnes qui justifient de l'exercice d'une ou plusieurs activités professionnelles accomplies sous un régime juridique autre que celui d'agent public, dans des fonctions et domaines d'activités susceptibles d'être rapprochés de ceux dans lesquels exercent les fonctionnaires relevant du cadre d'emplois des ingénieurs sont classés à un échelon déterminé en prenant en compte la moitié, dans la limite de sept années, de cette durée totale d'activité professionnelle. Un arrêté pris en conseil des ministres précise la liste des professions prises en compte et les conditions d'application du présent article. ". L'article 9 de la même délibération précise que : " Les ingénieurs subdivisionnaires stagiaires sont classés au 1er échelon du grade d'ingénieur subdivisionnaire. Néanmoins, les ingénieurs subdivisionnaires stagiaires qui peuvent bénéficier d'une reprise d'ancienneté en application des articles 10 à 13 de la présente délibération, sont classés dans un échelon du grade d'ingénieur subdivisionnaire déterminé sur la base des durées maximales pour chaque avancement d'échelon. Le classement est prononcé à la date de nomination dans le cadre d'emplois / (...). La situation et les périodes d'activité antérieures prises en compte pour le classement en application des articles 10 à 13 bis s'apprécient à la date à laquelle intervient le classement (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que la prise en compte, en application des dispositions de l'article 13 précité de la délibération du 14 décembre 1995, de l'activité professionnelle d'architecte exercée par Mme C... E... antérieurement à sa réussite au concours devait intervenir à la date de sa nomination dans le cadre d'emplois des ingénieurs subdivisionnaires, c'est à dire lors de sa nomination en qualité d'ingénieur stagiaire par l'arrêté du 11 janvier 2017.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'article 2 de l'arrêté du 11 janvier 2017, qui dispose que M. C... E... est rémunérée pendant la durée de son stage sur la base de l'indice afférent au 1er échelon du grade d'ingénieur subdivisionnaire, mentionne que cette rémunération est fixée en application des articles 9 et 13 précités de la délibération du 14 décembre 1995. Il a, dès lors, implicitement mais nécessairement refusé de prendre en compte l'activité d'architecte exercée par Mme C... E... sous le statut libéral pour ne retenir que la moitié des six mois d'activité exercée en qualité de salariée entre le 1er septembre 2004 et le 12 mars 2005, ainsi que Mme C... E... en avait été informée par courriers électroniques des 20 et 22 décembre 2016 en réponse à sa demande du 21 décembre 2016.
7. Cet arrêté du 11 janvier 2017, régulièrement notifié le 16 janvier 2017 avec mention des voies et délais de recours applicables, étant devenu définitif le 17 mars 2017, Mme C... E... ne peut utilement exciper de son illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre l'article 2 de l'arrêté du 19 janvier 2018.
8. Par ailleurs, si Mme C... E... excipe, à l'appui de sa requête, de l'illégalité de l'article 2 de l'arrêté n° 887 CM du 7 juillet 2016 qui fixe la liste des professions prises en compte pour la reprise d'ancienneté, et de l'article 13 de la délibération précitée du 14 décembre 1995, il résulte de ce qui précède que la décision du 19 janvier 2018 dont elle demande l'annulation n'a pas été prise en application de ces dispositions, dès lors qu'elle ne procède pas à la reprise d'ancienneté au titre de ses activités antérieures mais qu'elle se borne à tirer les conséquences de son ancienneté acquise en qualité d'ingénieur stagiaire. Ces exceptions d'illégalité ne peuvent dès lors qu'être écartées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 19 janvier 2018 par lequel elle a été titularisée dans le corps des ingénieurs de la Polynésie française. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... E... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... E... le versement de la somme que la Polynésie française demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800111 du 27 novembre 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... E... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... E... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00809