Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 11 octobre et 15 novembre 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912703/8 du 20 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il annule l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français de
M. B... pour une durée de trente-six mois ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de cette décision.
Il soutient que :
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a été mis à exécution le 28 juin 2019 ;
- le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public ;
- M. B... étant célibataire sans enfant et ne justifiant d'aucune intégration, ni d'aucune circonstance rendant nécessaire ou indispensable sa présence en France pendant trente-six mois, la décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... sont infondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 23 février 1990, entré en France en 2014 selon ses déclarations, a été interpellé le 7 juin 2019 par les services de police pour vol avec violence. Par arrêté du 11 juin 2019, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de renvoi, puis, par un second arrêté du même jour, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. Par jugement du 20 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de trente-six mois et rejeté le surplus des conclusions de M. B.... Le préfet de police relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :
2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France à l'âge de 24 ans et qu'il y réside en situation irrégulière. S'il y a suivi des études, il est constant qu'il n'a jamais exercé de profession régulière et qu'il était, à la date de la décision attaqué, célibataire sans enfant. Dans ces conditions la circonstance que sa mère, qui n'habite pas dans la même région que lui, réside régulièrement en France avec son époux de nationalité française ne suffit pas à faire regarder la décision d'interdiction de retour sur le territoire français comme portant une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. B.... Le préfet de police est dans ces conditions fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré de la violation de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler cette décision.
5. Toutefois il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français :
6. En premier lieu la décision attaquée a été signée par Mme D... E..., qui disposait d'une délégation à cet effet, par arrêté du préfet de police en date du 17 avril 2019, publié le lendemain au recueil des actes administratif spécial de la préfecture de Paris. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque donc en fait.
7. En second lieu la décision attaquée mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application et comporte l'énoncé des circonstances de fait, propres à la situation de M. B..., qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 juin 2019 prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1912703/8 du 20 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté du 11 juin 2019 prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme C..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03167