Procédure devant la Cour :
I- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17PA03082 le 13 septembre 2017 et le 25 janvier 2018, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA ;
3°) de mettre à la charge du syndicat national des pilotes de ligne France ALPA la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA n'a pas d'intérêt à agir, dès lors que la décision attaquée ne porte pas atteinte aux intérêts collectifs de ses membres et que son objet statutaire ne saurait l'autoriser à contester toute décision dans le domaine aéronautique qui pourrait avoir des effets sur la sécurité, a fortiori quand le territoire et les Etats de l'Union européenne ne sont pas concernés ;
- la dérogation accordée, alors même qu'elle a un caractère répété et une durée de sept mois, ne méconnaît pas les critères de l'article 14.4 du règlement (CE) n° 216/2008, dès lors que ces circonstances sont prévues à la deuxième phrase de cet article et qu'une notification aux autorités européennes et aux autres Etats membres a été effectuée ;
- la situation de circonstance ou nécessité opérationnelle urgente et imprévue est avérée et résulte de ce que la modification règlementaire du règlement (UE) n° 1178/2011 n'a pas encore eu lieu ;
- l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a, par sa recommandation du 13 décembre 2016, conclu que la dérogation était conforme aux conditions posées par l'article 14 § 4 et 5 du règlement (CE) n° 216/2008 ;
- la dérogation accordée n'est pas préjudiciable au niveau de sécurité dès lors que les licences délivrées par le Canada aux pilotes de B737 satisfont aux normes de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) et que la décision attaquée impose des prescriptions supplémentaires de nature à constituer des équivalents de sécurité ;
- les conclusions de première instance du syndicat national des pilotes de ligne France ALPA dirigées contre la recommandation de l'AESA en tant qu'elle procèderait d'un détournement de procédure ainsi que celles à fin de transmission d'une question préjudicielle à la Cour de Justice européenne sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, représenté par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17PA03088 le 14 septembre 2017 et le 30 janvier 2018, la société Air Transat, représentée par Me E..., Me D... et MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA ;
3°) de mettre à la charge du syndicat national des pilotes de ligne France ALPA la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA n'a pas intérêt à agir, dès lors que la décision attaquée ne porte pas atteinte aux intérêts collectifs de ses membres, qu'elle n'affecte pas son ressort géographique, que les pilotes en possession d'une licence française n'ont pas vocation à piloter les appareils loués par la compagnie Air Transat et que cet intérêt ne peut se déduire de la seule qualité de membre du conseil du personnel navigant ;
- la dérogation accordée n'est pas préjudiciable au niveau de sécurité dès lors que les licences délivrées par le Canada aux pilotes de B737 satisfont aux normes de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI), que la société Air Transat a fourni des éléments établissant la parfaite conformité des licences canadiennes aux exigences européennes de sécurité aérienne et qu'en tout état de cause, la décision litigieuse impose des prescriptions supplémentaires dans les rares hypothèses où les pilotes ne satisferaient pas aux exigences du règlement (UE) n° 1178/2011 ;
- la dérogation accordée, validée par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), constitue une nécessité opérationnelle pour la compagnie Air Transat en raison de l'absence d'un accord bilatéral entre la France et le Canada pris en application de l'article 83 bis de la convention de Chicago ;
- la durée de la nécessité opérationnelle est bien limitée au sens de l'article 14.4 du règlement (CE) n° 216/2008 ;
- le principe de l'octroi de dérogations successives est légal, dès lors notamment que la procédure d'adoption et de notification a été respectée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, représenté par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Air Transat d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 ;
- le règlement (CE) n° 216/2008 du parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 ;
- le règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- les observations de Me B...pour le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire,
- et les observations de Me E...pour la société Air Transat.
Une note en délibéré dans chacune des deux instances précitées, enregistrée le 13 novembre 2018, a été présentée pour le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Les requêtes susvisées n° 17PA03082 et n° 17PA03088 sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu, par suite, de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Par une décision du 21 octobre 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a décidé la validation, jusqu'au 15 mai 2017, des licences canadiennes des pilotes de la compagnie Air Transat, afin de les autoriser à exercer leurs fonctions à bord de six appareils de type B737NG appartenant à la compagnie Transavia France, filiale de Air France, et mis par cette dernière à la disposition de la compagnie canadienne pendant la période hivernale dans le cadre d'un contrat de location conclu en septembre 2013 dit de " coque nue ", à savoir sans membres d'équipage. Par la même décision, l'autorité précitée a reconnu les titres des membres d'équipage de cabine de la compagnie Air Transat pour exercer leurs fonctions à bord de ces aéronefs. Le ministre de la transition écologique et solidaire et la société Air Transat relèvent appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, sur la demande du syndicat national des pilotes de ligne France ALPA, annulé cette décision.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. D'une part, aux termes de l'article 4 du règlement (CE) 216/2008 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile : " 1. Les aéronefs, y compris tout produit, pièce et équipement installé, qui sont : (...) b) immatriculés dans un État membre... satisfont au présent règlement. / 2. Le personnel prenant part à l'exploitation des aéronefs visés au paragraphe 1, point b), c) ou d), satisfait aux exigences du présent règlement ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " 1. Les pilotes participant à l'exploitation des aéronefs visés à l'article 4, paragraphe 1, points b) et c)(...) satisfont aux exigences essentielles pertinentes définies à l'annexe III ". Aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n° 1178/2011, pris pour l'application du règlement (CE) n° 216/2008 : " 1. Sans préjudice de l'article 12 du règlement (CE) n° 216/2008, et en l'absence d'accords conclus entre l'Union et un pays tiers sur l'octroi des licences de pilote, les États membres peuvent accepter les licences de pays tiers, ainsi que les certificats médicaux associés délivrés par des pays tiers ou en leur nom, conformément aux dispositions de l'annexe III du présent règlement. (...). Et l'article A de l'annexe III du règlement (UE) n° 1178/2011 dispose : " Une licence de pilote délivrée conformément aux exigences de l'annexe 1 de la convention de Chicago par un pays tiers peut être validée par l'autorité compétente d'un État membre (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 14 du règlement (CE) 216/2008 : " 4. Un État membre peut accorder des dérogations aux exigences de fond précisées dans le présent règlement et dans ses règles de mise en oeuvre, en cas de circonstances opérationnelles ou de nécessités opérationnelles imprévues et urgentes d'une durée limitée, pour autant que ces dérogations ne soient pas préjudiciables au niveau de sécurité. Ces dérogations sont notifiées à l'Agence, à la Commission et aux autres États membres dès qu'elles acquièrent un caractère répété ou lorsqu'elles sont accordées pour des périodes d'une durée supérieure à deux mois. / 5. L'Agence évalue si les dérogations notifiées par un État membre sont moins restrictives que les dispositions communautaires applicables et, dans un délai d'un mois après avoir reçu une notification, elle émet une recommandation(...) indiquant si ces dérogations sont conformes aux objectifs généraux en matière de sécurité prévus par le présent règlement ou par toute autre disposition du droit communautaire ".
5. Il résulte des dispositions qui précèdent que les personnels prenant part à l'exploitation des aéronefs immatriculés dans un Etat membre de l'Union européenne doivent satisfaire aux exigences fixées par l'annexe III du règlement (CE) n° 216/2008. En ce qui concerne notamment les pilotes opérant sur de tels aéronefs et titulaires d'une licence délivrée par un pays tiers, celle-ci peut être validée conformément à l'annexe III du règlement (UE) n° 1178/2011. Toutefois, l'article 14.4 du règlement (CE) 216/2008 permet aux Etats membres de déroger à ces dispositions, en cas de circonstances opérationnelles ou de nécessités opérationnelles imprévues et urgentes d'une durée limitée, pour autant que ces dérogations ne soient pas préjudiciables au niveau de sécurité.
6. Il ressort des pièces du dossier que, aux fins d'exécuter le contrat de location saisonnière " coque nue " conclu en septembre 2013 avec la compagnie Transavia France, la compagnie Air Transat a demandé au ministre chargé de l'aviation civile, à quatre reprises depuis fin 2013, de valider les licences canadiennes de ses pilotes, lesquelles ne satisfont pas, pour certains d'entre eux, aux conditions fixées à l'annexe III du règlement (UE) n° 1178/2011, concernant spécifiquement le nombre d'heures de vol, les certificats médicaux requis ou les compétences linguistiques. Pour répondre à ces demandes, le ministre chargé de l'aviation civile a pris, depuis 2014, quatre décisions de validation successives desdites licences, constitutives de dérogations prises sur le fondement de l'article 14.4 du règlement (CE) n° 216/2008. Le ministre chargé de l'aviation civile a justifié ces dérogations par le fait qu'au regard des contraintes de conformité à l'annexe III précitée imposées à la compagnie Air Transat ainsi que des difficultés de mise en oeuvre d'un accord bilatéral avec les autorités canadiennes, tant sur la base de l'article 83 bis de la convention de Chicago que sur celle de l'annexe III du règlement (UE) n° 1178/2011, les pilotes de la compagnie Air Transat n'étaient toujours pas en mesure de répondre aux exigences de ladite annexe III avant le début de l'exploitation à venir des appareils. L'autorité ministérielle a également motivé cette nouvelle dérogation par le fait que l'AESA, organisme chargé de mettre en oeuvre et contrôler l'application des règles de sécurité en matière de transport aérien au sein de l'Union Européenne avait, peu de temps auparavant, " informé les autorités des Etats membres de son intention de proposer une évolution règlementaire pour prendre en compte le cas très particulier des pilotes des pays tiers agissant sur aéronefs immatriculés en Europe mais dans le cas d'exploitation hors Europe ", ladite dérogation étant soumise à la Commission européenne " dans l'attente de cette évolution règlementaire ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la dérogation notifiée par les autorités françaises le 8 novembre 2016, dont l'AESA a, par sa recommandation en date du 13 décembre 2016, indiqué qu'elle était conforme aux dispositions de l'article 14.4 du règlement (CE) n° 216/2008, doit être regardée, malgré son caractère répété et sa durée de près de 7 mois, comme répondant à des circonstances opérationnelles ou des nécessités opérationnelles imprévues et urgentes d'une durée limitée. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a considéré que les conditions d'imprévision et d'urgence requises en cas de circonstances opérationnelles ainsi que le critère de durée limitée au regard d'une nécessité opérationnelle n'étaient pas remplis au sens des dispositions du 4. de l'article 14 du règlement (CE) n° 216/2008.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire et la société Air Transat sont fondés à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 21 octobre 2016 du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, le Tribunal administratif de Paris s est fonde sur ce motif.
9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA :
10. Aux termes de l'article L. 6511-11 du code des transports : " Le personnel navigant est soumis au présent titre et aux dispositions du règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne, et abrogeant la directive 91/670/CEE du Conseil, le règlement (CE) n° 1592/2002 et la directive 2004/36/CE, ainsi qu'aux dispositions des règlements pris pour son application par la Commission européenne ". Aux termes de l'article L. 6521-1 du même code : " Est navigant professionnel de l'aéronautique civile toute personne exerçant de façon habituelle et principale(...) l'une des fonctions suivantes : 1° Commandement et conduite des aéronefs ; 2° Service à bord des moteurs, machines et instruments divers nécessaires à la navigation de l'aéronef ; 3° Service à bord des autres matériels montés sur aéronefs(...) ; 4° Services complémentaires de bord comprenant, notamment, le personnel navigant commercial du transport aérien ". Et aux termes de l'article L. 6521-2 dudit code : " Nul ne peut faire partie du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile s'il n'est : 1° Titulaire d'un titre aéronautique en état de validité ".
11. Le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA soutient que la décision attaquée du 21 octobre 2016 méconnaît les dispositions des articles L. 6511-11, L. 6521-1 et L. 6521-2 du code des transports ainsi que les dispositions combinées de l'annexe III du règlement (UE) 1178/2011 et de l'article 14.4 du règlement (CE) n° 216/2008, en ce que la dérogation à laquelle elle est subordonnée est préjudiciable au niveau de sécurité. Elle fait valoir à cet égard que, d'une part, la dérogation litigieuse visant à contourner les obligations prévues à l'annexe III du règlement (UE) n° 1178/2011 relatives, notamment, au nombre d'heures de vol requis et aux certificats médicaux détenus, le niveau de sécurité exigé par ledit règlement n'est pas atteint et, d'autre part, que si la décision litigieuse comporte des prescriptions imposées à la compagnie Air Transat en vue de s'assurer, notamment, que les pilotes disposent de licences présentant un niveau de sécurité équivalent à celui prescrit par le règlement (UE) n° 1178/2011, aucune procédure n'a toutefois été mise en place par le ministre chargé de l'aviation civile, tant pour s'assurer du respect de ces prescriptions préalablement à la mesure de validation que pour procéder, le cas échéant, à une mesure de retrait au cas où un pilote ne présenterait pas les garanties requises.
12. Il ressort des pièces du dossier que l'annexe 1 à la convention relative à l'aviation civile internationale, dont le Canada et la France sont tous deux signataires, comporte les standards mondiaux de sécurité définis par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), à savoir l'ensemble des normes dont l'application uniforme est reconnue nécessaire à la sécurité de la navigation aérienne internationale par les Etats contractants. Ladite annexe 1 définit notamment les exigences de qualifications et de compétence que doivent présenter les pilotes afin d'obtenir une licence. Ces normes sont au demeurant celles sur le fondement desquelles le règlement (CE) n° 216/2008 ainsi que le règlement (UE) n° 1178/2011 définissent les conditions de validation des licences délivrées par les pays tiers au sein des Etats membres, ainsi qu'il résulte des dispositions susvisées de l'article A de l'annexe III de ce dernier règlement. Il ne saurait être sérieusement contesté que les autorités canadiennes, dont l'AESA a reconnu, dans sa recommandation du 3 février 2014 concernant la première dérogation accordée à la société Air Transat, la qualité du système de délivrance des licences de pilotes et la conformité de celui-ci aux normes de sécurité fixées par l'OACI, exercent leur mission dans le respect desdites normes.
13. Il ressort en outre des pièces du dossier que, s'agissant des exigences relatives aux certificats médicaux, la compagnie Air Transat a informé la direction générale de l'aviation civile (DGAC) que tous les pilotes figurant sur la liste fournie par elle étaient titulaires de certificats médicaux de première catégorie, à savoir conformes aux prescriptions de l'OACI. S'agissant des exigences relatives à l'expérience, à la qualification et au nombre d'heures de vol requises, la compagnie a fourni à la DGAC et l'AESA tous les éléments de nature à établir que la majorité des pilotes présentés se situent au-dessus des seuils exigés sur ce point par l'annexe III au règlement (UE) n° 1178/2011. En ce qui concerne les pilotes qui ne présenteraient pas l'expérience requise au regard du nombre d'heures de vol, la décision du 21 octobre 2016 prévoit des prescriptions strictes à respecter dans la composition de l'équipage, permettant d'assurer un niveau équivalent de sécurité au regard de cette exigence. Enfin, concernant le contrôle des aptitudes médicales et linguistiques des personnels navigants canadiens, s'il est effectué selon des modalités différentes de celles prévues par l'annexe III du règlement n° 1178/2011, la compagnie Air Transat a produit des éléments techniques établissant qu'il garantissait le même niveau de sécurité. Il résulte de ce qui précède que le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA n'est pas fondé à soutenir que la décision de validation litigieuse aurait méconnu les dispositions des articles susénoncés du code des transports ainsi que celles de l'annexe III du règlement (UE) 1178/2011 et de l'article 14.4 du règlement (CE) n° 216/2008, en ce que le niveau de sécurité exigé par ces règlements ne serait pas atteint. Par voie de conséquence, le moyen tiré du défaut de procédure préalable de contrôle des prescriptions contenues dans la décision de validation ainsi que du défaut de procédure de retrait des licences doit être également écarté.
14. Le détournement de pouvoir allégué à l'encontre de la décision de validation en litige, prise par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, n'est pas établi. Par ailleurs, à supposer même le moyen opérant, le détournement de procédure, en tant qu'il est allégué à l'encontre de la décision ministérielle du 21 octobre 2016 et en tant qu'il est dirigé contre la recommandation de l'AESA du 13 décembre 2016 ne ressort pas davantage des pièces du dossier.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et la société Air Transat sont fondés à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir du syndicat national des pilotes de ligne France ALPA et sans qu'il y ait lieu de transmettre à la Cour de Justice de l'Union Européenne une question préjudicielle, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer du 21 octobre 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Air Transat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge dudit syndicat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens et la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Air Transat et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1621462 du 13 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA versera à l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA versera à la société Air Transat la somme de mille cinq cents euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du syndicat national des pilotes de ligne France ALPA présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Air Transat et au syndicat national des pilotes de ligne France ALPA.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, président-assesseur,
- C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. C...
Le président,
M. HEERS Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03082, 17PA03088