Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 20 mars et 22 septembre 2017, M. et Mme C...B..., représentés par MeD..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer les décharges sollicitées ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils soutiennent que :
- les suppléments d'impôt foncier sont mal fondés dès lors que l'administration ne pouvait pas leur refuser le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 223-1 du code des impôts de la Polynésie française au seul motif qu'ils n'avaient pas satisfait à une obligation déclarative qu'ils ont régularisée dans le délai de réclamation ;
- les suppléments d'impôt sur les transactions et de contribution de solidarité territoriale sont mal fondés au motif qu'ils déclarent leurs revenus fonciers et paient en métropole les impôts y afférents et que les revenus tirés de la location d'un logement nu ne sont pas passibles des impôts contestés faute de procéder de l'exercice d'une activité professionnelle.
Par un mémoire en défense et un mémoire en duplique, enregistrés respectivement les 15 juillet et 20 décembre 2017, la Polynésie française, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge des requérants le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conclusions tendant à la décharge totale de l'impôt sur les transactions et de la contribution de solidarité territoriale sont nouvelles en appel en ce qu'elles excèdent les conclusions de première instance limitées aux effets de l'application, revendiquée par les requérants, du coefficient modérateur de 50 % et qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue les 28 mars et 28 mai 1957 entre le Gouvernement français et le Gouvernement des Etablissements français de l'Océanie [Polynésie française] tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 et, notamment, son article 53 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que M. et MmeB..., résidents fiscaux de France métropolitaine, ont acquis, le 26 janvier 2011, un appartement dans la résidence Vai Hau située sur le territoire de la commune de Punaauia ; qu'estimant que les intéressés devaient être soumis à l'impôt foncier, à l'impôt sur les transactions et à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées à raison de la mise en location par leurs soins de ce bien immobilier, la direction des impôts et des contributions publiques a mis à leur charge, après mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire, les cotisations supplémentaires correspondantes assorties des pénalités y afférentes dont ils ont en vain demandé la décharge devant le tribunal administratif ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'impôt foncier :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 223-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Les constructions nouvelles, les reconstructions et les additions de constructions ne seront soumises à la contribution foncière que la 6e année suivant celle de leur achèvement(...) " ; qu'aux termes de l'article LP. 223-3 du même code : " Le bénéfice des exemptions temporaires prévues aux articles D. 223-1 et LP. 223-2 est subordonné à l'accomplissement de l'obligation déclarative prévue à l'article LP. 224-1 " ; que l'article LP. 224-1 de ce code précise que : " Les propriétaires ou personnes imposables sont tenus de souscrire et d'adresser à la direction des impôts et des contributions publiques une déclaration sur imprimé spécial revêtu du visa du maire, dans les trente jours de la date d'occupation de l'immeuble. Cette déclaration dont le modèle est arrêté par le conseil des ministres doit être accompagnée, du certificat de conformité délivré en application des dispositions du code de l'aménagement et de l'urbanisme. La déclaration de travaux immobiliers prévue à l'alinéa précédent comprend : l'identité du propriétaire ainsi que la situation des biens ; la nature des travaux entrepris, la description de l'immeuble et sa destination ; la valeur vénale de l'immeuble (...) " ; que l'article LP. 224-2 dudit code prévoit que : " Les propriétaires sont tenus de signaler à la direction des impôts et des contributions publiques les changements de caractéristiques physiques (aménagements intérieurs ou extérieurs) ainsi que les modifications de valeur locative de leurs immeubles bâtis, dans les trois mois de leur réalisation, dès lors que ceux-ci sont susceptibles d'entraîner une augmentation de valeur locative d'au moins 10 %. A cet effet, ils doivent souscrire une déclaration indiquant : / (...) si l'immeuble fait l'objet d'une location, le montant du loyer et des charges locatives, l'identité du locataire " ; qu'enfin, l'article LP. 471-1 du code des impôts de la Polynésie française dispose que : " Le bénéfice des crédits, réductions ou exonérations d'impôts de tous types prévus par le présent code est subordonné à la déclaration régulière des éléments servant de base au calcul des impôts sur lesquels lesdits crédits, réductions ou exonérations ont vocation à s'appliquer. Il en résulte que les crédits, réductions, ou exonérations l'impôts ne peuvent être déterminés ou imputés sur des impositions consécutives à des redressements ou taxations d'office effectués par la direction des impôts et des contributions publiques " ;
3. Considérant que les dispositions qui prévoient que le bénéfice d'un avantage fiscal est subordonné à une déclaration n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable de régulariser sa situation dans le délai de réclamation, sauf si la loi a prévu que l'absence de demande dans le délai de déclaration entraîne la déchéance du droit à cet avantage, ou lorsqu'elle offre au contribuable une option entre différentes modalités d'imposition ;
4. Considérant que l'article LP. 471-1 du code des impôts de la Polynésie française, inséré au titre Ier du chapitre VII intitulé " dispositions spécifiques aux avantages fiscaux ", doit être regardé comme subordonnant le bénéfice de l'ensemble des avantages fiscaux prévus par le code des impôts de la Polynésie française au respect, dans les délais impartis par les textes qui les instituent, de la déclaration des éléments servant de base au calcul des impôts susceptibles de faire l'objet d'avantages sous la forme de crédits, de réductions ou d'exonérations ; qu'en outre, les dispositions de l'article LP. 471-1 excluent du bénéfice de ces avantages les impositions qui, susceptibles de bénéficier de ces derniers, résultent de redressements ou de taxations d'office effectués par la direction des impôts et des contributions publiques (DICP) de la Polynésie française ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B...ont omis de déclarer au service qu'ils avaient donné en location non meublée le bien en cause à compter du 10 novembre 2011 ; qu'à défaut de cette information, la DICP avait jusqu'alors déterminé la valeur locative du bien sur la base de sa valeur vénale, tandis qu'en cas de location, cette valeur locative doit être déterminée sur la base du loyer ce qui, compte tenu de son montant stipulé au bail, a eu pour effet d'accroître la valeur locative de plus de 10 % au sens des dispositions de l'article LP. 224-2 ; que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de modification du loyer ; qu'en tout état de cause, l'administration fait valoir, sans être utilement contredite, que M. et Mme B...n'ont pas satisfait à l'obligation déclarative prévue à l'article LP. 224-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que, conformément à l'article LP. 471-1 de ce code, cette seule circonstance fait obstacle à ce que les contribuables bénéficient d'une mesure d'exonération ; que, par suite, c'est à juste titre que l'administration fiscale a soumis les requérants à l'impôt foncier pour les années 2012 à 2014, sans leur reconnaître le droit de procéder, dans le délai de réclamation, à la régularisation de leurs obligations déclaratives à l'accomplissement desquelles est subordonné le bénéfice de l'exemption temporaire de l'impôt foncier pour les constructions nouvelles, peu important à cet égard que l'article LP. 471-1 mentionne les crédits, réductions et exonérations sans viser expressément les exemptions temporaires, qui y sont nécessairement incluses ;
Sur l'impôt sur les transactions et la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées :
6. Considérant qu'aux termes de l'article LP. 181-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Les recettes réalisées en Polynésie française par les personnes physiques ou morales qui, habituellement ou occasionnellement, achètent pour revendre ou accomplissent des opérations relevant d'une activité autre qu'agricole ou salariée sont soumises à l'impôt sur les transactions " ; qu'aux termes de l'article LP. 182-2 de ce code : " Le fait générateur et la valeur imposable sont constitués : / (...) - en ce qui concerne les professions libérales et les prestations de services à caractère autre qu'agricole ou salarié, par l'exécution du service et par le prix facturé. / Lorsque le contribuable exerce plusieurs activités imposables, il fait masse de l'ensemble des recettes sur une seule déclaration " ; que l'article LP. 188-4 du même code : " (...) 2° Un coefficient modérateur de 50 % est accordé sur le montant de l'impôt sur les transactions aux prestataires de services et professions libérales qui déclarent avoir supporté des charges d'exploitation au moins égales à la moitié des recettes et qui pourraient justifier desdites charges. Pour pouvoir bénéficier de cette disposition, les prestataires de services et professions libérales doivent joindre à la déclaration un relevé détaillé de ces charges (...) " ; que, selon l'article 194-2 du même code, relatif à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées : " Sont soumises à cette contribution les personnes physiques ou morales assujetties à l'impôt sur les transactions, selon les règles définies au chapitre III du titre Ier de la 1er partie du code des impôts " ;
7. Considérant, en premier lieu, que M. et MmeB..., qui ne contestent pas avoir perçu des revenus fonciers à raison de la mise en location du logement qu'ils ont acquis le 26 janvier 2011, soutiennent qu'ayant déclaré ces revenus fonciers en France métropolitaine, dont ils sont résidents fiscaux, ils subissent une double imposition du fait des rappels contestés d'impôt sur les transactions ;
8. Considérant, toutefois, que l'imposition des mêmes revenus par l'Etat de résidence et par la collectivité ou l'Etat sur le territoire duquel ils trouvent leur source ne peut en principe être éliminée qu'en vertu d'une convention fiscale bilatérale ; qu'en admettant même que l'impôt sur les transactions, qui a vocation à frapper les recettes brutes, puisse être assimilé à un impôt sur le revenu, la convention fiscale signée les 28 mars et 28 mai 1957 à Paris et à Papeete entre le Gouvernement de la France et la Polynésie française, qui vise à éliminer les doubles impositions, ne concerne, en tout état de cause, que les revenus de capitaux mobiliers ;
9. Considérant, en second lieu, que, pour la première fois en cause d'appel, M. et Mme B... soutiennent que les recettes brutes issues de la mise en location d'un bien immobilier nu n'entrent pas dans le champ de l'impôt sur les transactions dès lors que de telles recettes ne résultent pas de l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'à l'appui de leurs conclusions à fin de décharge totale des rappels d'impôt sur les transactions et de contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées, les intéressés se prévalent du jugement n° 1600259 du 20 décembre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française ; que, compte tenu des énonciations de ce jugement, dont les requérants produisent une copie, ces derniers doivent être regardés comme se prévalant de l'instruction fiscale n° 1-2008 IT du 4 juillet 2008 qui prévoit dans son I., relatif au champ d'application de l'impôt sur les transactions : " 1. Opérations et professions imposables : 1.1.1 Les recettes brutes des personnes se livrant à une activité professionnelle " ainsi que dans son I. 3 concernant les personnes imposables : " 21. Personnes physiques dans l'exercice d'une activité professionnelle autre qu'agricole ou salariée " ; que la location d'un immeuble nu par son propriétaire, qui relève de la gestion de son patrimoine privé, ne peut être assimilée à une activité professionnelle ; que, dès lors, M. et Mme B...sont fondés, sur le terrain de la doctrine dont ils se prévalent et qui est opposable à l'administration dès lors qu'ils en ont fait application en ne déclarant pas les recettes en cause au titre de l'impôt sur les transactions, à soutenir que les revenus locatifs en cause ne pouvaient pas être assujettis à l'impôt sur les transactions et à la contribution de solidarité territoriale ;
10. Considérant, toutefois, que si les requérants peuvent, en cause d'appel, invoquer jusqu'à la clôture tout moyen nouveau à l'appui de leurs conclusions à fin de décharge ou de réduction des impositions qu'ils contestent, ils ne sont cependant pas recevables à formuler des conclusions nouvelles par rapport à celles dont ils ont saisi les premiers juges ;
11. Considérant que, devant le tribunal administratif, M. et Mme B...s'étaient limités à demander " à bénéficier du coefficient de 50 % en matière d'impôt sur les transactions ", reprenant d'ailleurs sur ce point les termes de leur réclamation contentieuse du 18 décembre 2015 ; que les intéressés ayant ainsi limité leur demande au prononcé de la réduction de moitié des rappels contestés, leurs conclusions d'appel ne sont recevables, ainsi que le relève la Polynésie française, que dans cette seule mesure ; que, compte tenu du dégrèvement de la majoration de 10 % prononcé au stade de la décision d'admission partielle n° 0377 du 21 janvier 2016, les droits et intérêts de retard rappelés restant en litige s'élèvent, pour les années 2012 et 2013, au titre de l'impôt sur les transactions, à 82 004 francs CFP dont 6 419 francs CFP d'intérêts de retard, et au titre de la contribution de solidarité territoriale, à 33 594 francs CFP dont 2 369 francs CFP d'intérêts de retard ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a seulement lieu de décharger M. et MmeB..., en droits et intérêts de retard, de 41 002 francs CFP au titre de l'impôt sur les transactions pour les années 2012 et 2013, et de 16 797 francs CFP en droits et intérêts de retard au titre de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariés pour les mêmes années, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête qui, tiré du droit revendiqué par les intéressés au bénéfice du coefficient modérateur de 50 % prévu au 2° de l'article LP. 188-4, ne pourrait, en tout état de cause, fonder une décharge des impositions contestées supérieure à celle prononcée sur le fondement de la doctrine ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande à hauteur de la décharge partielle décidée au point précédent ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à M. et Mme B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'ils ont exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que la Cour mette à la charge de M. et Mme B...qui ne peuvent être regardés comme étant, en la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme à verser à la Polynésie française ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. et Mme B...sont déchargés, en droits et intérêts de retard, de 41 002 francs CFP au titre de l'impôt sur les transactions qui leur a été assigné pour les années 2012 et 2013 et, en droits et intérêts de retard, de 16 797 francs CFP au titre de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées qui leur a été assignée pour les années 2012 et 2013.
Article 2 : Le jugement n° 1600145 du 20 décembre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La Polynésie française versera à M. et Mme B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la Polynésie française tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA00950