Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer l'annulation de la décision du 2 septembre 2015 par laquelle le directeur des impôts et des contributions publiques a rejeté sa réclamation contentieuse ;
3°) de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur les transactions à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010 en la ramenant, en principal, de 1 681 560 francs CFP à 141 012 francs CFP ;
4°) de prononcer l'annulation du commandement de payer émis le 17 mars 2015 ;
5°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que sa demande était tardive dès lors qu'il n'a jamais reçu l'avis d'imposition dont l'administration n'établit pas qu'elle le lui aurait adressé, de sorte que le délai de réclamation n'a jamais commencé à courir, à supposer que tel soit le cas, le délai ne lui serait pas opposable en vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative faute pour l'avis d'imposition de mentionner les voies et délais de recours et en toute hypothèse, son état de santé est constitutif d'un cas de force majeure de nature à le relever de la forclusion ;
- l'impôt sur les transactions en cause est mal fondé à concurrence de 1 540 548 francs CFP dès lors que son chiffre d'affaires eût dû être déclaré en revente de biens et non pas en prestations de services, ce que le service reconnaît ;
- le commandement de payer décerné le 17 mars 2015 est mal fondé par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2017, la Polynésie française, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que M. B..., qui exerce depuis 2006 une activité de vente de véhicules, a été imposé au titre de l'année 2010 à l'impôt sur les transactions dans la catégorie des prestations de services dans laquelle il avait par erreur déclaré son chiffre d'affaires ; qu'il a présenté le 17 mars 2015 une réclamation tendant à la rectification de sa déclaration afin d'être imposé dans la catégorie des ventes de biens, qui a été rejetée par une décision de la direction des impôts et des contributions publiques (DICP) du 2 septembre 2015 ; que le litige qui en résulte n'a, en réalité, pas pour objet l'annulation de la décision de rejet de la réclamation contentieuse, qui constitue seulement un préalable obligatoire à la saisine du tribunal, mais la décharge des impositions contestées, que le juge du plein contentieux fiscal a le pouvoir de prononcer ; que les conclusions doivent ainsi être regardées comme tendant à la réduction de l'impôt sur les transactions assigné à M. B... au titre de l'année 2010 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article LP. 611-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1 - Les réclamations relatives aux impôts ou pénalités dont l'assiette incombe à la direction des impôts et des contributions publiques ressortissent à la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir, soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'une disposition législative ou réglementaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 611-2 du même code : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au Président de la Polynésie française. (...) " ; qu'aux termes de l'article LP. 611-3 de ce code : " 1 - Pour être recevables, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3, d'une part, que l'avis d'imposition ou l'avis de mise en recouvrement par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article 611-2 du code des impôts de la Polynésie française, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation, d'autre part, que le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus à l'article LP. 611-3 de ce code lui soient opposables ;
5. Considérant, toutefois, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; que, dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable ; qu'en matière de contestation de l'assiette d'une imposition, le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par l'article LP. 611-3 du code des impôts de la Polynésie française, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an ; que, dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la cotisation litigieuse d'impôt sur les transactions au titre de l'année 2010 a été mise en recouvrement le 30 juin 2011, date à compter de laquelle court le délai de réclamation en ce qui concerne cet impôt, recouvré par voie de rôle, à moins qu'il ne soit établi que le contribuable n'a pas reçu l'avis d'imposition du fait d'une erreur de l'administration, auquel cas le point de départ du délai de réclamation ne court qu'à compter de la date où l'intéressé a eu connaissance de l'impôt ; que M. B... soutient qu'il n'a jamais reçu l'avis d'imposition en cause et que ce n'est qu'à réception du commandement de payer émis le 17 mars 2015 qu'il a eu connaissance de la cotisation primitive d'impôt sur les transactions qui lui était assignée ; que, toutefois, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'avis d'imposition a été envoyé à l'adresse de M. B... et que ce dernier ne fait état d'aucune circonstance particulière qui expliquerait qu'il ne l'aurait pas reçu, le délai de réclamation dont disposait M. B... expirait en principe le 31 décembre 2013 ; qu'il est constant que ce n'est que par courrier du 14 juin 2015 que le requérant a formé une telle réclamation auprès de la direction des impôts et des contributions publiques (DICP), qui l'a rejetée pour tardiveté par décision du 2 septembre 2015 ; que toutefois, ainsi que M. B... le relève pour la première fois en cause d'appel, l'avis d'imposition en cause ne mentionnait pas les voies et délais de recours ; qu'en vertu du principe énoncé au point précédent, M. B... disposait alors d'un délai de réclamation prolongé d'un an, expirant le 31 décembre 2014, sauf circonstances particulières ;
7. Considérant que, pour écarter la forclusion, M. B... se prévaut des graves problèmes de santé qui l'ont affecté à compter de l'année 2011 ; qu'à cet égard l'intéressé, qui soutient que son pronostic vital a été engagé dès le mois d'avril 2011, établit qu'il a en conséquence fait l'objet d'évacuations sanitaires vers la métropole qui, ayant eu lieu au cours des années 2011, 2012 et 2013, ont duré chacune plusieurs mois ; qu'ainsi, M. B... fait état de circonstances particulières justifiant que sa réclamation contentieuse du 14 juin 2015 ne soit pas, dans les circonstances de l'espèce, regardée comme tardive alors que le délai dont il disposait en principe avait expiré le 31 décembre 2014 comme il a été dit au point précédent ; qu'il suit de là que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande pour irrecevabilité ; que le jugement attaqué doit être annulé ;
8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions d'assiette :
9. Considérant qu'il est constant que M. B..., qui exerçait une activité de vente de véhicules, a déclaré le chiffre d'affaires s'y rapportant dans la rubrique " prestations de services " au lieu de porter ce chiffre d'affaires dans la rubrique " ventes " ; que la DICP, se fondant sur cette déclaration, a alors assigné à l'intéressé une cotisation d'impôt sur les transactions d'un montant, en principal, de 1 681 560 francs CFP, correspondant à une activité de prestataire de services, alors que du fait de son activité de ventes de biens, la Polynésie française admet que la cotisation aurait dû ne s'élever, en principal, qu'à 141 012 francs CFP, ainsi que le soutient M. B... ; que, dans ces conditions, l'intéressé est fondé à demander que la cotisation à laquelle il a été assujetti en matière d'impôt sur les transactions au titre de l'année 2010 soit réduite d'un montant de 1 540 548 francs CFP, pour être ramenée à 141 012 francs CFP en principal, avec réduction des majorations y afférentes ;
Sur les conclusions de recouvrement :
10. Considérant que lorsque le juge de l'impôt accorde une décharge, l'imposition cesse d'être exigible à due concurrence ; qu'il s'ensuit que l'intervention d'un jugement de décharge, même s'il n'est pas devenu définitif ou irrévocable, frappe de caducité les effets des actes tendant au recouvrement forcé relatifs à l'obligation de payer cette imposition ; qu'en pareille hypothèse, il appartient au juge saisi de la contestation de cette obligation de payer de constater qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ; que, dans le cas où l'impôt serait finalement remis à la charge du contribuable par le juge et, partant, redevenu exigible, il revient à l'administration, si elle entend procéder à son recouvrement forcé, d'émettre les actes lui permettant de le faire ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la réduction de la cotisation d'impôt sur les transactions prononcée par le présent arrêt au point 9 frappe de caducité les effets du commandement de payer litigieux émis le 17 mars 2015 à hauteur de la fraction ainsi déchargée ; que, par suite, les conclusions de M. B... dirigées contre le commandement de payer du 17 mars 2015 sont, dans la mesure de la décharge partielle prononcée en droits et majorations définie au point 9, devenues sans objet, et il n'y a dès lors point lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que la Cour mette à la charge de M. B..., qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que réclame la Polynésie française ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500641 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : La cotisation d'impôt sur les transactions à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2010 est ramenée, en droits, de 1 681 560 francs CFP à 141 012 francs CFP et M. B... est ainsi déchargé, en droits, de 1 540 548 francs CFP ainsi que des majorations se rapportant à cette décharge partielle.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer dont procède le commandement de payer émis le 17 mars 2015 en tant qu'il porte sur le montant correspondant à la décharge partielle prononcée en droits et majorations à l'article 2
ci-dessus.
Article 4 : La Polynésie française versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la Polynésie française tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01329