Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 août 2017 et 28 février 2018, Mme B..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 25 novembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, dans le même délai, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le préfet du Val-de-Marne, en se fondant sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, et non sur l'accord franco-marocain et son pouvoir discrétionnaire de régularisation, a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté contesté a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est en outre entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que MmeB..., de nationalité marocaine, entrée en France, selon ses déclarations, en juillet 2000, a demandé, au cours de l'année 2015, son admission exceptionnelle au séjour ; que, par un arrêté du 25 novembre 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de l'autoriser à séjourner en France et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que Mme B...relève appel du jugement du 31 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 25 novembre 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Val-de-Marne, saisi d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, est tenu, lorsque le demandeur justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire ;
3. Considérant que, compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur teneur, les documents que verse Mme B...au dossier au titre de la période allant du 26 novembre 2006 au 25 novembre 2016 permettent d'établir que l'intéressée avait sa résidence habituelle en France pendant plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne, en ne soumettant pas à la commission du titre de séjour, pour avis, la demande de l'intéressée, présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, tendant à la délivrance de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11, a entaché son arrêté d'un vice de procédure et a, en l'espèce, privé l'intéressée d'une garantie ; que, par suite, l'arrêté en litige, qui a été pris au terme d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2016 et à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
6. Considérant que si, compte tenu du motif retenu pour annuler l'arrêté en litige, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Val-de-Marne délivre à Mme B...un titre de séjour, elle implique en revanche nécessairement qu'il saisisse la commission du titre de séjour de son cas et procède au réexamen de sa situation personnelle ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner au préfet du Val-de-Marne de saisir la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de la demande de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais que Mme B... a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1610689 du tribunal administratif de Melun en date du
31 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 25 novembre 2016 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de saisir la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de la demande de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02976 2