Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 13 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement en ce qu'il prononce la décharge des impositions restant en litige ;
2°) de rétablir Mme H...à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 à hauteur des droits et pénalités dont elle a été déchargée par le jugement attaqué.
Il soutient que :
- c'est à tort que, pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, le tribunal administratif a estimé que Mme H...ne détenait pas, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les sociétés dont les titres étaient placés sur son plan d'épargne en actions, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du fait que 33 % des parts de la SARL Foncière HBC étaient détenus par l'associé de la contribuable en l'absence de liens familiaux dès lors qu'elle détenait, conjointement avec les autres associés, le contrôle de cette société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, la succession de MmeH..., représentée par Mme A...E..., M. C... E...et M. D... E..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par courrier du 8 mars 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application des dispositions du 5 bis de l'article 157 du code général des impôts, sur le fondement desquelles les produits ou plus-values issus d'un PEA ne peuvent pas être exonérés des prélèvements sociaux (cf. II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale s'agissant de la CSG).
Par un mémoire enregistré le 13 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a produit ses observations sur ce moyen d'ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 14 mars 2018, la succession de MmeH..., représentée par MeF..., a produit ses observations sur ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., pour la successionH....
Considérant ce qui suit :
1. Mme H...a, le 29 avril 2010, cédé à la société Korian Immobilier les 1 500 parts qu'elle détenait au sein du capital de la société à responsabilité limitée Compagnie Foncière Vermeille (CFV), qu'elle avait acquises le 21 décembre 1998 et qui avaient été inscrites, dès leur souscription, sur le plan d'épargne en actions (PEA) ouvert dans les écritures de la Société générale. L'intéressée a alors placé la plus-value de cession en résultant sous le régime de l'exonération prévue par les dispositions du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts. L'administration a remis en cause le droit pour Mme H...de bénéficier de ces dispositions pour méconnaissance des dispositions du 3° du II de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier. Par le jugement dont le ministre de l'action et des comptes publics relève appel, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 127 456 euros intervenu le 22 décembre 2015 et déchargé Mme H...des impositions restant en litige. Mme A...E..., M. C... E...et M. D... E...ès qualités d'héritiers de feu Mme I...H...ont, en application de l'article R. 634-1 du code de justice administrative, repris l'instance.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
2. D'une part, aux termes de l'article 157 du code général des impôts : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : (...) / 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D (...) " ; qu'aux termes de l'article 163 quinquies D du même code : " Les plans d'épargne en actions sont ouverts et fonctionnent conformément aux dispositions des articles L. 221-30, L. 221-31 et L. 221-32 du code monétaire et financier " ; qu'aux termes du II de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 3° Le titulaire du plan, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne doivent pas, pendant la durée du plan, détenir ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent au plan ou avoir détenu cette participation à un moment quelconque au cours des cinq années précédant l'acquisition de ces titres dans le cadre du plan ".
3. D'autre part, selon l'article 1765 du code général des impôts : " Si l'une des conditions prévues pour l'application, selon le cas, des articles L. 221-30, L. 221-31 et L. 221-32 ou des articles L. 221-32-1, L. 221-32-2 et L. 221-32-3 du code monétaire et financier n'est pas remplie, le plan est clos dans les conditions définies au 2 du II de l'article 150-0 A et à l'article L. 221-32 du code monétaire et financier à la date où le manquement a été commis et les cotisations d'impôt en résultant de cette clôture sont immédiatement exigibles ".
4. En vertu des dispositions citées au point 2, dans leur rédaction en vigueur avant leur modification par l'article 94 de la loi n° 2016-1918 de finances rectificative pour 2016, le bénéfice de l'exonération d'impôt des produits et plus-values procurés par les placements effectués dans le cadre d'un plan d'épargne en actions est subordonné à la condition que le titulaire du plan, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne détiennent pas ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent au plan d'épargne en actions, et n'aient pas détenu cette participation à un moment quelconque au cours des cinq années précédant l'acquisition de ces titres dans le cadre du plan d'épargne. Pour déterminer si ce seuil est franchi, il y a lieu de tenir compte des droits éventuellement détenus par le groupe familial ainsi défini par l'intermédiaire d'une autre société interposée, lorsque ce groupe détient, le cas échéant avec une personne interposée, la majorité du capital social de la société interposée et que l'un des membres de ce groupe y exerce en droit ou en fait des fonctions dirigeantes.
5. Il est constant que Mme H...détenait 25 % des parts de la société CFV et 33 % des parts de la SARL Foncière HBC qui, constituée le 27 novembre 2007, a acquis, le 29 janvier 2008, 25 % des parts de la société CFV.
6. Pour écarter le mode de détermination, rappelé au point 4, de la participation des droits du titulaire d'un plan d'épargne en actions dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent à un tel plan, le ministre soutient qu'en l'espèce, il y a lieu de prendre également en compte les droits que Mme H...détenait indirectement, par l'intermédiaire de la société Foncière HBC dont, comme il est pourtant constant, elle ne possédait pas la majorité du capital, dès lors que l'intéressée en exerçait le contrôle conjoint avec ses deux autres associés. A cet effet, le ministre relève que le seul objet de la société Foncière HBC consistant en la détention passive des titres de la société CFV, la principale décision de gestion avait trait à la conservation ou à la cession des titres de la société CFV, que chacun des trois associés de la société CFV était également associé de la société HBC, de sorte que ces trois associés sont, en réalité, convenus d'agir de concert, au sens de l'article L. 223-10 du code de commerce, quant à la décision de cession des titres de la société CFV. Il se prévaut de ce que ceci est corroboré, d'une part, par les statuts de la société Foncière HBC dont l'article 10 prévoit que la cession de ses parts sociales ne peut être décidée qu'à la majorité des trois quarts et l'article 12 que les pouvoirs de son gérant sont limités même pour l'accomplissement de simples actes de gestion, d'autre part, par le fait que la gérance de la société Foncière HBC est assurée par M. G... B..., qui est un membre de la famille de M. J... B..., lui-même associé des sociétés CFV et
Foncière HBC. Le ministre en déduit que Mme H...doit être regardée comme ayant détenu dans la société CFV une participation de 33,25 %, soit 25 % directement et, indirectement, 8,25 % résultant des 33 % de sa participation dans la société Foncière HBC, qui possédait elle-même 25 % des parts de la société CFV, de sorte qu'en application de l'article 1725 du code général des impôts, le PEA devait être clos le 29 janvier 2008 et que c'est à bon droit que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le service a remis en cause l'exonération prévue au 5° bis de l'article 157 du code général des impôts.
7. Mais les circonstances relevées par le ministre ne sont en tout état de cause pas de nature à établir l'existence d'une action de concert entre Mme H...et ses deux autres associés, alors surtout que l'article 12 des statuts de la société Foncière HBC ne limite pas les pouvoirs de son gérant y compris pour l'accomplissement de simples actes de gestion et que le ministre n'établit que M. G... B...a assuré la gérance de la société Foncière HBC qu'à compter du 18 juin 2010, soit postérieurement à la date de cession des titres en cause. Dans ces conditions, en l'absence de liens familiaux entre Mme H...et les autres associés, la participation des droits de l'intéressée dans les bénéfices de la société CVF dont les titres figuraient au PEA qu'elle avait ouvert, devait être déterminée, conformément à ce qui a été dit au point 4, sans prise en compte de sa participation indirecte via la société Foncière HBC. Il suit de là que, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que le PEA détenu par Mme H...devait être clos le 29 janvier 2008 et que, faisant application des dispositions de l'article 1765 du code général de impôts citées au point 3, le service a alors mis à sa charge la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de cette clôture ainsi que les pénalités y afférentes.
En ce qui concerne les prélèvements sociaux :
8. Selon le II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution sociale généralisée : " Sont également assujettis à la contribution selon les modalités prévues au premier alinéa du I, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 et, le cas échéant, constatée à compter de cette même date en ce qui concerne les placements visés du 3° au 9° : (...) / 5° Le gain net réalisé ou la rente viagère lors d'un retrait de sommes ou de valeurs ou de la clôture d'un plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D du code général des impôts dans les conditions ci-après : a) En cas de retrait ou de rachat entraînant la clôture du plan, le gain net est déterminé par différence entre, d'une part, la valeur liquidative du plan ou la valeur de rachat (...) et, d'autre part, la valeur liquidative ou de rachat au 1er janvier 1997 majorée des versements effectués depuis cette date et diminuée du montant des sommes déjà retenues à ce titre lors des précédents retraits ou rachats (...) ". Il résulte de ces dispositions que la contribution sociale généralisée (CSG) et, par suite, les autres prélèvements sociaux dus à raison des plus-values réalisées sont exigibles notamment lors de la clôture d'un PEA, laquelle peut, en application de l'article 1765 du code général des impôts cité au point 3, intervenir en cas de manquement aux règles prévues par le code monétaire et financier.
9. Or, comme il a été dit au point 7, c'est à tort que l'administration a estimé qu'en application des dispositions de l'article 1765, le PEA que détenait alors Mme H...devait être clos le 29 janvier 2008. Par suite, la succession de Mme H...est également fondée à soutenir que les prélèvements sociaux n'étaient alors pas exigibles, étant en outre relevé qu'il n'est pas contesté que ces prélèvements ont, conformément au 5° du II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, été acquittés en totalité lorsque le PEA a été, à juste titre, clos le 25 décembre 2015 en raison du décès de son titulaire.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux restant en litige.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...E..., à M. C... E...et à M. D... E...ès qualités d'héritiers de feu Mme I...H...le versement d'une somme globale de 2 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A...E..., à M. C... E...et à M. D... E...ès qualités d'héritiers de feu Mme I...H...une somme globale de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics ainsi qu'à Mme A...E..., à M. C... E...et à M. D... E...ès qualités d'héritiers de feu Mme I...H....
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 mai 2018.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
M. HEERSLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00882