Nouvelle-Calédonie a annulé ce titre exécutoire et déchargé la société Entreprises Réunies de l'obligation de payer la somme de 8 932 452 francs CFP.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er octobre 2015 et
1er février 2017, la commune de Poya, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la société Entreprises Réunies à lui verser une somme de 8 932 452 francs CFP ;
3°) de mettre à la charge de la société Entreprises Réunies le versement d'une somme de 300 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Poya soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- le titre exécutoire en litige n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation ;
- le moyen tiré de ce que le titre exécutoire en litige a méconnu l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 21 avril 2000 est inopérant ;
- le décompte général du marché étant irrégulier, il n'est pas devenu définitif, de sorte qu'elle est fondée à émettre le titre exécutoire en litige pour obtenir le paiement, par la société Entreprises Réunies, d'une créance contractuelle de 8 932 452 francs CFP correspondant aux pénalités de retard qui ont été infligées à bon droit à l'entreprise ;
- elle n'a pas renoncé à infliger ces pénalités dès lors qu'elle a rejeté la demande de remise gracieuse présentée par la société ;
- il ressort du projet de décompte final que des pénalités de retard étaient dues par l'entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, la société Entreprises Réunies, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Poya le versement d'une somme de 350 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Entreprises Réunies soutient que :
- les moyens invoqués par la commune de Poya ne sont pas fondés ;
- le tire exécutoire en litige a méconnu l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 21 avril 2000 ;
- le décompte général du marché étant devenu définitif, la commune de Poya ne peut pas lui réclamer, par l'émission d'un titre exécutoire, une créance qui serait née de ce contrat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la
Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que, le 29 octobre 2012, la commune de Poya a confié à la société Entreprises Réunies un marché portant sur des travaux d'assainissement, de chaussée et de revêtement et des travaux de construction de deux ponts sur la route municipale de Poya à partir de l'embranchement de Gohapin/Montfaoue vers la tribu de Gohapin ; que la réception des travaux a été prononcée avec effet au 21 février 2014 ; que, le 14 mars 2014, la société Entreprises Réunies a établi son projet de décompte final, d'un montant de 69 243 815 francs CFP toutes taxes comprises (TTC), en demandant le règlement du solde du marché, évalué à 14 082 011 francs CFP TTC ; que la commune de Poya a ensuite établi le décompte général du marché, d'un montant de 69 243 815 francs CFP TTC, en indiquant que le montant du solde à régler au titulaire du marché était fixé à 14 082 011 francs CFP TTC ; que, toutefois, le 9 juillet 2014, le maire de la commune de Poya a émis un titre exécutoire à l'encontre de la société Entreprises Réunies, d'un montant de 8 932 452 francs CFP, concernant des pénalités de retard dus au titre de ce marché ; que, par un jugement du 4 juin 2015, dont la commune de Poya relève appel, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé ce titre exécutoire et déchargé la société Entreprises Réunies de l'obligation de payer la somme de 8 932 452 francs CFP ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments de défense de la commune de Poya, n'ont en l'espèce pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation, au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, en statuant sur le moyen invoqué par la société Entreprise Réunies tiré de ce que les bases de la liquidation de la créance mentionnée dans le titre exécutoire émis le 9 juillet 2014 n'avaient pas été indiquées de manière suffisante ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'un titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance, alors même qu'il est émis par une personne publique autre que l'Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ; qu'en vertu de ce principe, une collectivité publique ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur ;
4. Considérant que le titre exécutoire émis le 9 juillet 2014 par le maire de la commune de Poya se borne à indiquer le montant de la somme due, soit 8 932 452 francs CFP, et à comporter, dans la rubrique " détail ", la mention " pénalités de retard " et le numéro du marché, sans préciser les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre cette somme à la charge de la société Entreprise Réunies ; qu'il ne comporte par ailleurs aucune référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé à la société ; que, dans ces conditions, la société Entreprises Réunies est fondée à soutenir que le titre exécutoire en litige, qui n'a pas respecté le principe énoncé au point 3, est entaché d'une insuffisance de motivation ; que la circonstance que la société a adressé à la commune de Poya, le 13 mars 2014, une demande de " remise gracieuse " des pénalités, au demeurant non chiffrée et non motivée, reste à cet égard sans incidence sur l'absence de motivation du titre exécutoire litigieux ;
5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Poya n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le titre exécutoire en litige et déchargé la société Entreprises Réunies de l'obligation de payer la somme de 8 932 452 francs CFP ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Entreprises Réunies, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Poya au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Poya une somme de 1 000 euros à verser à la société Entreprises Réunies au titre de ces mêmes frais ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Poya est rejetée.
Article 2 : La commune de Poya versera à la SAS Entreprises Réunies une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Poya et à la société par actions simplifiée (SAS) Entreprises Réunies.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017
Le rapporteur,
L. BOISSY
Le président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 15PA03738 2