Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 9 mars, 22 août et
3 octobre 2016, Mme D...épouseA..., représentée par Me Lerein, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 17 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de trente jours suivant la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant autorisation de travail, et, à défaut, dans le même délai et sous la même astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D...épouse B...soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté a méconnu les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juillet et 14 septembre 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...épouse A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 13 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les observations de Me Lerein, avocat de MmeD....
1. Considérant que Mme C...D..., de nationalité algérienne, entrée en France, selon ses déclarations, en décembre 2003, a présenté, au début de l'année 2004, une demande de titre de séjour sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, par une décision du 23 juin 2005, le préfet de police a rejeté sa demande et l'a invitée à quitter le territoire français ; que, par un arrêté du 23 février 2006, le préfet de police a ensuite ordonné sa reconduite à la frontière ; que les demandes de Mme D...tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2005 et de l'arrêté du 23 février 2006 ont été respectivement rejetées par le tribunal administratif de Paris dans des jugements rendus les 28 janvier 2009 et 5 avril 2006 ; que, le 6 novembre 2008, Mme D...a de nouveau sollicité un certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que le médecin chef du service médical ayant estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale pour une durée de neuf mois, le préfet de police a alors délivré à l'intéressée, le 10 mars 2009, une autorisation provisoire de séjour qu'il a renouvelée jusqu'au 23 février 2010 ; que, par un arrêté du 10 mars 2010, le préfet de police a ensuite rejeté la demande de Mme D...tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de la mesure d'éloignement ; que, par un jugement du 17 décembre 2010, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ; qu'en exécution de ce jugement, le préfet de police a alors muni l'intéressée d'un certificat de résidence, valable du 21 mars 2011 jusqu'au
20 mars 2012, portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par un arrêt du
26 janvier 2012, la cour administrative d'appel de Paris a toutefois annulé ce jugement du 17 décembre 2010 et rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de l'arrêté du
10 mars 2010 ; que, le 4 septembre 2012, le préfet de police a pris un nouvel arrêté refusant à Mme D...le droit de séjourner en France et l'a obligée à quitter le territoire en fixant le pays de destination ; que, par un jugement du 17 janvier 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté du 4 septembre 2012 ; que, par un nouvel arrêté du 14 octobre 2013, le préfet de police a rejeté la demande présentée par Mme D...sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ; que cet arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif de Paris dans un jugement rendu le 18 février 2014, le préfet de police a alors délivré à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour, le
3 avril 2014, qu'il a renouvelée jusqu'au 17 août 2015 ; que, toutefois, par un arrêt rendu le
6 février 2015, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 18 février 2014 et rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2013 ; qu'enfin, statuant sur la demande de Mme D...présentée sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet de police a, par un arrêté du 17 août 2015, refusé de lui délivrer un certificat de résidence et lui a fait obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que Mme D...relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 17 août 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du
27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1) Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;
3. Considérant que, compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur teneur, les nombreux documents que verse Mme D...au dossier au titre des années 2005 à 2015, dont beaucoup sont pour la première fois produits en appel, en particulier la succession de pièces de nature médicale ou para-médicale concernant les années 2005 et 2006, dont la valeur probante n'est pas sérieusement contestée, permettent d'établir que l'intéressée résidait de manière habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, Mme D...remplissait la condition prévue par le 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien lui permettant de bénéficier d'un certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 août 2015 contesté et à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
6. Considérant que, compte tenu du motif retenu pour annuler l'arrêté du 17 août 2015 en litige, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à
MmeD..., sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner au préfet de police de délivrer à l'intéressée ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 :
7. Considérant que Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que
Me Lerein renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lerein de la somme de 1 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1514560 du tribunal administratif de Paris en date du 23 février 2016 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 17 août 2015 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à Mme D...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 4 : L'Etat versera à Me Lerein la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...épouseA..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017.
Le rapporteur,
L. BOISSY
Le président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA00921 2