Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, régularisée le 14 septembre 2018 par Me B..., M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'examen de sa demande dans un délai de trois mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de cet examen à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me B...au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à raison des frais de l'instance.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a admis que l'arrêté était motivé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à une analyse spécifique de sa demande comme le révèle la motivation stéréotypée de l'arrêté ; les mentions lapidaires de l'arrêté " sont insuffisantes pour constituer une véritable étude personnalisée de la situation " ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas été entendu spécifiquement sur sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3 de la convention contre les tortures et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New-York le
10 décembre 1984 ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du
4 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Heers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant bangladais, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de police en date du 12 février 2018 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours assorti d'une décision fixant le pays de renvoi. Il relève appel du jugement du 5 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Si le requérant soutient que le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif a jugé que la décision attaquée était suffisamment motivée en droit et en fait, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le premier juge n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".
4. Il ressort des dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors,
l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure d'éloignement. Si le requérant fait en outre valoir qu'il n'a pas été entendu spécifiquement sur sa situation et qu'il n'a pas été informé par le préfet de police de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition, qu'il s'est présenté personnellement en préfecture le 12 février 2018, accompagné d'un interprète, et s'est vu présenter la possibilité de faire valoir toutes les observations qu'il estimait utiles. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit d'être entendu.
5. En vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, et notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 19, 20 et 21 de la Convention d'application de l'accord de Schengen du
19 juin 1990 et les articles L. 511-1, L. 512-1 et L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne également des considérations de fait et notamment le fait que M. A...est dépourvu de document transfrontière, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé dès lors que le préfet de police n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances de fait relatives à la situation de M. A....
6. Si le requérant soutient que le préfet n'a pas procédé à une analyse spécifique de sa demande comme le révèle la motivation stéréotypée de l'arrêté, il résulte de ce qui vient d'être dit que la formule qui y figure selon laquelle " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ", dès lors qu'elle est complétée par les autres considérations énoncées ci-dessus, ne permet pas d'en déduire l'absence d'examen de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A...fait valoir que le préfet de police a commis une erreur manifeste quant à l'atteinte excessive portée à son droit à une vie familiale et que la décision a méconnu l'article 8 de la convention précitée. Toutefois, le requérant ne produit qu'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 janvier 2019 et une feuille de paye du mois de janvier 2018, tous deux postérieurs à l'arrêté contesté, et a déclaré lors de son audition qu'il était célibataire et sans charge de famille en France. De plus, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et déclare être entré en France le 25 août 2014 soit moins de quatre ans avant la date de l'arrêté contesté. Dès lors, eu égard aux conditions et à la durée du séjour en France de M.A..., l'arrêté n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
10. Le requérant soutient qu'il risque d'être exposé à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants au Bengladesh. Toutefois, un tel moyen est inopérant à l'encontre de l'obligation faite au requérant de quitter dans un délai de trente jours le territoire français qui n'implique pas nécessairement le retour au Bengladesh.
11. La décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas fondée sur un refus de titre de séjour. Par suite, le moyen consistant à invoquer par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité d'une décision inexistante, est inopérant.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". De plus, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : " 1. Aucun Etat n'expulsera, ne refoulera ni d'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumis à la torture ".
13. Pour soutenir qu'il risque de subir des traitements inhumains en cas de retour au Bengladesh, M. A...se borne à produire une lettre de son avocat bangladais lui conseillant de rester en dehors du Bangladesh, l'informant de l'agression de sa mère, de la venue de policiers à son domicile et du contexte général actuel au Bengladesh. Toutefois, cette seule lettre non datée et faisant état de faits postérieurs à l'arrêté contesté, n'est pas de nature à établir qu'il serait susceptible de faire personnellement l'objet de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Au surplus, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
14. Il résulte des motifs qui précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 avril 2019.
Le président-rapporteur,
M. HEERS
L'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARDLa greffière,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA01567 2