Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 11 décembre 2018 et le 29 avril 2019 et 13 mai 2019, Mme C..., épouseD..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet de police a commis une erreur de droit en exigeant la présentation d'un visa de long séjour mention " ascendant à charge " pour l'obtention d'un certificat de résidence en qualité d'ascendant de ressortissant français à charge ;
- le préfet de police s'est estimé, à tort, lié par l'avis du consul de France à Alger du 28 avril 2015, qui est entaché d'erreur de fait et d'erreurs de droit ;
- les décisions du préfet sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation concernant ses ressources propres, qui sont insuffisantes pour pouvoir vivre décemment en Algérie ;
- le préfet de police a commis une erreur de droit au regard de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien modifié et une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle n'était pas à la charge effective de ses enfants français, dès lors qu'elle bénéficie, depuis fin 2014, de virements mensuels de ses enfants pour une somme globale d'au moins 1 100 euros par mois ;
- la circonstance que deux de ses enfants ne résident pas de façon permanente en France est sans incidence sur sa qualité d'ascendante à charge de ses enfants français ;
- la décision du 23 avril 2018 est entachée d'un défaut d'examen de sa demande fondée sur l'article 6.5 de l'accord franco-algérien modifié et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions du préfet de police sont entachées d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien modifié, dès lors notamment qu'elle a besoin d'une assistance quotidienne qui ne peut lui être donnée que par ses enfants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- et les conclusions de Me Cloris, avocat de MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., épouseD..., ressortissante algérienne née en 1944, entrée en France le 10 février 2018 selon ses déclarations, a sollicité, le 6 mars 2018, un certificat de résidence algérien sur le fondement des articles 6.5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien modifié, ainsi que sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une première décision du 23 avril 2018, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien modifié, en qualité d'ascendante à charge d'enfant français. Par une seconde décision du 26 juillet 2018, le préfet de police a confirmé le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement précité, et a, en outre, refusé à MmeC..., épouseD..., la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien modifié et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. MmeC..., épouse D...relève appel du jugement du 24 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux décisions des 23 avril 2018 et 26 juillet 2018.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
2. Les conclusions de MmeC..., épouseD..., dirigées contre le jugement du 24 octobre 2018, doivent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme également dirigées contre les deux décisions des 23 avril 2018 et 26 juillet 2018 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 26 juillet 2018 :
3. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) A l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. ". Il résulte de ces stipulations combinées, telles qu'elles sont rédigées depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2003 de l'avenant du 11 juillet 2001 à l'accord franco-algérien, que la délivrance aux ressortissants algériens d'un certificat de résidence en tant qu'ascendant d'un ressortissant français n'est pas subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour, mais seulement à la régularité du séjour en France de l'intéressé.
4. En premier lieu, MmeC..., épouse D...soutient qu'en exigeant d'elle la présentation d'un visa de long séjour en qualité d'ascendant à charge pour pouvoir prétendre à l'obtention d'un certificat de résidence algérien sur le fondement du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien modifié, le préfet de police a commis une erreur de droit. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande sur le fondement précité, le préfet de police a motivé son arrêté, notamment, par la circonstance " que la seule déclaration de prise en charge par un ressortissant français après l'arrivée de son ascendante en France, ne permet pas à cette dernière de prétendre à la qualité d'ascendante à charge, qu'il lui fallait, en effet, établir cette qualité lors de sa demande de visa ". Par ce motif, et contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de police n'a pas entendu signifier la nécessité pour elle d'obtenir un visa de long séjour mais a simplement entendu souligner que la circonstance que MmeC..., épouse D...n'a pas fait valoir, notamment dans le cadre de sa dernière demande de visa de court séjour-circulation et de la délivrance d'un visa de ce type allant du 28 avril 2016 au 27 avril 2019, sa qualité prétendue d'ascendante à charge, alors qu'il lui a nécessairement été demandé, à cette occasion, de justifier de ses ressources et de leur provenance, est de nature à jeter un doute sur la réalité de cette qualité. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En second lieu, MmeC..., épouse D...soutient que le préfet de police s'est estimé, à tort, lié par l'avis qu'il a sollicité du consul de France à Alger, en date du 28 avril 2015, émettant un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour à la requérante sur le fondement de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien modifié, et qui est, en outre, entaché d'erreur de fait et d'erreurs de droit. Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que le préfet de police, qui a, d'ailleurs, produit en première instance l'avis précité sans toutefois s'y référer dans son mémoire en défense, se soit estimé lié par cet avis. La circonstance que cet avis serait entaché d'erreurs de fait et de droit, à supposer même celles-ci établies, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
7. MmeC..., épouse D...fait valoir que suite à la séparation brutale avec son mari en 2013, elle a été plongée dans une grande précarité. Elle soutient que, en conséquence de cette séparation et depuis fin 2014 environ, elle est à la charge effective de ses quatre enfants, tous de nationalité française et dont deux résident en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que MmeC..., épouse D...perçoit un montant mensuel minimal non contesté de 32 120 dinars algériens au titre de sa pension de retraite, supérieur au salaire national minimum garanti en Algérie, lequel s'élevait à la date des décisions attaquées à 18 000 dinars (163 euros environ). Dès lors, et en considération de ces ressources propres dont elle dispose, MmeC..., épouse D...ne saurait être regardée comme étant à la charge de ses enfants français au sens des stipulations susvisées de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien modifié, sans que celle-ci puisse utilement faire valoir son isolement ou la perte du niveau de vie qu'elle subirait depuis sa séparation. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'à supposer même erroné le motif tiré de ce que l'intéressée aurait dû, aux fins d'établir sa qualité d'ascendante à charge et préalablement à sa demande de certificat de résidence fondée sur l'article 7 bis b) précité, établir cette prétendue qualité lors de sa demande de visa, le préfet de police, qui a suffisamment examiné la situation personnelle de MmeC..., épouseD..., aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de ce qu'elle disposait de ressources propres dans son pays d'origine. Par suite, MmeC..., épouse D...n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplit les conditions afin de se voir délivrer un certificat de résidence en qualité d'ascendante à charge.
8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Enfin, MmeC..., épouseD..., qui était entrée en France depuis cinq mois seulement à la date de la décision attaquée, n'établit pas que ses enfants ne pourraient lui rendre visite en Algérie. Si elle fait valoir que sa fragilité physique et psychologique rend nécessaire une assistance quotidienne et produit à cet égard un certificat d'un psychothérapeute du centre hospitalier intercommunal de Poissy, en date du 8 février 2019, mentionnant la nécessité d'une psychothérapie, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière ne serait pas possible en Algérie. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée de séjour de MmeC..., épouse D...sur le territoire français, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. Celle-ci n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 23 avril 2018 :
10. L'arrêté du 26 juillet 2018 doit être regardée comme retirant implicitement mais nécessairement la décision du 23 avril 2018 dès lors que ces deux décisions sont relatives à la même demande de titre de séjour de Mme C...à laquelle la décision du 26 juillet 2018 répond de manière plus complète que celle du 23 avril 2018. Il résulte du rejet, prononcé par le présent arrêt, des conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 juillet 2018 que le retrait de la décision du 23 avril 2018 opéré par celle-ci a acquis un caractère définitif. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 avril 2018 sont devenues sans objet.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que MmeC..., épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme C..., épouseD..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande MmeC..., épouse D...au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de MmeC..., épouseD..., dirigées contre la décision du préfet de police du 23 avril 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de MmeC..., épouseD..., est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 24 juin 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03879