Par un jugement n° 1900516 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, d'une part, annulé la décision du 22 novembre 2019 du conseil fédéral de la fédération calédonienne de football et, d'autre part, enjoint à la fédération calédonienne de football de restituer à l'ASUNC les sept points qu'elle lui a retirés sur le résultat final de la saison 2019 de la super ligue de futsal et de prendre une nouvelle décision sur le manquement commis, en prenant en compte le fait que ce manquement n'a pas eu d'incidence sportive sur l'issue de ladite saison, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 juillet et 25 août 2020, la fédération calédonienne de football, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900516 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par l'ASUNC devant le tribunal est irrecevable dès lors que, d'une part, son président n'est pas habilité par les statuts de l'association à la représenter en justice et n'a pas justifié d'une décision de l'organe délibérant l'autorisant à le faire et, d'autre part, son recours contentieux n'a pas été précédé du recours préalable obligatoire devant le comité national olympique et sportif français prévu par l'article R. 141-5 du code du sport alors que cette règle de procédure administrative contentieuse s'applique de plein droit en Nouvelle-Calédonie ;
- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que la sanction infligée à l'ASUNC est disproportionnée et sans rapport avec les faits reprochés, alors que ce moyen de légalité interne est irrecevable dès lors qu'il se rattache à une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens soulevés par l'ASUNC dans sa demande du 5 décembre 2019 et qu'il a été soulevé après l'expiration du délai de recours contentieux ;
- la sanction infligée à l'ASUNC n'est pas disproportionnée eu égard à la gravité du manquement commis qui a eu des conséquences sur l'issue du championnat de futsal en favorisant l'ASUNC et qui aurait pu avoir de graves conséquences financières en cas de blessures de joueurs de l'ASUNC durant les matchs organisés sans son autorisation ;
- la fédération se trouvait en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige, s'étant bornée à appliquer les dispositions de l'article 222 des règlements généraux de la fédération calédonienne de football ; d'autres clubs se sont vu appliquer des pénalités sur le même barème, conformément à la pratique de la fédération ;
- les autres moyens soulevés par l'ASUNC devant le tribunal ne sont pas fondés dès lors que le conseil fédéral était compétent pour prendre la sanction en litige, que la matérialité de l'infraction est établie et que la sanction a été prise à l'issue d'une procédure régulière.
La requête de la fédération calédonienne de football a été communiquée à l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n°99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 251 du 16 octobre 2001 relative au sport en Nouvelle-Calédonie,
- le code du sport ;
- les règlements généraux de la Fédération Calédonienne de football ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Une note en délibéré a été présentée le 18 mai 2021 pour la fédération calédonienne de football.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 22 novembre 2019, le conseil fédéral de la fédération calédonienne de football a prononcé un blâme à l'encontre de l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie (ASUNC), et a déduit sept des cinquante-deux points qui avaient été obtenus par ce club dans le championnat de futsal de la saison 2019, ramenant ainsi à quarante-cinq points son résultat final dans ce championnat. Par un jugement du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 22 novembre 2019 de la fédération calédonienne de football, et lui a enjoint de prendre une nouvelle décision sur le manquement commis en prenant en compte le fait qu'il n'a pas eu d'incidence sportive sur l'issue de la saison 2019. Par la présente requête, la fédération calédonienne de football relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité de la demande de l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie présentée devant le tribunal :
2. Aux termes du 29° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de réglementation des activités sportives et socio-éducatives et d'infrastructures et manifestations sportives et culturelles intéressant la Nouvelle-Calédonie. La matière est régie dans ce territoire par la délibération n° 251 du 16 octobre 2001 relative au sport en Nouvelle-Calédonie.
3. Par ailleurs, aux termes du 2° de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l'Etat est compétent en matière de procédure administrative contentieuse. L'article 6-2 de cette la loi organique dispose que " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / (...) / 6° A la procédure administrative contentieuse ; (...) ".
4. L'article L. 141-1 du code du sport dispose que " Les associations sportives et les sociétés sportives qu'elles ont constituées, les fédérations sportives et leurs licenciés sont représentés par le Comité national olympique et sportif français " et l'article L. 141-4 que " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage./ Il constitue une conférence des conciliateurs dont il nomme les membres ". L'article R. 141-5 du code du sport prévoit que " La saisine du comité [national olympique et sportif français] à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts. ". L'article R.141-9-1 dispose également que : " Le délai de recours contentieux applicable aux décisions mentionnées à l'article R. 141-5 et relevant de la compétence de la juridiction administrative est d'un mois ".
5. Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
6. Les dispositions citées au point 4 de l'article L. 141-4 et de l'article R. 141-5 du code du sport instituent un recours préalable obligatoire à une conciliation organisée par le Comité national olympique et sportif français avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts en vue de résoudre le conflit né de cette décision. Les dispositions précitées des articles R. 141-5 et R.141-9-1 qui conditionnent la saisine du tribunal administratif et instituent des délais spéciaux de recours revêtent dès lors le caractère d'une règle de procédure administrative contentieuse.
7. En application du 2° de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 mentionné au point 3, la procédure administrative contentieuse relève de la compétence de l'Etat en Nouvelle-Calédonie. L'article 6-2 de la même loi organique précise que les dispositions législatives et réglementaires qui y sont relatives sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions prises par l'Etat les adaptant à son organisation particulière. Il s'ensuit que le recours préalable obligatoire à une conciliation organisée par le Comité national olympique et sportif français avant tout recours contentieux contre une décision prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, et les délais particuliers de saisine du tribunal administratif sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions prises par l'Etat les adaptant à son organisation particulière. Il saurait être tiré argument de ce que la délibération n° 251 du 16 octobre 2001 relative au sport en Nouvelle-Calédonie ne règle pas la question dès lors que les autorités du territoire n'ont pas compétence pour instituer des règles de procédure administrative contentieuse. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition que le comité territorial olympique et sportif de Nouvelle-Calédonie, qui représente le Comité national olympique et sportif français en Nouvelle-Calédonie, serait investi sur le territoire de la mission de conciliation que les textes attribuent au Comité national.
8. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie a présenté directement sa demande devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie le 3 janvier 2017 sans que le Comité national olympique et sportif français ait été saisi d'une demande de conciliation et qu'il ait statué sur celle-ci. Sa demande était de ce seul fait irrecevable. Par suite, et ainsi que le soutient la Fédération calédonienne de football, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en écartant la fin de non-recevoir que la Fédération calédonienne de football avait opposée à la demande pour annuler la décision du 22 novembre 2019 en litige.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la Fédération Calédonienne de football est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé sa décision du 22 novembre 2019 et lui a enjoint de restituer à l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie les sept points qu'elle lui a retirés sur le résultat final de la saison 2019 de la super ligue de futsal et de prendre une nouvelle décision sur le manquement commis, en prenant en compte le fait que ce manquement n'a pas eu d'incidence sportive sur l'issue de ladite saison.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présente la Fédération Calédonienne de football sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900516 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Fédération calédonienne de football sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération calédonienne de football et à l'association sportive universitaire de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente,
- Mme B..., première conseillère,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
La rapporteure,
V. C...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01759