Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance du 5 novembre 2019, la cour d'appel de Nancy a renvoyé la requête enregistrée sous le n° RG 19/00504 de M. D... B... agissant pour le compte de Mme C... B... devant la Cour.
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2016, et un nouveau mémoire, enregistré le 2 novembre 2020, M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 20 avril 2016 par laquelle la commission départementale d'aide sociale de la Meurthe-et-Moselle a confirmé la décision du président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle en date du 9 juin 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 9 juin 2015 du président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle refusant à Mme C... B... l'admission à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 8 octobre 2014 compte tenu du caractère incomplet du dossier ;
3°) d'admettre Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 8 octobre 2014 au 9 novembre 2014, date de son décès ;
4°) de fixer le montant de la participation de ses frères, M. E... B... et M. F... B..., obligés alimentaires.
Il soutient que c'est à tort que le président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle, dans sa décision du 9 juin 2015, et la commission départementale d'aide sociale de la Meurthe-et-Moselle, dans sa décision du 20 avril 2016, ont refusé d'admettre Mme B... à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 8 octobre 2014 et qu'il serait inéquitable de mettre à son unique charge le montant de la participation due au titre des obligés alimentaires dès lors que ses frères sont également solvables.
Par des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2016 et le 26 juillet 2019, le président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'en l'absence de réponse d'un des obligés alimentaires et dès lors que la saisine du juge aux affaires familiales était devenue impossible compte tenu du décès de Mme C... B..., il devait rejeter la demande d'aide sociale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... est entrée à l'USLD de Saint-Stanislas à Nancy le 8 octobre 2014. Son fils, M. D... B..., a sollicité, pour le compte de sa mère, l'admission à l'aide sociale aux fins de prise en charge des frais d'hébergement. Une décision de rejet lui a été opposé le 9 juin 2015 au motif que la situation d'un obligé alimentaire, qui n'avait pas répondu à la demande qui lui avait été faite, n'avait pu être précisée. Par une décision du 20 avril 2016 dont M. B... relève appel, la commission départementale d'aide sociale de la Meurthe-et-Moselle a rejeté le recours formé par M. B... contre cette décision du 9 juin 2015 du président du département de la Meurthe-et-Moselle.
Sur le bien-fondé de la demande d'admission à l'aide sociale :
2. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus. ". Aux termes de l'article L. 132-7 du même code : " En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part d'aide sociale ".
3. D'une part, en rejetant la demande d'aide sociale au motif que la situation d'un obligé alimentaire de Mme C... B... n'avait pas pu être précisée, le président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions combinées ci-dessus rappelées des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles. Ainsi, en application de ces dispositions, il appartenait au département de fixer la contribution des obligés alimentaires aux frais d'hébergement de l'intéressée pour vérifier si leur participation, ajoutée aux ressources propres de cette dernière, permet de couvrir ses frais d'hébergement. En application de ces mêmes dispositions, il appartenait également au département, malgré la défaillance de l'un des obligés alimentaires à faire connaître le montant de l'aide qu'il peut lui allouer, de saisir lui-même l'autorité judiciaire pour obtenir la fixation de leur dette alimentaire et l'obligation au versement de son montant. En effet le département, à la différence du postulant à l'aide alimentaire, est en mesure de s'assurer qu'il récupèrera les sommes qu'il avancerait, le cas échéant, à tout ou partie d'éventuels obligés alimentaires défaillants, par le biais de la prise en charge provisoire de sommes dues par eux à compter de la date d'effet de la décision de l'autorité judiciaire leur enjoignant de procéder au paiement de la dette alimentaire, en émettant au besoin un titre exécutoire à leur encontre sous le contrôle du juge judiciaire. Le département de la Meurthe-et-Moselle n'est dès lors pas fondé à soutenir que la circonstance que l'un des obligés alimentaires n'aurait pas fourni les informations nécessaires à l'évaluation de sa situation l'aurait contraint à rejeter la demande d'aide sociale.
4. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que l'autorité judiciaire aurait assigné aux obligés alimentaires de Mme B... le montant et la date d'exigibilité de leur participation aux frais d'hébergement de l'intéressée, ni même qu'elle aurait été saisie à cette fin. Il résulte de l'instruction que les ressources mensuelles de Mme B..., à la date de la demande d'aide sociale, se composaient de 711,27 euros au titre de la pension de retraite, de 148,32 euros au titre de la retraite complémentaire et de 22,77 euros d'allocation logement, auxquels il convient de déduire la somme de 178 euros au titre des frais de mutuelle et la quote-part de 10% laissée à sa disposition en vertu de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ; Mme B... disposait ainsi de ressources nettes mensuelles s'élevant à 1 064,86 euros pour s'acquitter des frais d'hébergement dont il résulte de l'instruction qu'ils s'élevaient à 1 785,77 euros à la date de la demande, de sorte qu'il existait ainsi un solde négatif de 898,91 euros. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction qu'à la suite de l'enquête engagée par les services du département de la Meurthe-et-Moselle auprès des potentiels obligés alimentaires, deux des trois obligés alimentaires ont produit des éléments d'information sur leurs ressources, qu'au vu de ces informations les ressources cumulées des deux obligés alimentaires s'élevaient à 1 838, 63 euros par mois, et que ces revenus ne permettaient donc pas la prise en charge de ce solde négatif. Il suit de là que l'état de besoin de Mme B... pour régler ses frais d'hébergement est établi.
5. Par suite M. B... est fondé à soutenir que Mme B... devait être admise à l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 8 octobre 2014 eu 9 novembre 2014 et à demander pour ce motif l'annulation de la décision du 9 juin 2015 du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle.
6. Il y a lieu de renvoyer M. B... devant le président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle afin que celui-ci procède à la détermination du déficit constaté entre les ressources perçues par Mme B... à la date du 8 octobre 2014, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles et des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, et les frais de son hébergement au sein de l'USLD Saint Stanislas à Nancy, et de procéder au versement des sommes ainsi calculées.
Sur la demande de fixation du montant de la participation pour chacun des obligés alimentaires :
7. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles que les commissions d'aide sociale, qui ont compétence pour fixer dans quelle mesure les frais de placement des personnes âgées dans les maisons de retraite sont pris en charge par les collectivités publiques, de fixer au préalable le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et de ses débiteurs alimentaires. En revanche, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant et la date d'exigibilité de leur participation à ces dépenses. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. B... tendant à la fixation du montant de la contribution de chacun des obligés alimentaires de Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 20 avril 2016 de la commission départementale d'aide sociale de la Meurthe-et-Moselle et la décision du 9 juin 2015 du président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle sont annulées.
Article 2 : Mme C... B... est admise à l'aide sociale pour la période du 8 octobre 2014 au 9 novembre 2014. M. D... B..., ayant-droit de Mme B..., est renvoyé devant le président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle afin que celui-ci procède à la détermination et au paiement des sommes dues à ce titre.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au président du département de la Meurthe-et-Moselle et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président,
- Mme Collet, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le rapporteur, président de la formation de jugement,
I. A...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01163