2°) d'ordonner à la commune de Montry, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, de supprimer le raccordement de l'évacuation des eaux pluviales et des eaux usées de la ville sur la canalisation implantée dans le tréfonds de sa propriété ;
3°) de condamner la commune de Montry à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis du fait de l'implantation irrégulière de cette canalisation et de son raccordement au réseau d'eaux pluviales et usées ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montry la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) d'ordonner l'exécution provisoire du jugement ;
6°) de condamner la commune aux entiers dépens.
Par un jugement avant dire droit du 30 mars 2015, le tribunal administratif de Melun a ordonné une expertise afin de déterminer si des eaux pluviales ou usées recueillies par le réseau d'assainissement communal traversaient la propriété de M.A..., et de préciser, le cas échéant, si cette situation résultait ou non de la présence sur la propriété de M. A...de conduites dépendant du réseau d'assainissement communal ou du raccordement à l'extérieur de cette propriété de conduites de ce réseau, de fournir tous éléments sur la possibilité de remédier à cette situation, d'indiquer si les inondations dont M. A...fait état sont directement liées au déversement des eaux pluviales ou usées et plus généralement de fournir tous éléments sur les causes de ces inondations et de déterminer les préjudices subis.
Par un jugement n° 1305684 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Montry à verser à M. A...la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices subis, a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 3 882,60 euros et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2018 et 15 mars 2019, la commune de Montry, représentée par Me Dechelette, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305684 du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. A...une indemnité de 8 000 euros, a mis à sa charge les frais d'expertise ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il existait un lien de causalité direct et suffisant entre l'ouvrage public litigieux et le préjudice allégué par M.A... ; il ressort des conclusions de l'expert que l'inondation du terrain de l'intéressé résultait de sa situation en zone inondable ; le déversoir d'orage ne constitue qu'un facteur aggravant au regard de l'importance des eaux issues des voies SNCF en cas de pluies importantes et du raccordement de la conduite incriminée au réseau communal ; sans l'existence de cette conduite, le terrain de M. A...deviendrait un champ d'expansion pour les eaux ;
- en l'absence de pièces et d'éléments suffisants pour justifier les troubles de jouissance et le préjudice moral de M.A..., le tribunal ne pouvait la condamner à lui verser une indemnité de 8 000 euros ; elle a proposé de déplacer la canalisation litigieuse mais M. A... a refusé cette solution ;
- le tribunal n'a pas caractérisé le caractère anormal et spécial du préjudice allégué par M.A... alors qu'il ressort du rapport d'expertise que le préjudice allégué par M. A...ne revêt pas un caractère anormal et spécial du fait de la faible fréquence des inondations qui concernent en outre les autres propriétés du secteur.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 19 avril 2018,
M.A..., représenté par Me Le Noble, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1305684 du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires et a limité à la somme de 1 500 euros les frais liés à l'instance ;
2°) de condamner la commune de Montry à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de porter la somme de 1 500 euros mise à la charge de la commune de Montry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le jugement attaqué à la somme de 5 000 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montry les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 3 882,60 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Montry la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de la requête de la commune de Montry ne sont pas fondés ;
- l'indemnité devra être portée à la somme de 30 000 euros, les troubles ayant perduré pendant plus de vingt ans et ont consisté jusqu'à l'année 2008 en le déversement d'eaux usées dégageant des odeurs nauséabondes qui ont stagné sur sa propriété, rendant son jardin inutilisable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Dechelette, avocat de la commune de Montry,
- et les observations de Me Le Noble, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte authentique du 11 septembre 1989, M. et Mme A...ont fait l'acquisition auprès de Mme C...d'un bien immobilier constitué d'un terrain comprenant une maison à usage d'habitation, situé 60 avenue Foch à Montry. Estimant subir des inondations régulières et des nuisances olfactives du fait de la présence d'une canalisation dépendant du réseau d'assainissement communal illégalement implantée sur son terrain et raccordée au réseau d'évacuation des eaux pluviales et usées, M. A...a saisi le tribunal administratif de Melun afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice par la commune de Montry et le déplacement de la partie du réseau d'assainissement communal se trouvant sur sa propriété. La commune de Montry relève appel du jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. A...la somme de
8 000 euros en réparation des préjudices subis, a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 3 882,60 euros et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, M. A...demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires et qu'il a limité à 1 500 euros la somme allouée au titre des frais d'instance.
Sur la responsabilité de la commune de Montry :
2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement. Il appartient toutefois aux tiers, victimes de ces dommages, d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'ils allèguent avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et ces préjudices qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation. Le maître d'ouvrage ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
3. Il résulte de l'instruction que la parcelle en cause appartenait à la SNCF avant d'être vendue à M. C...et qu'en exécution du protocole d'accord conclu le 9 mai 1969 entre la commune de Montry et M.C..., alors bénéficiaire d'une promesse de vente portant sur ce terrain, et des conditions particulières stipulées dans l'acte de vente conclu le
2 mars 1970 entre la SNCF, vendeur, et M.C..., acquéreur, publié au bureau des Hypothèques de Meaux le 9 mars suivant, M. C...a comblé le fossé ouvert situé sur la parcelle et destiné à recueillir les eaux de ruissellement en provenance des voies ferrées longeant sa propriété par une canalisation enterrée de 800 millimètres de diamètre. Le tribunal a ainsi pu juger à bon droit que la canalisation litigieuse n'avait pas été implantée illégalement par la commune de Montry sur le terrain appartenant désormais à M.A..., ce que d'ailleurs les parties ne contestent pas devant la Cour.
4. Toutefois, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise et des plans du réseau d'assainissement communal, qu'à une date qui n'est pas précisée par la commune de Montry, celle-ci a procédé au raccordement de la canalisation située dans le tréfonds du terrain de M. A...au réseau d'assainissement communal. En cas de fortes pluies ou d'inondation provoquant une surcharge du réseau communal, le trop-plein des eaux de ce réseau, par l'intermédiaire d'un déversoir d'orage, se répand ainsi dans la canalisation située sur le terrain de M. A.... Jusqu'aux travaux entrepris par la commune en 2008 à fin de séparer les réseaux des eaux pluviales des réseaux des eaux usées, engagés à la suite des nombreux courriers de M. A...et de la SNCF adressés au maire de Montry, il est établi que se déversaient dans la canalisation en cause à la fois les eaux pluviales et les eaux usées de la commune. Or, cette canalisation, prévue à l'origine pour recevoir les eaux de drainage des voies ferrées de la SNCF comme il a déjà été dit, n'était pas dimensionnée pour recevoir une grande quantité d'eau qui provoque, en cas de fortes précipitations et de surcharge du réseau communal, une inondation du terrain de M.A.... Si la commune soutient que le raccordement au réseau communal ne constitue qu'un facteur aggravant dans la réalisation du dommage, les inondations trouvant d'abord leurs causes dans le caractère inondable du terrain de M. A...et dans les eaux de ruissellement des voies ferrées, il résulte de l'instruction que ce sont les eaux communales transitant dans une canalisation qui n'a pas été conçue pour les recevoir qui sont à l'origine des débordements sur la propriété de M. A...par l'intermédiaire des regards d'entretien de la canalisation. Il résulte également de l'instruction que depuis 2008, seules les eaux pluviales communales se déversent désormais dans la canalisation en cause, ce qui est confirmé par l'absence d'ammoniac dans les eaux qui y ont été prélevées le 3 janvier 2016. Si la commune de Montry soutient que M. A...aurait refusé la solution proposée tendant à déplacer le déversoir d'orage, cet ouvrage n'est pas situé sur le terrain de M.A..., lequel s'est au demeurant borné à adresser à la commune un courrier, le 5 août 2008, dont il ressort que M. A... souhaitait, au contraire, une réalisation rapide des travaux et que la commune ne se contente pas d'inscrire ces travaux dans le cadre d'un programme d'assainissement ultérieur dont la date n'était pas précisée. Il résulte de ce qui précède qu'il existe un lien de causalité direct entre le raccordement au réseau d'assainissement communal de la canalisation en cause et les inondations subies par M. A...en cas de fortes pluies. Le déversement des eaux usées et des eaux pluviales jusqu'en 2008, puis jusqu'à ce jour des seules eaux pluviales dans la propriété de M.A..., et alors même que d'autres propriétés connaîtraient de telles inondations, ce qu'au demeurant la commune de Montry ne démontre pas, doit être regardé comme constituant un dommage anormal et spécial, ainsi que l'a nécessairement jugé le tribunal, de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune à l'égard de M.A..., tiers par rapport à l'ouvrage public litigieux.
Sur les préjudices :
5. Il résulte de l'instruction, en particulier des courriers adressés tant par M. A...à la commune de Montry et à la SNCF que de ceux adressés par cette dernière à la commune de Montry que le jardin de M. A...a été inondé à plusieurs reprises du fait du débordement des eaux communales se déversant dans la canalisation située au tréfonds de son terrain. Si M. A... n'établit pas pour l'ensemble de la période le nombre exact des inondations qu'il aurait subies et la durée pendant laquelle il n'a pu jouir de son jardin, il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des photographies versées au dossier, s'agissant des inondations de juillet 2000 et de juin 2016, qu'en raison du débordement des eaux, son jardin, dans lequel il cultivait un potager, était rendu impraticable du fait de l'étendue d'eau le recouvrant. En outre, en juillet 2000, le jardin de M. A...a nécessairement été inondé par les eaux usées de la commune, les travaux de séparation des réseaux n'ayant été effectués qu'en 2008, lesquelles eaux usées, nonobstant la circonstance qu'elles aient été diluées avec les eaux pluviales communales et les eaux de drainage des voies ferrées, ont nécessairement généré des nuisances olfactives, d'autant qu'elles ont stagné dans le jardin de M. A...pendant plusieurs jours. Par suite, les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice de jouissance et du préjudice moral subis par M. A...en fixant l'indemnité allouée à ce titre à la somme de 8 000 euros.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montry n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à M. A...une indemnité de 8 000 euros, a mis à sa charge les frais d'expertise ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Doivent également être rejetées les conclusions incidentes présentées par M. A... tendant à ce que l'indemnité qui lui a été allouée soit portée à la somme de
30 000 euros et le jugement réformé en ce sens.
Sur les frais exposés par M. A...devant le tribunal administratif :
7. Par le jugement attaqué, le tribunal a mis à la charge de la commune de Montry la somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par M.A.... Par suite, les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué et à ce que la somme de 1 500 euros soit portée à 5 000 euros doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Montry au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Montry une somme de 1 500 euros à verser à M. A...sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Montry est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. A...sont rejetées.
Article 3 : La commune de Montry versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montry et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00555