Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Mortagne, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912819/5-1 du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la demande de rappel du 1er avril 2019 de l'ambassadeur de France au Pakistan ainsi que la décision du 28 mai 2019 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de le réintégrer à son poste à l'ambassade de France à Islamabad dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 28 mai 2019 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères constitue une sanction déguisée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de réunion du conseil de discipline ;
- elle est constitutive d'un détournement de pouvoir ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il conteste l'intégralité des griefs portés à son encontre et réfute la réalité des dysfonctionnements évoqués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., titularisé dans le corps des secrétaires de chancellerie en 2001, a été affecté en septembre 2017 à l'ambassade de France à Islamabad (Pakistan) en qualité de chef du service commun de gestion, puis de secrétaire général d'ambassade. Par décision du 28 mai 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a décidé sa mutation d'office dans l'intérêt du service en qualité de chef de bureau du budget à la mission de la valise diplomatique à la direction de la sécurité diplomatique. Par jugement n° 1912819/5-1 du 8 octobre 2020, dont il relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours formé par M. B... contre cette décision.
Sur les conclusions dirigées contre la demande de rappel du 1er avril 2019 :
2. Dès lors que M. B... ne soulève aucun moyen dirigé contre la demande de rappel du 1er avril 2019 de l'ambassadeur de France au Pakistan, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cette demande ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 28 mai 2019 :
3. La mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.
4. Il ressort du courrier formel de l'ambassadeur de France au Pakistan du
1er avril 2019 que M. B... a, de sa propre initiative et sans en référer à l'ambassadeur, décidé de ne pas informer l'entreprise chargée de la maintenance des matériels de sécurité passive de l'ambassade de la signature par l'ambassadeur au début de l'année 2019 du contrat afin d'assurer la prestation préférant obtenir une rédaction qui lui convenait davantage. M. B... n'a communiqué ce contrat à l'entreprise concernée que le 22 mars 2019 après la découverte de cette situation lors de la mission d'inspection du directeur de la sécurité diplomatique tout en adressant parallèlement au service comptable un courriel contestant le contenu dudit contrat et sans en informer l'ambassadeur. Cette situation a créé une perte du lien de confiance avec sa hiérarchie. Par ailleurs, il est également apparu que l'année précédente, le poste était resté sans entretien de sécurité, le secrétariat général de l'ambassade n'ayant pas instruit le contrat, qu'il n'estimait pas relever de sa compétence. L'ambassadeur a donc considéré que " par ses initiatives, M. B... compromet le bon fonctionnement des systèmes de sécurité et la sûreté des agents et [des] visiteurs ". La circonstance que ces dysfonctionnements aient été découverts uniquement à l'occasion de la mission d'inspection précitée n'est pas de nature, à elle seule, à établir que comme le soutient M. B..., la décision de mutation contestée a été prise pour le sanctionner et pour dissimuler d'autres responsabilités collectives. Par ailleurs, il ressort du courrier formel précité, qui est suffisamment étayé d'exemples concrets, que M. B... a eu des difficultés à plusieurs reprises à accomplir les missions qui lui ont été confiées ou qu'il s'est abstenu de les réaliser et qu'il a, de plus, eu des difficultés relationnelles avec plusieurs agents de l'ambassade et que son comportement a porté " atteinte à la réputation de l'ambassade, à la sérénité du poste et à la cohésion de l'équipe ", ce qui a conduit l'ambassadeur à préconiser que " M. B... soit relevé [de ses] fonctions (...) dans son intérêt et dans celui du service ". Si M. B... conteste l'intégralité des griefs portés à son encontre, réfute la réalité des dysfonctionnements évoqués et produit des échanges de courriel et trois attestations de collègues montrant les bonnes relations entretenues par ce dernier avec les personnes concernées et la qualité du travail qu'il a accompli et se prévaut de la notation dont il a bénéficié au titre de l'année 2018 montrant qu'il " est un bon professionnel, (...) soucieux et rigoureux des intérêts de l'Etat ", le contenu de ces éléments est insuffisant pour démontrer que les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis et de nature à justifier dans l'intérêt du service son changement d'affectation. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que, quand bien même le champ lexical des termes employés dans le courrier formel précité et ses annexes et l'intervention d'une solution rapide ait été souhaitée par l'ambassadeur, les nécessités du bon fonctionnement du service de l'ambassade de France au Pakistan impliquaient compte tenu des comportements, des dysfonctionnements précités ainsi que des relations altérées avec l'ambassadeur et les autres chefs de service, la mutation de M. B... dans l'intérêt du service. Ainsi, la décision du 28 mai 2019 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a décidé de muter l'intéressé au sein de l'administration centrale, qui n'a pas eu d'effet sur son déroulement de carrière, dès lors que l'affectation régulière à l'administration centrale constitue une obligation statutaire des agents et des divers corps de fonctionnaires de ce ministère, ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, de sorte que comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges, cette décision n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir, ne constitue pas une sanction devant être soumise préalablement au respect de la procédure disciplinaire et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président, de chambre,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET
Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03851